La crainte de la canicule arrive généralement pendant l'été. Mais cette année, exceptionnellement, la France connait une vague de chaleur dès le mois de juin. Dans les centrales nucléaires qui sont habituées à ce phénomène, la vigilance est extrême.
Jusqu’à 39 degrés prévus dans certaines villes du Centre-Val de Loire ce week-end. La région n’échappe pas à la vague de chaleur que connait tout l’Hexagone. Tout le monde examine les bulletins météos. Y compris les techniciens des quatre centrales nucléaires de la Région. Car les fortes chaleurs ont des conséquences très concrètes sur leur fonctionnement.
Les systèmes de sûreté des centrales sont scrutés attentivement. Avec la hausse des températures, "ils pourraient fonctionner moins bien", explique Arthur Neveu, chef de la division d’Orléans à l’Autorité de Sûreté Nucléaire. "Suite à la canicule de 2013, l’ASN a demandé à EDF d’installer des systèmes de ventilation et de climatisation dans les locaux avec système de sureté pour qu’ils restent dans la bonne gamme de température".
La température de la Loire est aussi surveillée. La douzaine de réacteurs et les piscines d'entreposage du combustible usé ont besoin de l'eau du fleuve pour être refroidies en permanence. L’eau rejetée ressortira plus chaude. Il y a un écart de température à ne pas dépasser, soit 1°C. "Dans les faits, ce réchauffement n’est que de quelques dixièmes de degrés", assure la centrale de Dampierre-en-Burly (Loiret). "À titre d’illustration, en mai 2022, il a été de 0,17°C". Le suivi se fait plusieurs fois par jour, quotidiennement.
Jeudi (16 juin), on a fait des prélèvements dans la Loire. L'eau était déjà à 26°C à 9 heures du matin, au niveau de la Centrale de Belleville-sur-Loire (Cher). Pour nous, c'est inadmissible qu'il n'y ait pas de température limite pour la Loire.
Françoise Pouzet, présidente SDN Berry-Giennois-Puisaye
Selon l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire), une eau de la Loire trop chaude mettrait la biodiversité en danger. Ce que confirme Catherine Fumé, membre de l'association Sortir du nucléaire Berry-Giennois-Puisaye. "Avec la chaleur, il y a des phénomènes d'eutrophisation. Il y a moins d’oxygène dans l’eau. La faune et la flore supportent très mal l’élévation de la température". Ce qui empêcherait leur reproduction.
La crainte de la sécheresse
Quand on se promène le long du fleuve, on peut voir par endroits de grand banc de sable, signe que le niveau de la Loire est bas. Ces phénomènes d'étiage affectent le travail des centrales nucléaires. "Ça peut avoir un impact sur les rejets de la centrale", détaille Arthur Neveu de l'ASN. Zinc, cuivre, tritium..."Certains éléments chimiques peuvent être rejetés dans l’eau car il n’y a pas d'autre voie de traitement. Si le débit du fleuve est trop faible, EDF devra stocker ces effluents et les rejeter quand il sera suffisamment important pour les diluer". Quand le débit de la Loire est inférieur à 100 m3/s au niveau du Pont de Gien (Loiret), les centrales sont en phase de pré-coordination. C'est le cas actuellement. En dessous de 60m3/s, elles devront se coordonner, "dans le but de les cadencer", ajoutent-elles.
En cas d'élévation des températures de la Loire ou en cas d'étiage, la conséquence est la même. Il faudra baisser les puissances des réacteurs avant un éventuel arrêt. Mais selon les centrales nucléaires du Val de Loire, on en est loin. Il n’y a pas "d’alerte concernant l’arrêt potentiel de réacteurs". Pour l'instant, la production d’électricité ne serait donc pas menacée. "Depuis 2000, et au niveau national, les pertes de production pour cause de température élevée des fleuves et à leur faible débit ont représenté en moyenne un peu moins de 0,3% de la production annuelle du parc. Cela n’a pas d’impact sur la continuité d’approvisionnement électrique".
Mais ces phénomènes récurrents de chaleur interrogent les anti-nucléaires. "Si on arrive dans les décennies qui viennent à des réchauffements importants, les centrales nucléaires vont avoir du mal à fonctionner, notamment toutes celles qui sont sur les rivières et sur les fleuves", conclut Catherine Fumé. "Cela confirme que le nucléaire civil est complètement inadapté au dérèglement climatique. Ces centrales ont été construites à une époque où on avait aucune idée de ce qui arrive maintenant", affirme Françoise Pouzet, présidente de SDN Berry-Giennois-Puisaye.