La sculpture du héros algérien Abdelkader vandalisée avant son inauguration à Amboise

La sculpture, commandée pour commémorer les 60 ans de l'indépendance de l'Algérie, devait être inaugurée ce samedi 5 février. Abdelkader avait été emprisonné à Amboise entre 1848 et 1852.

Une sculpture en hommage au héros national algérien Abdelkader a été vandalisée avant son inauguration ce samedi 5 février à Amboise, en Indre-et-Loire, ont constaté des journalistes de l'AFP. C'est dans cette commune qu'il avait été détenu avec plusieurs membres de sa famille de 1848 à 1852.

L'œuvre, intitulée Passage Abdelkader, est signée de l'artiste tourangeau Michel Audiard, et représente l'émir découpé dans une feuille d'acier rouillé. Peu avant la cérémonie prévue à 11h, les passants et la centaine de personnes présentes ont découvert d'importantes dégradations sur la partie basse de la structure.

"Comportement inqualifiable"

"L'œuvre était en parfait état depuis sa mise en place il y a dix jours. La police municipale a constaté ce matin, un peu après 8h les dégradations. Il n'y a pas de revendication", indique à l'AFP le chef d'escadron de la gendarmerie Hugues Loyez. Le procureur de Tours Grégoire Dulin annonce l'ouverture d'une enquête pour "dégradation grave de bien destiné à l'utilité publique et appartenant à une personne publique".

Si l'inauguration de la stèle a été maintenue, le maire d'Amboise Thierry Boutard (DVD) fait part de son "indignation" :

J'ai eu honte qu'on traite une œuvre d'art et un artiste de cette sorte. Le deuxième sentiment est bien sûr l'indignation. C'est une journée de concorde qui doit rassembler et un tel comportement est inqualifiable.

Thierry Boutard, maire d'Amboise

Car cette œuvre commémore les 60 ans de l'indépendance de l'Algérie, et avait été proposée par l'historien Benjamin Stora dans son rapport sur "Les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie", remis à Emmanuel Macron en janvier 2021.

"C'est une période politiquement tendue ou que certains se plaisent à tendre. [...] Nous résisterons contre ces propos calomnieux, ces actes inqualifiables, souvent teintés d'intolérance et de racisme", ajoute le maire de la commune. 

Le député LREM d'Indre-et-Loire Daniel Labaronne a pris la parole sur Twitter :

La sculpture refaite "d'ici un mois"

L'artiste Michel Audiard a confié sa peine de voir son œuvre en partie détruite. "C'est réellement un saccage prémédité, estime-t-il. Il faut une disqueuse, il faut couper, il faut tordre. C'est un acte de lâcheté [...] ce n'est pas signé, c'est gratuit. On était là pour fêter un personnage emblématique dans la tolérance et là c'est un acte intolérant. Je suis atterré."

Le maire indique que l'œuvre sera "restaurée et refaite". L'artiste a estimé que la sculpture pouvait être refaite d'ici un mois. 

"Cela a été fait à la disqueuse, ce ne sont pas des enfants, c'est dommage et en même temps ce n'est pas surprenant avec le discours de haine, le climat nauséabond actuel", se désole Ouassila Soum, Franco-algérienne de 37 ans, voyant dans cette stèle "un symbole de rapprochement entre les peuples et les civilisations".

L'ambassadeur d'Algérie en France Mohamed Antar Daoud fustige de son côté "un acte de vandalisme d'une bassesse inqualifiable". "Il faut dépasser cela [...]. Le rapprochement franco-algérien continue. Il y a une dynamique, une volonté de part et d'autre d'aller de l'avant", ajoute-t-il dans une philosophie d'apaisement.

"Obscurantisme et ignorance"

L'historien Benjamin Stora dénonce "l'obscurantisme et l'ignorance" de ceux qui ont vandalisé l'oeuvre. "L'émir Abdelkader a eu plusieurs vies. Il a combattu la France bien sûr mais il a été aussi un ami de la France. Ceux qui ont fait ce geste ne connaissent rien à l'histoire de France, ce sont des analphabètes, des incultes qui ne savent pas ce qu'a été l'émir", regrette-t-il. 

L'émir Abdelkader ibn Mahieddine est une figure de l'Histoire de l'Algérie. Celui qui était surnommé "le meilleur ennemi de la France" a joué un grand rôle dans le refus de la présence coloniale française en Algérie. Il est considéré comme l'un des fondateurs de l'Algérie moderne.

Après sa reddition, il a été emprisonné à Pau, Toulon, puis au château d'Amboise de 1848 à sa libération en 1852. Il s'exile ensuite à Damas, où il s'illustre en 1860 en défendant les chrétiens de Syrie, en proie aux persécutions. Un acte qui fera de lui un symbole de tolérance. Il sera récompensé de la Grand Croix de la Légion d'honneur.

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