L’ambition avait pourtant été affichée haut et fort : le département d’Eure-et-Loir voulait se donner les moyens de contrer la pénurie médicale sur son territoire. La chambre régionale des comptes a publié ce mardi un rapport qui salue l'ambition mais regrette un manque de moyens.
Avec 59 médecins généralistes pour 100 000 habitants – l’une des démographies médicale et paramédicale parmi les moins denses du territoire français – l’Eure-et-Loir constitue depuis longtemps ce que l’on appelle une zone sous-dotée ou, plus couramment, un "désert médical". Il se situe, en termes de densité de médecins généralistes, à la 96e position nationale.
Pour faire face à cette situation d’un accès aux soins de proximité rendu particulièrement dégradé, le Conseil départemental s’était engagé, dès 2009 à mettre en œuvre une politique "volontariste et ambitieuse", comme le rappelle Chantal Marchand, directrice générale adjointe des services du conseil départemental. Avec un objectif : attirer des professionnels de santé - et les retenir - en rendant son territoire plus attractif.
Pour y parvenir, une série de dispositifs d’accompagnements contenus dans le "plan santé 28", censés cibler principalement l’installation durable sur le territoire d’étudiants et de jeunes praticiens.
Un diagnostic succinct et un budget insuffisant
Ce que conteste aujourd’hui la Chambre régionale des comptes, ce n’est pas l’intention de la collectivité, mais plutôt une certaine légèreté dans son mode d’intervention.
Premier reproche, une politique qui s’appuie sur un diagnostic très succinct, incapable de rendre compte des disparités au sein même du territoire eurélien. Le montant du budget alloué à ces interventions s’avère par ailleurs très modeste : avec à peine 239 000 € par an, l’enveloppe représente moins de 1% des dépenses de fonctionnement de la collectivité. Un peu juste, au regard de l’ambition affirmée.
Une politique insuffisamment formalisée et non évaluée qui se traduit par des actions de portée inégale
Rapport de la Chambre régionale des comptes - Centre-Val de Loire
Le plan initié par la collectivité prévoit ainsi trois types d’interventions : des aides individuelles, des aides aux territoires et des actions de communication visant à assurer la promotion du département.
Pour la Chambre régionale des comptes, "le plan santé 28 n’est pas évalué malgré son étoffement et un renforcement des moyens qui lui sont dédiés sur la période récente". Même l’aide prévue pour accompagner de déploiement de la télémédecine ne paraît pas avoir atteint son public, "faute d’un examen préalable approfondi des usages du numérique dans le domaine de la santé".
Un plan santé "renforcé" en 2023
"Comme on n'est pas acteur de première ligne, le résultat n'a pas été à la hauteur de notre ambition", concède Chantal Marchand. En effet, l'État, notamment par le biais de l'Agence régionale de santé, possède la plupart des leviers sur lesquels agir pour inciter (voire obliger) les médecins à s'installer dans les territoires sous-dotés. L'absence de faculté de médecine dans le département, qui devrait être compensée dans les prochaines années par l'ouverture de celle d'Orléans, se fait également sentir.
En revanche, indique la DGS adjointe, le département s'est déjà "remi en ordre de marche" pour recentrer et mieux cibler sa stratégie. Par le biais d'un cabinet de conseil spécialisé, "nous allons évaluer les dispositifs mis en œuvre, lesquels conserver, et proposer de mettre l'accent sur telle action plutôt que telle autre".
Il s'agira par exemple d'alléger au maximum le fardeau administratif des jeunes médecins lors de leur installation, ainsi qu'un "guichet unique" pour centraliser les aides et les informations dont peuvent avoir besoin les praticiens, comme cela a été fait dans d'autres départements.
Faisant suite à une loi récente légitimant les actions départementales en matière d’accès aux soins de proximité, l’exécutif départemental d’Eure-et-Loir a en effet annoncé son intention de donner une nouvelle envergure à son action en délibérant prochainement sur un "plan santé pluriannuel renforcé".
La Chambre régionale des comptes prévient toutefois : "la réussite de ce nouveau plan dépendra de l’effectivité de son pilotage et de sa bonne insertion au sein des multiples acteurs œuvrant dans l’organisation territoriale des soins de premier recours".
La Chambre régionale a ainsi émis plusieurs recommandations. Elle donne au département un délai d’un an avant d’examiner leur mise en œuvre.