2020, Annus horribilis. En France, en Belgique et en Allemagne, des chevaux et des ânes sont tués ou sauvagement mutilés. La peur gagne. On se perd en spéculations. Rituels sectaires ou paris stupides et cruels ? En Centre-Val de Loire, la mutilation d'une jument avait marqué les esprits.
Août 2020 : commune de Sainte-Gemme-Moronval en Eure-et-Loir. Johann Papillon est brusquement sorti de son sommeil. Le jour se lève à peine. Dans la pénombre, il se rend vers le box où d’ordinaire se trouve sa jument. Devant ses yeux atterrés, un spectacle glaçant. Opale du Moulin, sa jument, porte de profondes entailles au niveau de l’encolure. Elle est couverte de sang.
Ils ont voulu la tuer. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Ceux qui ont fait ça agissaient en connaissance de cause. Ce sont des gens du métier. Je suis catégorique.
D’un geste avisé, il nous montre comment on fait le double nœud du licol, le lacet qui retient l’animal. "Ce n’est pas un geste de débutant… Opale s’est laissée passer le licol. Puis ils se sont acharnés sur elle. Elle est robuste. C’est ce qui l’a sauvée".
D’un regard enveloppant, d’une voix lasse et douce, il nous confie : "Opale du Moulin est une crème. C’est un amour de jument. Tu vas guérir ma belle... N’est-ce pas ? Tu vas guérir, n’est-ce pas ?". Comme s’il voulait lui-même s’en convaincre.
Huit mois après cette nuit d’horreur, la jument est rétablie. La convalescence a été longue. Opale du Moulin a pu compter sur l’attention sourcilleuse de son maître, mais aussi et surtout sur les 300 points de suture que le vétérinaire avait dû faire pour refermer les blessures.
Un drain avait été posé pour faciliter l’écoulement du liquide de la plaie. La convalescence a été longue.
Une enquête qui piétine en Eure-et-Loir
La vague de mutilations de chevaux, parfois mortelles a déclenché une véritable psychose en France, au point qu’une cellule d’enquêteurs a été spécialement créée à la mi-septembre 2020, sous l’égide de la police judiciaire de la gendarmerie nationale.
Rémy Coutin, le procureur de la République de Chartres ne mâche pas ses mots. "Il faut agir avec célérité et les auteurs de cet acte odieux devront répondre de leur méfait". L’agression de cette jument a fait les gros titres des journaux. Opale du Moulin est une jument d’attelage et de débardage. Une jument de trait de race bretonne. A 18 ans, elle s’apprêtait à vivre une retraite paisible après des années de labeur.
La population est choquée et inquiète. Les éleveurs d’équidés sont sur les dents. Pour ramener la paix dans les esprits, il faut confondre les agresseurs. L’enquête s’annonce difficile et fastidieuse. Comment remonter aux sources de cette attaque ? Est-ce une bande organisée ? Un individu qui agit en loup solitaire ?
Huit mois après ce fait divers d’une cruauté sans nom, l’enquête piétine après avoir démarré en trombe. L’action de la justice n’est pas éteinte. On est passé du galop au trot. Le procureur de la République de Chartres est obligé d’admettre que "malheureusement à cette date, aucun auteur n’a été identifié" Pour le moment les auteurs de ces agressions restent tapis dans l’ombre.
Des accidents dans la majorité des cas, selon les enquêteurs
Ailleurs en France, où en est l'enquête sur cette les chevaux mutilés ? Sur les quelque 500 cas de chevaux mutilés qui ont été signalés, l’action humaine est avérée dans seulement 84 cas.
Dans un entretien au Parisien publié vendredi 11 décembre 2020, la lieutenante-colonelle de gendarmerie Marie-Béatrice Tonanny, la coordinatrice de l’opération nationale de lutte contre les mutilations d’animaux, avait dressé un premier bilan des investigations : "Nous avons eu près de 500 signalements pour des blessures, des mutilations ou des morts suspectes d’équidés. Quatre-vingt-quatre actes de cruauté sont formellement attribués à l’action humaine. La grande majorité des cas relève finalement d’accidents ou d’animaux qui se blessent entre eux."
Depuis plusieurs mois, il n'y a plus de signalements de mutilations d'équidés. Les dispositions sécuritaires prises par les éleveurs et les propriétaires d’équidés, l’immixtion inattendue du Covid dans notre quotidien et sans doute aussi la séquence du confinement ont agi comme des répulsifs.