On demande à tous de rester chez eux, mais dans certaines professions, ce n'est pas envisageable. Hopîtaux ou centrale nucléaire, voici le témoignage de ceux qui sont sur le pont malgré la crise sanitaire déclenchée par le coronavirus.
"Je ne vais pas vous dire que tout va bien, mais on est aux prémices" confie Christine Le Moal, responsable syndicale CFDT à l'hôpital de Chartres. Depuis les mesures de confinement annoncées le 16 mars au soir par Emmanuel Macron, tout la France fait le dos rond.Toute ? Non ! Restent ces professions irréductibles, qui à s'arrêter plongeraient le pays dans une crise encore plus grande. En première ligne : le personnel soignant. "L'unité de Covid 19 est en place depuis plusieurs jours, les tentes pour les premiers prélèvements depuis quelques semaines. On a des unités comme les consultations et les blocs qui ont été fermées, et ce personnel vient prêter main-forte" entame Christine Le Moal.
"L'inconnue, c'est : quand ?"
Emmanuel Macron avait annoncé des modes de gardes pour les enfants du personnel hospitalier et ainsi leur faciliter la vie. La formule fonctionne déjà à Chartres, malgré quelques accrocs.
"Des écoles ont été réservées pour les enfants du personnel, et à Chartres un accueil s'est mis en place dès lundi avec des élèves de l'IFSI. Il reste quelques difficultés. Quand vous êtes de nuit et qu'il faut emmener votre enfant à l'hôpital avec vous pour l'accueil, ce n'est pas idéal. Et dans les écoles, il faut que les deux parents soient soignants pour qu'un enfant soit prioritaire, mais certains conjoints travaillent dans des entreprises qui tournent encore" témoigne l'aide-soignante.Adresse aux Français. https://t.co/V0kwXbU79J
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) March 16, 2020
Pour elle, la principale source de stress n'est pas l'afflux de patients mais le manque de visibilité sur la conduite à tenir. "On n'a pas beaucoup d'informations au niveau du syndicat. Les instances ont été annulées, donc ça arrive un peu au compte-goutte. On attend que les directions nous disent si on passe en plan blanc, s'il y a des besoins spécifiques au niveau du personnel... On sait qu'on va passer au niveau supérieur, l'inconnue, c'est : quand ?"
L'habitude, un allié précieux pour les soignants
Personnel réquisitionné, congés annulés, journées de 12h : les retombées seraient importantes, pour des soignants qui ont déjà accumulé de la fatigue. Cela fait plusieurs années que le personnel hospitalier alerte sur ses conditions de travail éreintantes, sans succès. "D'ici quelques jours, cette fatigue va s'ajouter à celle provoquée par le Covid 19. On s'inquiète de savoir quand on va avoir du repos. On va sans doute entrer dans un rythme différent. Les agents sont au clair avec ça, mais ça peut être stressant" reconnaît Christine Le Moal, qui exerce depuis 1991.
L'ensemble des soignants est mobilisé, même ceux qui ont des proches considérés comme des personnes à risque. Mais au jeu de la propagation, le personnel hospitalier a un as dans la manche : l'habitude. "Il y a une petite inquiétude oui, mais comme quand il y a la tuberculose, on se demande toujours si on ne va pas contaminer nos proches. Mais tous les gestes d'hygiène qu'on nous demande aujourd'hui, nous, c'est notre quotidien. On a les surblouses, les gants, les masques, on prend une douche en sortant de l'hôpital, on change nos tenues, on nettoie les pognées de portes..."
Les centrales
"Dès aujourd'hui, beaucoup de gens sont restés à la maison. Il reste les personnes d'astreinte, ceux qui pilotent les réacteurs... On a une liste de salariés qui sont nécessaires au service public". Et ces salariés-là, ils ne sont pas près de faillir, selon le responsable du syndicat Sud-Energie, Jérôme Schmitt.
A la centrale de Dampierre-en-Burly, où il travaille, on produit chaque année sept fois la consommation annuelle du Loiret. Pas question de s'arrêter pour les travailleurs du nucléaires, à moins d'ajouter le blackout au confinement. "On évite les déplacements inutiles et surtout les travaux inutiles. On ne commence pas de travaux qui engagent la sûreté de la centrale si on n'est pas sûrs de pouvoir les finir dans de bonnes conditions" énumère le responsable syndical.#Covid_19 "Dans le cadre de la crise sanitaire mondiale que nous rencontrons, @EDFofficiel est totalement mobilisé pour assurer l’approvisionnement en électricité de ses clients en garantissant la protection des salariés et la sûreté des installations" @J_B_Levy pic.twitter.com/eObeEZc84u
— EDF Officiel (@EDFofficiel) March 13, 2020
L'inquiétude, selon lui, ne flotte ni plus moins que chez le reste ne la population. "On est très représentatifs, rit Jérôme Schmitt. Mais tout le monde a pris plus la mesure du phénomène, par rapport à il y a 15 jours. En plus, on lit aujourd'hui l'interview assez alarmante de l'ancienne ministre de la santé, qui dit que ça a été pris par-dessus la jambe. Quand on voit le président qui fait la leçon aux Français parce qu'ils étaient au soleil, alors qu'on leur a dit d'aller voter... C'est assez bizarre, cette affaire."
« En quittant le ministère, je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous. Je suis partie en sachant que les élections n’auraient pas lieu. » Entre campagne municipale et crise du #coronavirus, le chemin de croix d’Agnès Buzyn. https://t.co/BuVlfXbbS7
— Le Monde (@lemondefr) March 17, 2020
Confinés dans une centrale ?
Car si la crise s'aggrave, la vie des travailleurs indispensables au fonctionnement de la centrale, comme les agents qui pilotent les réacteurs, risque de changer radicalement. "S'il venait à y avoir plus de malades à l'extérieur du site, des gens pourraient être amenés à rester dans la centrale. Je crois même savoir que la direction fait un roulement : une partie des directeurs se rend sur place, une partie restent chez eux. Si certains sont contaminés, ils pourront alterner."
C'est une bonne situation, ça, vivre au coeur d'une centrale nucléaire ? Jérôme Schmitt rassure : "Niveau sanitaire, il y a tout ce qu'il faut sur une centrale. Il faut savoir qu'en cas de conflit armé, les agents des centrales doivent être mibilisés à la production. Il doit y avoir des lits de camps, des rations de guerre... Il doit y avoir de tout sur place, c'est une certitude. Mais de toute façon, si ça se faisait, ça se ferait aussi avec l'inspection du travail, pour s'assurer que les bonnes conditions sont réunies."
Les derniers hommes de terrain ont toute sa confiance. "On sait que les gens qui travaillent sont professionnels, engagés pour le service public, c'est quelque chose de vrai."