Le second tour des élections municipales aura donc lieu le 28 juin prochain. Suite à cette annonce faite à la mi-journée par Edouard Philippe, les réactions des politiques ne se sont pas faites attendre. A Tours, nous avons demandé aux trois candidats encore en lice quel était leur point de vue.
Ce vendredi 22 mars, Edouard Philippe a annoncé que le second tour des municipales se tiendrait le 28 juin. "Après avoir pesé le pour et le contre, nous pensons que la vie démocratique doit reprendre ses droits", a expliqué le Premier ministre, lors d’une conférence de presse à Matignon. Précisant que cette décision était "réversible", si la situation sanitaire devait se dégrader, le chef de l’exécutif a ainsi annoncé qu'une "clause de revoyure" était prévue avec le conseil scientifique. Elle interviendra d’ici deux semaines afin d’envisager un nouveau report, au plus tard en janvier 2021.
Le ministre de l’Intérieur a ensuite précisé les mesures à mettre en place pour le vote. Certaines sont identiques à celles du premier tour : marquage au sol dans les bureaux de vote afin de faire respecter la distanciation physique, gel hydroalcoolique ou accès à un point d’eau pour se laver les mains, utilisation d’un stylo personnel… Christophe Castaner a cependant ajouté le port du masque obligatoire (à minima grand public) pour les votants, ainsi que le port de masques chirurgicaux pour les membres des bureaux et les scrutateurs lors du dépouillement. Ces masques seront financés par les communes "avec le soutien plein et entier du gouvernement", a-t-il précisé.
Le ministre de l’Intérieur a par ailleurs évoqué des pistes afin d’assouplir les règles du vote par procuration, en particulier pour les résidents des Ehpad. "Pour les personnes fragiles vivant à leur domicile, un officier pourra aussi se rendre chez elles pour recueillir les demandes de procuration".
Fait exceptionnel, Christophe Castaner a également allongé la durée de la campagne électorale à un mois au lieu de 5 jours habituellement, précisant que cette dernière ne devait pas devenir "un facteur du virus". Les candidats devront donc faire "campagne différemment", a-t-il expliqué, en privilégiant notamment le numérique et les débats dans les médias.
Les réactions des candidats tourangeaux
A Tours, le second tour verra s’affronter trois candidats : Emmanuel Denis (EEVL-PS-DVG) arrivé en tête du 1er tour avec 35,46 % des voix, Christophe Bouchet (UD), maire sortant en seconde position avec 25,62 % des votes, et enfin Benoist Pierre (LREM), classé 3e avec 12,67 % des voix. Ils réagissent à l'annonce de la date de tenue du second tour des municipales.
Emmanuel Denis, EELV-PS-DVG
France 3 : « Quelle est votre réaction à l’annonce du choix du 28 juin pour le second tour des élections municipales ? »> Emmanuel Denis : « On était au milieu du gué, ça nous donne un objectif, une échéance, avec une clause de revoyure qui paraît légitime au vu du contexte sanitaire. C’est important que , dans cette perspective qui risque de durer, on n’interrompe pas totalement la démocratie. Dans cette situation, il est important que les élus soient relégitimés par cette élection, et que ce second tour se tienne rapidement. »
France 3 : « Comment allez-vous faire campagne alors que les meetings, le porte-à-porte, le tractage sont interdits ? »
> Emmanuel Denis : « Tout sera forcément différent. Déjà, parce qu'habituellement, il n’y a pas vraiment de campagne entre les deux tours. Différent également, parce que nous ne pourrons pas organiser de réunions publiques. Mais je crois qu’il existe d’autres moyens de faire campagne. Nous allons être encore plus présents sur les réseaux sociaux, par voie postale et dans la rue, à proximité des commerces, des écoles, là où il y a du passage. On peut avoir une conversation à un mètre de distance, en portant un masque. Même sous un masque, on peut voir l’enthousiasme des militants ! A nous d’imaginer de nouvelles manières de nous exprimer et de faire campagne de manière sympathique. Nous resterons dans notre style et notre manière d’être. Sur Internet, nous poursuivrons nos réunions numériques. Nous avons déjà organisé plusieurs débats qui ont réuni à chaque fois une centaine d’internautes autour de la culture, de la rentrée des classes, etc. Et pourquoi pas sortir dans la rue avec un porte-voix, façon crieur de rue ? Il faut être imaginatif ! »
France 3 : « L’état d’urgence sanitaire est-il compatible avec la tenue d’élections ? »
> Emmanuel Denis : « On est en période de déconfinement, on va dans les magasins, les gens retravaillent, les écoles ont partiellement rouvert. Cela veut dire qu’il faut s’habituer et s’adapter. Il ne faut pas que tout s’arrête. Les protocoles doivent être encore renforcés par rapport au premier tour, pour pouvoir donner aux électeurs toutes les garanties possibles quant à leur sécurité sanitaire lors du vote. Cela ne me paraît pas impossible. Nous avons à présent la connaissance des gestes barrières. Il faut maintenant travailler et être prêts pour accueillir les tourangeaux dans quelques semaines. »
France 3 : « Craignez-vous un fort taux d’abstention, comme au premier tour ? »
> Emmanuel Denis : « C’est un risque, et c’est la raison pour laquelle il faut rassurer les électeurs en leur présentant le protocole qui sera mis en place le 28 juin. Nous avons du temps pour organiser tout cela. Sans oublier de rappeler à celles et ceux qui hésiteraient à se déplacer par crainte d’une éventuelle contamination, que d’autres moyens d’exprimer son suffrage existent, tels que les procurations. C’est à nous, candidats, de faire comprendre tous les enjeux de cette élection. Dans ce sens, nous avons amendé quelques-unes de nos propositions de campagne, sans modifier le fonds car elles nous semblent toujours pertinentes. La crise que nous traversons a confirmé la légitimité de certaines de nos propositions, au rang desquelles la création de maisons de santé, la relocalisation de certains secteurs économiques, l’aide à l’installation d’agriculteurs sur notre territoire, la question des circulations « douces ». Notre ambition est de mettre un coup de projecteur sur tous ces sujets qui prennent une ampleur particulière depuis le début de la crise sanitaire. »
Christophe Bouchet, UD
France 3 : « Quelle est votre réaction à l’annonce du choix du 28 juin pour le second tour des élections municipales ? »> Christophe Bouchet : « A titre personnel, je trouve rassurant d’avoir une date, car l’incertitude devenait pesante. Après, sur un plan plus général, politique et sociétal, je n’adhère pas à la décision du gouvernement. On ne peut pas aujourd’hui être formel sur les conditions qui seront celles de ces élections le 28 juin, il faut donc rester humbles et prudents. Je crois, par ailleurs, que la société n’est pas prête à ces élections. C’est comme une rivière qui serait sortie de son lit : cette société n’est pas apaisée, pas sereine, elle n’a retrouvé ni ses envies ni ses habitudes. Je trouve qu’il n’y a pas de cohérence à précipiter les choses. La question est de faire les choses le moment venu. Il y a, selon moi, d’autres urgences. »
France 3 : « Craignez-vous que les résultats du vote soient biaisés, posant finalement la question de la légitimité du candidat élu ? »
> Christophe Bouchet : « Ma seule certitude, c’est que le corps électoral ne sera pas dans sa forme habituelle le 28 juin prochain. Il manquera des gens à l’appel. Certains jeunes qui sont déjà partis en vacances, parce que leurs universités sont fermées, les plus âgés qui resteront chez eux, parce que ça fait plusieurs semaines qu’on leur dit de ne pas sortir. Aller voter pendant l’un des premiers week-end d’été quand on a autre chose en tête, je ne suis pas sûr que cela soit très motivant. Ce sera là l’enjeu de cette campagne : convaincre. Mais avant cela, il faut rassurer. »
France 3 : « Vous aviez évoqué le vote par correspondance comme solution à la tenue de ces élections. Cela n’a pas été retenu par le gouvernement. Le vote par procuration pourrait-il être une alternative dans ce contexte épidémique ?
> Christophe Bouchet : « Le vote par correspondance est en effet une bonne option selon moi, il n’est pas complexe à mettre en œuvre. On le connaît, puisqu’il était utilisé en France jusqu’en 1975 (ce type de vote est actuellement encore possible pour les Français de l’étranger lors des élections législatives, NDLR). Il permettrait d’avoir plus de votants, j’en suis persuadé. Quant au vote par procuration, j’entends parler de procurations multiples permettant à un seul individu de voter pour plusieurs personnes, de procurations numériques. Dans quelles conditions ? comment ? pour qui ? Ce sont des sujets lourds et je ne suis pas certain que l’on serait prêts pour le 28 juin. Quoi qu’il en soit, je ne suis pas à l’aise avec la notion de procuration. Cela doit être un état d’exception. Là, on provoque cet état d’exception, cela me gêne. C’est un passage en force auprès des électeurs, et je ne veux pas que les gens se sentent acculés. »
France 3 : « Comment allez-vous faire campagne alors que les meetings, le porte-à-porte, le tractage sont interdits ? »
> Christophe Bouchet : « Honnêtement, la campagne est loin de moi pour le moment. J’ai le nez sur demain, après-demain. Sur la distribution de masques dans ma ville, la réouverture des écoles, la relance commerciale. Les urgences sont là. Et puis, avant de m’occuper des modalités de cette campagne, je vais déjà m’occuper des modalités des opérations de vote de façon à ce que tout se passe au mieux, si la date du 28 juin était maintenue. C’est ma priorité aujourd’hui. »
Benoist Pierre, LREM
France 3 : « Quelle est votre réaction à l’annonce du choix du 28 juin pour le second tour des élections municipales ? »> Benoist Pierre : « La situation démocratique et institutionnelle nécessite aujourd’hui une continuité. Cette décision s’appuie sur des arguments scientifiques. On ne peut pas, à mon sens, déconfiner et affirmer dans le même temps que l’activité démocratique n’est pas importante, que l’on verra plus tard. Nous ne disposons, en outre, d’aucun élément tangible qui consisterait à dire que la tenue de ces élections serait plus favorable en septembre, en octobre ou même en janvier. Il me semble que cette date du 28 juin est la moins mauvaise des solutions. »
France 3 : « L’état d’urgence sanitaire est-il compatible avec la tenue d’élections ? »
> Benoist Pierre : « Il n’empêche en tous cas pas le déconfinement ! Même si certains n’ont pas la tête à cela, imaginons que le 28 juin soit l’une des seules occasions possibles d’organiser ce second tour, sans devoir refaire un premier tour pour 5000 villes seulement ? Tout reprendre à zéro introduirait une rupture démocratique entre les villes et les villages qui ont passé le premier tour, et puis les autres. Le comité scientifique dit que nous pouvons envisager ces élections en juin. Auront-elles lieu ? Nous le saurons 15 jours avant. Mais à ce stade, les garanties de sécurité me semblent solides. »
France 3 : « Comment allez-vous faire campagne alors que les meetings, le porte-à-porte, le tractage sont interdits ? »
> Benoist Pierre : « Nous n’avons rien anticipé sur ce sujet, car rien n’était anticipable. Nous avons imaginé la forme que cette campagne pourrait prendre. Cela sera compliqué. Cela change la nature de la campagne, mais cela n’interdit pas la campagne. Tout se fera à distance, évidemment. Nous nous adapterons pour faire au mieux. Les réseaux sociaux seront bien-sûr de précieux outils, nous pensons à créer des affichages différents qui évoquent davantage des mesures de notre programme. Je le reconnais, vivre une élection dans un contexte si particulier ne correspond pas à mon idéal politique. Est-ce que, pour autant, il faut tout suspendre ? Je ne le crois pas. »
France 3 : « Craignez-vous un fort taux d’abstention, comme au premier tour ? »
> Benoist Pierre : « Sincèrement, on ne peut pas faire pire qu’en mars ! Un taux d’abstention à nouveau élevé est un risque à prendre. Nous avons cinq semaines pour rassurer, organiser, mettre en place les choses et convaincre pour que le vote soit le plus légitime possible. La légitimité sera jugée à l’aune des actions. Celui qui sera choisi aura une grande responsabilité, par rapport à ce qu’il engagera une fois élu. L’attente des habitants est forte. Et puis, il y a ceux que j’entends dire qu’aller voter n’est pas leur priorité. L’enjeu de cette campagne consistera à expliquer ou réexpliquer l’importance d’élire une équipe, parce que le cycle démocratique n’est pas un moindre facteur dans la régulation ou l’anticipation des problèmes."
Prévu le 22 mars 2020, le second tour des élections municipales avait été reporté à cause de l’épidémie de coronavirus. Dans un avis au gouvernement, le conseil scientifique ne s'est pas opposé à la tenue du second tour en juin précisant cependant les modalités d’un renforcement des mesures sanitaires.
En France, près de 5000 communes doivent encore procéder à un second tour et plus de 16 millions d’électeurs sont encore appelés aux urnes.