"Le Kigrandik des Dunes" raconte le combat de Bouclette contre un crabe redoutable qui menace son village. Après avoir affronté un cancer du sein en 2022, Anne Bouchet, une bibliothécaire résidant près de Chartres, a imaginé cette histoire pour aider les malades à en parler aux jeunes enfants. En plein Octobre Rose, une cagnotte est mise en ligne dans l'espoir d'une autoédition de ce conte illustré.
Le diagnostic est tombé, brutalement, en octobre 2021, il y a tout juste trois ans. Quelques mois auparavant, lors d'une autopalpation, Anne Bouchet avait bien détecté une petite boule, mais sans faire le lien, impensable, avec la maladie.
Cette bibliothécaire eurélienne (la famille est installée à Fontaine-la-Guyon, près de Chartres) n'est allée consulter qu'après avoir entendu une discussion entre deux lectrices au sujet du cancer du sein :
"Ça a fait tilt, et ce n'est qu'à ce moment-là que je me suis décidée à aller voir un médecin, raconte la mère de famille. Après une mammographie et une biopsie, il s'est avéré que la petite boule en question était bien une tumeur cancéreuse."
Lorsque l'on apprend cela, le cerveau est un peu dans le brouillard. Heureusement que Mickaël était là au moment de l'annonce, parce qu'il a pu enregistrer un peu plus d'informations. Moi, je n'avais retenu que cancer, donc fin du monde, on pense aux chimios, à la mort...c'est un moment très difficile.
Anne Bouchet, bibliothécaire, autrice "Le Kigrandik des Dunes"
Dans un tunnel, mais en tandem
"Après l'annonce, c'était assez flou, beaucoup de protocoles allaient se mettre en place, explique, pour sa part Mickaël, le mari d'Anne. Pour rigoler, Anne disait que j'étais son secrétaire médical : je faisais la liaison pour toutes les démarches administratives. On entre dans un tunnel et le fait d'être en tandem aide à avancer. Et puis on a été très bien entourés par nos proches, nos familles et nos amis. Une année de galères mais très riche humainement, avec toute l'aide qu'on a reçue."
Le tunnel, c'est après l'opération, en 2022, une année de traitements lourds et ininterrompus. Une traversée forcément pénible, qu'il faut en plus entreprendre avec deux jeunes enfants. Victor et Mathias n'étaient alors âgés que de 6 et 3 ans. Dès l'annonce du cancer, les questions affluent, incontournables : que peut-on, que doit-on leur dire ? Comment leur dire ?
Parler du cancer avec des enfants
Anne et Mickaël songent tout d'abord à ne pas utiliser le mot "cancer". Car si les enfants en parlent autour d'eux, à quelles réactions vont-ils être confrontés ? Le mot seul suffit à susciter de l'effroi ou de la tristesse, il faut en protéger les garçons.
"En fait, on a très vite décidé d'être transparents, parce que c'est ce que nous a conseillé l'oncologue, explique Anne. On leur a dit que j'avais un cancer et qu'il allait bien se soigner parce que l'opération avait eu lieu et que l'on avait enlevé toute la tumeur. Il ne restait sans doute plus rien, mais on faisait quand même des traitements au cas où."
Pour mettre des mots et des images sur sa maladie, pour en parler avec les enfants, la bibliothécaire va naturellement chercher des livres à leur lire, mais ceux qui ont été publiés sur le sujet ne lui conviennent pas vraiment, ne correspondent pas à ce qu'elle recherche.
Le combat contre le cancer, comme un conte fantastique
S'il semble bien long, Anne va finalement parvenir au bout du tunnel et remporter son combat contre le crabe maudit :
"Une fois que les traitements étaient terminés, reprend Anne, on s'est dit, en en parlant tous les quatre, que cette période avait ressemblé à un conte : il y a des épreuves, un dragon à attaquer, une héroïne et une forêt interdite à traverser. Du coup, on s'est lancé collectivement dans l'écriture d'un conte, une métaphore du cancer qui pourrait permettre aux familles d'en parler plus facilement."
Ainsi sont nées les aventures de Bouclette, confrontée au Kigrandik des dunes, le crabe géant qui menace de détruire son village. Une histoire pour le plaisir, comme un exutoire, mais en aucun cas destinée, à l'origine, à être publiée.
"Nous avons organisé une fête pour marquer la fin de mon cancer et on s'est proposé de lire notre histoire aux copains. Il faut dire que Mickaël, en plus d'être enseignant, est aussi un conteur."
Les amis sont emballés et décident qu'il ne faut pas en rester là, au stade confidentiel, mais parvenir à une publication. L'une d'eux, Elise Nguyen, illustratrice de métier, propose même de réaliser les dessins qui accompagneront le texte.
Commence alors l'aventure de l'autoédition, avec l'ouverture d'une cagnotte, un financement participatif coïncidant avec Octobre Rose. Pendant les week-ends, la famille Bouchet sillonne les routes de la région pour aller proposer des séances de lecture. Et le futur livre est aussi un projet solidaire : 1 € par livre acheté sera reversé à Tout le monde contre le cancer. Une association dont le mot d'ordre est : Tant qu'il y a de la joie, il y a de la vie !