"Gagner sa vie dans les années 80, c’était avoir un travail", en 2024 ça ne suffit plus

Gagner suffisamment sa vie, pour ne manquer de rien était l'objectif des classes populaires des milieux ruraux des années 80-90. Mais aujourd'hui, réussir sa vie, est-ce nécessairement réussir dans la vie ?

Dans son documentaire, "Gagner sa vie", Léa Lecouple nous présente ses amis de toujours : Tiphaine, Céline et Pierre. Ils sont nés et ont grandi en Beauce, le grenier de la France, "dans des villes que les gens des villes appellent des patelins ".

Dans cette campagne blonde à la couleur des blés, ils ont semé leurs rêves de petites filles et de petit garçon. Le vent de l'enfance et les racines généreuses des liens amicaux et familiaux sont des appels à rester ou à revenir.

J'ai eu besoin de revenir là où je suis née, dans la campagne que je connais. On repart à la base. Se recentrer sur ce qui me stabilise.

Tiphaine

Céline ne se voit pas vivre ailleurs. Ici, elle a son groupe d'amis, son cocon, ses habitudes. Elle est chez elle. Partir pour aller où ? Ce qu'elle ne connaît pas, ne lui manque pas. Pierre est bien trop attaché aux siens, son frère, sa mère. Ils sont unis et ne s'imaginent pas vivre éloignés les uns des autres.

Les petits bonheurs font les grands bonheurs

Leurs parents souhaitaient que leur génération, celle de la fin des années 80 poursuive des études afin d'accéder à un autre niveau social. Léa se demande aujourd'hui si la petite fille qu'elle était, avait conscience des difficultés financières de sa famille.

Comme Pierre, elle garde en mémoire les moments de bonheur et se souvient d'avoir parfois manqué du superflu, rien de plus ! " L'immensité de notre monde, c'était notre liberté."

On est tous fils d'ouvrier, de la classe moyenne ou un peu moins. "J'avais l'impression qu'on était tous dans ce milieu-là, en fait."

Pierre

Les tours à vélo, le bricolage, les jeux en extérieur. Les petits se suffisaient de peu et ne manquaient pas d'imagination pour s'épanouir dans cet environnement naturel à ciel ouvert. Un terrain de jeux spacieux et des enfants heureux. En grandissant, les envies évoluent avec les nouvelles technologies et les moyens de locomotion beaucoup plus funs qu'un vélo, même tout neuf !

Tiphaine a vu le jour dans une famille bourgeoise avec un capital culturel et économique qui était déjà en place. Ce sont des personnes extérieures qui lui font prendre conscience de cette différence avec la majorité des habitants. Elle s'est sentie jugée pour une situation qu'elle ne maîtrisait pas, implantée bien avant son arrivée.

Léa, Céline, Tiphaine et Pierre ont pratiqué des activités sportives et culturelles, le plus souvent ensemble, parfois en solo. L'équitation, la musique, la danse... Céline et Tiphaine en ont fait leur métier, l'une en entraînant les jeunes à la gymnastique rythmique et l'autre auprès des chevaux en tant qu'étiopathe.

Gagner sa vie

"On s'est construit sur des fissures, sur des injonctions aussi. Travaille bien à l'école, deviens quelqu'un, gagne le droit d'être légitime."

Au milieu des blés dont ils n'en voient pas la couleur, un quart des habitants vit avec le SMIC. Quand on est parent, on souhaite le meilleur des avenirs pour ces enfants. Cette réussite est censée passer par le chemin de l'école. Une éducation primordiale pour ceux qui n'ont pas eu cette chance, mais aussi pour ceux qui souhaitent que leur progéniture garde le cap et maintienne le patrimoine et la réputation.

Cette leçon de vie répétée, ressassée a-t-elle porté ses fruits ?

Gagner sa vie jusqu'à en oublier de vivre, Thiphaine l'a expérimenté. Elle avait pourtant choisi son métier, auprès des chevaux qu'elle aime tant. Les horaires, les déplacements, la vie citadine l'ont conduite au burn-out.

Aujourd'hui, elle est heureuse de prendre le temps de regarder le ciel au petit matin, de profiter de la compagnie des animaux et de la nature qu'elle aime tant, à son rythme. Elle respire l'instant présent, là où elle se sent à sa place. Elle ne court plus en tous sens. Un retour à l'essentiel qui a redonné du sens à sa vie.

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Tiphaine ©France télévisions

Céline a eu son bac, parce qu'il fallait avoir un bac, c'était la base de la réussite. "Je pense que mes parents auraient voulu que je fasse bien plus qu'un bac, mais cela me semblait important d'être autonome et libre. Donc le brevet d'État permettait de passer un diplôme en deux ans et de travailler."

Je ne gagne peut-être pas super bien ma vie mais je vis de ma passion, et le côté, bosser juste pour l'argent, ça, ce serait un échec.

Céline

Des parents qui ne parlaient pas de leur travail et qui ne se plaignaient jamais. Que faisaient-ils vraiment ? Leur métier portait bien un nom, mais à quoi correspondait-il ? Ils partaient le matin, rentraient déjeuner ou mangeaient à la gamelle, revenaient à la fin de la journée.

Aimaient-ils ce qu'ils faisaient, ces hommes et ces femmes qui souhaitaient tellement un meilleur avenir pour leurs enfants ?

Nombreux sont ceux qui sont rentrés dans les cases espérées par leurs parents par choix ou par obligation, et pourtant !

La classe moyenne, ça veut dire quoi aujourd'hui ?

Léa

Seront-ils à même d'offrir ce qu'ils ont reçu de leurs parents à leurs propres enfants ? "Nos parents travaillaient pour gagner leur vie et finalement si on passe sur les fausses Dr. Martens dont on devait se contenter et les voitures ni belles, ni moches, mais forcément d'occasion qu'ils achetaient, on n'était pas à plaindre."

Ces dernières années, acheter sa maison, partir en vacances, remplir son caddie et payer ses factures sont déjà des défis pour les petits salaires qui s'en sortaient plutôt bien avant. L'avenir inquiète, mais il n'est pas question pour autant de rentrer dans la roue du hamster. Ce mode de vie, ils n'en veulent plus.

Réussir dans la vie, c'est avoir une certaine position sociale. Réussir sa vie, c'est vivre avec ses valeurs et ses aspirations. Gagner sa vie en trouvant un équilibre entre sa vie professionnelle, personnelle et familiale. Ne pas perdre sa vie en essayant de la gagner, en privilégiant son essentiel.

Généralement, quand je trouve un trèfle à quatre feuilles, je ne fais jamais de vœu parce que je l'offre.

Tiphaine

Avec ou sans argent, Léa, Céline, Thiphaine et Pierre savent donner de leur temps et de leur attention. Une belle leçon de vie, en toute humilité, où tout le monde est gagnant.

Le documentaire "Gagner sa vie" de Léa Lecouple, produit Zed production et France 3 Centre-Val de Loire, à voir ce jeudi 14 mars à 23h05 sur France 3 Centre-Val de Loire et sur france.tv.

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