Santé : des députés veulent forcer les nouveaux médecins à s'installer dans les déserts médicaux

Une proposition de loi transpartisane a été déposée en vue de lutter contre la désertification médicale. Principale disposition proposée par le texte : le conditionnement géographique de l'installation des médecins, sujet hautement sensible dans le monde médical.

"La promesse d’égalité face à la Santé qui fonde notre modèle social est brisée". Ce constat cruel est dressé en introduction d'une proposition de loi, enregistrée par l'Assemblée nationale le 17 janvier, écrite pour lutter "contre les déserts médicaux". Un texte qui propose, entre autres mesures, de forcer les médecins à s'installer en priorité dans les zones sous-dotées en offre de soins.

Il y a ainsi "33 fois plus de pédiatres à Paris que dans l'Indre", notent les signataires du texte, dans une tribune parue le 8 janvier dans le Journal du dimanche. Ce n'est donc pas un hasard si le député LR de l'Indre Nicolas Forissier fait partie des députés ayant élaboré la proposition de loi. "J'ai signé par solidarité avec le travail collectif qui a été mené, même si je ne suis pas d'accord avec tout", reconnaît-il.

Du courage en politique

En réalité, le texte ne peut réellement mettre personne d'accord, y compris au sein des profils très variés de ses signataires. Ainsi, des députés de tous les groupes de l'Assemblée nationale -- à l'exception du Rassemblement national -- ont participé à l'élaboration du texte. 

Nicolas Sansu, député communiste du Cher et ancien maire de Vierzon, se dit, lui, "à 100% en accord avec ce qu'il y a dans le texte, et ça ne va même pas toujours assez loin". Pour lui, c'est une question de "bon sens" : "Si on est dans une zone surdotée, l'autorité administratrice doit donner une autorisation d'installation. Dans une zone sous-dotée, c'est libre." Le texte prévoit ainsi de conditionner l'installation d'un médecin dans un territoire surdoté au départ d'un confrère de la même spécialité. 

Résistance médicale

Cette solution, elle est évoquée depuis des années dans les arcanes politiques et ailleurs, sans jamais être adoptée. Pour Nicolas Sansu, "il y a eu un manque flagrant de courage politique parce qu'on pense que le lobby des médecins commande".

"Les jeunes médecins ne veulent pas être une variable d'ajustement des déserts médicaux", avait ainsi lancé Franck Devulder, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) lors d'une conférence de presse en septembre, en réaction à des prises de positions de personnalités politique, allant dans la direction d'une régulation de l'installation.

Pourtant, "on le fait déjà avec les notaire ou les pharmaciens", pointe du doigt Mathilde Desjonquères, députée MoDem de Loir-et-Cher :

Pas besoin d'être professionnelle de santé pour se dire : "Tiens, j'ai tous les médecins sur la côte ouest et aucun dans le Loir-et-Cher, c'est bizarre !"

Mathilde Desjonquères, députée MoDem de Loir-et-Cher

Et puis "les médecins conventionnés sont quand même payés par la sécurité sociale, il devrait y avoir une notion de service public derrière". Même indignation du côté de Nicolas Sansu, qui souhaite que "les médecins arrêtent de se cacher derrière leur petit doigt". 

Urgences et désaccords

À l'inverse, Nicolas Forissier se dit "attaché à la libre installation des médecins", et estime que "la contrainte peut avoir des effets contre-productifs". Mais, pour lui, le texte est "avant tout une base qui doit permettre d'avancer".

Pas besoin, donc, que les signataires soient d'accord sur toutes les solutions, du moment qu'ils s'accordent sur le constat : "Nous sommes tous interrogés par nos concitoyens tous les jours sur ce sujet, à nous dire qu'ils n'ont pas de médecin traitant", poursuit le député LR de l'Indre. "Il n'y a pas une journée où on ne m'en parle pas", confirme Nicolas Sansu.

Selon l'Assurance maladie, 6 millions de Français se trouveraient ainsi sans médecin traitant. Une réalité qui touche le Centre-Val de Loire encore plus fortement que le reste de la France métropolitaine. Le Cher, le Loiret et l'Eure-et-Loir se retrouvent ainsi dans le top 10 des départements les moins bien dotés en médecins, avec moins de 110 généralistes pour 100 000 habitants dans ces territoires. À titre de comparaison, la moyenne nationale se situe à 153 généralistes pour 100 000 habitants.

"Dans le dur" au moins jusqu'en 2027

Avec l'augmentation du numerus apertus, le nombre de médecins formés devrait augmenter dans les années à venir. Malgré cela, "on sait qu'on va être dans le dur encore jusqu'en 2026 ou 2027", prédit Mathilde Desjonquères.

La proposition de loi prévoit donc d'autres dispositions pour faire face à l'urgence, tels que le conditionnement des capacités d'accueil en faculté de médecine à l'état de l'offre de soins de son territoire, la systématisation du financement public de postes de médecins salariés, ainsi que l'accord d'une reconnaissance aux médecins étrangers hors-UE. 

Tous s'accordent à dire que, désormais, la loi doit être présentée au Parlement le plus rapidement possible :

On n'a plus le temps de ne rien faire. Le ministre de la Santé se défausse sur les autres, en disant que ses prédécesseurs n'ont rien fait. Mais Macron, si on inclut son parcours au cabinet de François Hollande, ça fait dix ans qu'il est au pouvoir. On ne peut plus laisser dire : "C'est pas nous, c'est les autres."

Nicolas Sansu, député PCF du Cher

Malgré les signataires Renaissance et MoDem de la proposition de loi, rien n'assure que le gouvernement approuvera le texte. Ou même que ce dernier ne sera pas détricoté par son passage en commission ou par des amendements en séance. 

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