Après la dématérialisation du timbre rouge pour les envois prioritaires depuis le 1er janvier, la poste lancera en mars une expérimentation dans 68 villes de France pour "alléger" les tournées des facteurs a révélé vendredi 6 janvier Franceinfo. Pour les syndicats, ces deux réformes sont liées et ont pour objectif de supprimer des emplois.
Vendredi 6 janvier, Franceinfo annonçait que la poste procèderait dès mars 2023 à des expérimentations en vue de supprimer certaines tournées de facteurs. 68 villes de France sont concernées dont quatre se trouvent en Centre-Val de Loire. Selon une liste susceptible d’évoluer, il s’agit des villes de Valençay dans l’Indre, Neuville-aux-Bois dans le Loiret, Saint-Paterne-Racan et Joué-lès-Tours en Indre-et-Loire.
Une information presqu’immédiatement nuancée par la direction du groupe qui explique qu’il ne s’agit pas de supprimer, mais d’optimiser la distribution du courrier. "La Poste, clairement, affirme que les facteurs continueront à passer quotidiennement au domicile de toute personne attendant un courrier, un colis, un journal, évidemment aussi des nouveaux services aujourd'hui, comme les portages de repas et cela tous les jours, et bien sûr six jours sur sept." A martelé, Philippe Dorge, directeur général adjoint en charge de la branche services-courrier-colis chez La Poste Groupe au cours d’une conférence de presse.
Le facteur n'est pas passé à la boîte aux lettres
Alors si les tournées quotidiennes sont maintenues, concrètement, qu’est ce qui va changer ? "Il faut reconnaitre que c’est plutôt bien fichu", avoue David Sempé, secrétaire Sud-PTT Loiret. "Les machines, en amont de la distribution du courrier, ont des plans de tri qui vont gérer à la date", explique-t-il, "ce qui fait qu’on a la capacité, sur une tournée complète, de ne distribuer que la moitié du courrier tout en respectant les délais."
Pour faire simple, prenons l’exemple d’une tournée standard. Actuellement, si dans une rue donnée une seule lettre verte (donc livrable en trois jours à J+3) doit être distribuée, le facteur est obligé de passer dans cette rue pour la déposer. A partir de mars, il n’aura plus à faire ce détour. La lettre sera bien livrée dans les délais d’affranchissement (trois jours) mais le lendemain ou le surlendemain, lorsqu’il y aura d’avantage de courrier, journaux, colis ou recommandés à déposer dans cette rue. Il s’agit donc d’optimiser les tournées pour les rendre moins chronophages, couteuses et polluantes.
Pour justifier ces expérimentations, la Poste met en avant la baisse drastique du nombre de lettres acheminées. "Nous livrions en 2008 plus de 18 milliards de lettres, nous n'en livrons plus que 7 milliards en 2022. Les expérimentations ont pour objet de nous adapter au mieux à ces évolutions sur le terrain", expliquait à Franceinfo Yves Xémard, directeur général adjoint de la branche services-courrier-colis au sein de l'entreprise.
Mais selon les syndicats, l’expérience pourrait être contre-productive, car si l’objectif est bien "de gagner du temps, notamment dans les milieux ruraux, s’il y a un recommandé, s’il y a de la pub, s’il y a un journal … il faudra bien s’arrêter même s’il n’y a pas de courrier à distribuer. Donc la tournée sera bien allégée, mais pas pour le facteur." Sud-PTT redoute également la fin des facteurs titulaires de leur tournée "alors qu’ils sont gage de lien social."
"Ils cherchent à complexifier le système pour décourager l’usager"
C’est aussi pour s’adapter aux nouveaux usages que la Poste a renouvelé sa gamme d’affranchissement le 1er janvier, avec notamment la suppression du timbre rouge dont l’utilisation a été divisée par 14 depuis 2008. Désormais, pour envoyer une lettre prioritaire (livrée le lendemain à J+1), il faut se rendre sur le site internet de la Poste ou au guichet afin de scanner son document qui sera ensuite imprimé dans le bureau le plus proche du destinataire pour lui être distribué.
Pour David Sempé, ces deux nouveautés sont directement liées. "C’est cette nouvelle gamme de courrier qui va donner de la souplesse dans le traitement du courrier", explique le secrétaire départemental SUD-PTT du Loiret. "Les timbres rouges, traités par les équipes de nuit, ne seront quasiment plus jamais utilisés. Les timbres verts, qui garantissaient une distribution à J+2, passent à J+3." Ces nouveaux délais permettraient donc d’échelonner d’avantage la distribution.
Une optimisation qui, selon lui, cache une intention plus sournoise. "Avec la dématérialisation du timbre rouge, ils cherchent à complexifier le système pour décourager l’usager , pressent-il. "La Poste a clairement décidé d’abandonner la gestion du courrier car ce n’est plus rentable. Ce qui est rentable, c’est le colis. Ils voudraient couler le navire qu'ils ne s’y prendraient pas autrement."
Avec ces réformes, Sud-PTT redoute la suppression de 20 000 emplois. "Les équipes de nuit qui traitaient les lettres prioritaires ont déjà vu leurs intérimaires dégager. Les services vont être réorganisés et surement amenés à disparaitre." La direction, elle, se veut rassurante, rappelant que, de par sa mission de service public, "la distribution six jours sur sept est inscrite dans la loi." Elle assure également que ces expérimentations seront sans conséquence pour les clients "ni pour l’emploi des facteurs."