Une famille du nord de la France a fait faire l'inventaire de leur domicile par un commissaire-priseur d'Amboise. Celui-ci découvre, à sa grande surprise, un authentique chef d'œuvre de la peinture flamande de la Renaissance, caché derrière une porte. Le tableau est mis en vente par la maison Drouot ce mardi 28 mars.
Depuis plus d'un siècle, le tableau était précieusement conservé par une famille du nord de la France. De génération en génération, on s'y passait le mot : l'œuvre a beau être belle, elle n'est qu'une copie tardive d'un original signé Brueghel le Jeune, célèbre peintre flamand du XVIIe siècle.
Commissaire-priseur à Amboise en Indre-et-Loire, c'est lui qui a réalisé l'erreur originelle de la famille, qui l'avait sollicité pour faire un inventaire chez eux :
J'avais commencé de manière assez classique, par le salon, la cuisine et la salle à manger. Puis nous sommes arrivés dans un petit salon télé, et en en sortant, j'ai vu les deux tiers du tableau, qui était caché derrière la porte. Je suis resté surpris, choqué. Ça m'a fait les battements de cœur.
Malo de Lussac, commissaire-priseur à Amboise
Depuis, le tableau était devenu un meuble comme un autre dans la demeure. "Quand vous vivez avec un tableau au quotidien, vous n'y faites plus forcément attention", en rirait presque Malo de Lussac.
"Un choc total"
Suivant son instinct, l'Amboisien contacte Stéphane Pinta et Klaus Ertz, deux spécialistes pour faire expertiser le tableau. Et puis le couperet tombe : il s'agit bien là d'un original de Brueghel le Jeune, daté d'entre 1615 et 1617. Pour la famille, "ç'a été un choc total".
Après une courte exposition au sein de la maison Drouot à Paris, cette dernière met aux enchères l'œuvre ce mardi 28 mars. Estimation : 600 à 800 000 euros. "J'aimerais bien qu'il parte à un million", souffle Malo de Lussac, qui considère que le tableau pourrait avoir sa place dans un musée.
Connue sous le titre du Paiement de la dîme, de L'avocat des pauvres ou encore de Paysans chez un homme de loi, la toile est l'une des versions d'un modèle que Pieter Brueghel le Jeune a peint des dizaines de fois. Une version est ainsi détenue par le Louvre. Particularité de celle identifiée par Malo de Lussac : sa taille exceptionnelle. La version du Louvre mesure ainsi 55 cm sur 80 cm, contre 1,12 mètre sur 1,84 mètre pour celle vendue ce mardi par Drouot.
Une critique de l'occupation espagnole
L'œuvre représente, comme son nom l'indique assez bien, le règlement de la dîme -impôt prélevé par l'Église- par des paysans flamands. Brueghel y représente les paysans s'affairant, en intérieur, avec ce qu'ils peuvent amener pour régler l'impôt : œufs, volaille, raisin. À droite, un ecclésiastique collecte la dîme, et est représenté avec un menton proéminent. Une manière d'évoquer une caractéristique physique identifiable de la famille des Habsbourg, famille régnant sur l'Espagne à l'époque.
Et par la même occasion sur les Flandres, sous domination ibérique au début du XVIIe siècle. Drout note que Brueghel dresse ici "une critique de l'occupation espagnole", où "les paysans subissent le dictat de l'occupant et viennent, penauds, s'acquitter de l'impôt avec leurs seules richesses". Une thématique "populaire à son époque" dont d'autres peintres de la période se sont âprement saisis.
Avec Pierre Wilpart.