Les négociations de la nouvelle convention médicale se sont entamés ce mercredi 9 novembre entre les médecins libéraux et la Sécurité sociale. Les voix des généralistes se font de plus en plus fortes pour dénoncer leurs conditions de travail, et réclamer la hausse du prix de l'acte médical.
Première journée de discussions, et première surprise. Ce mercredi 9 novembre, s'entament les négociations de la nouvelle convention médicale entre la Sécurité sociale d'un côté, et les médecins libéraux. Au cœur des débats : un certain malaise dont témoignent de nombreux médecins de ville, réclamant notamment la hausse du prix de la consultation en cabinet. Alors que la Sécu refusait d'aborder la question du prix de l'acte médical avant janvier, elle vient de proposer aux syndicats d'en discuter à la mi-décembre.
Car le tarif de la consultation était au cœur des revendications depuis déjà plusieurs semaines. Le mouvement "Médecins pour Demain", né sur les réseaux sociaux, en a fait son cheval de bataille. Le groupe Facebook, qui compte près de 12 000 membres, explique dans sa description vouloir "faire reconnaître la valeur de [notre] métier à commencer pas une consultation de base à 50 euros".
Vers quelles poches ?
Soit le doublement du prix actuel, fixé à 25 euros, plus forfaits divers en fonction des actes pratiqués par le généraliste. Une revendication très forte, à hauteur du "ras-le-bol", estime le docteur Antoine Soubieux, généraliste à Joué-lès-Tours et élu du syndicat de médecins UFML à l'union régionale des professionnels de santé :
On a une surcharge administrative avec toute une paperasserie, et une rémunération sur objectifs qui génère une pression supplémentaire. Il y a une vraie souffrance, et de plus en plus de burn out.
Dr Antoine Soubieux (UFML), médecin généraliste à Joué-lès-Tours
Car, si les généralistes demandent une hausse de la consultation (ergo de leurs revenus), "c'est pas pour tout mettre dans notre poche", promet le Dr Soubieux. Mais pour "investir", notamment par l'embauche de personnels. Une secrétaire médicale, une infirmière… des recrutements pour permettre au médecin d'accorder plus de temps au patient. "La caisse pourrait même être gagnante, parce que si on a une meilleure prise en charge, il y a moins besoin d'examens complémentaires, ou de faire revenir les patients !" "La problématique, c'est l'accès aux soins", assène le docteur Franck Duvalder, le président du syndicat CSMF.
Revendication tactique
Reste que le surcout pour la Sécurité sociale pourrait être mirobolant, à compter en milliards d'euros, que la Cnam devrait difficilement accepter de lâcher. Alors, qui paierait ? Les patients ? "On peut mettre les complémentaires à contribution, puisqu'elles sont bénéficiaires et qu'elles remboursent de plus en plus de médecines alternatives", balance le Dr Soubieux.
Si l'UFML ne démord pas de la consultation à 50 euros, la Dre Laurence Pétinay -généraliste à Lamotte-Beuvron et présidente du syndicat FMF Centre- concède un côté tactique : "On sait bien qu'on n'aura pas 50 euros, mais il faut bien le demander pour avoir quelque chose." Son syndicat milite activement pour 30 euros, histoire de rattraper l'inflation. Car le prix de la consultation est fixe, à 25 euros, depuis 2017. L'inflation cumulée depuis dépasse les 10%.
Alors l'augmentation du prix de la consultation, un bon moyen pour réenchanter le métier ? "C'est un métier qui suscite de plus en plus d'interrogation, regrette le Dr Antoine Soubieux. Un jeune peut penser qu'il va se retrouver à faire des horaires très étendus, en étant rémunéré de façon pas satisfaisante par rapport à son niveau d'étude." Selon lui, plus de revenus, c'est aussi plus de candidats, et donc à la finalité, plus de médecins, notamment en zones désertifiées.
Un chaos complet durant les fêtes de fin d'année ?
Une rémunération pas satisfaisante, même si le docteur Olivier Ferrand affirme, lui, "bien gagner [sa] vie". Au prix de 70 heures de travail hebdomadaires. "On est débordés, on explose au vol, et on voit le gouvernement qui massacre la médecine générale", lance le secrétaire du syndicat MG du Cher. Même si, pour lui, les 50 euros sont "assez démagogiques" et "pas une finalité", il partage la revendication des revenus du médecin.
La colère parmi les généralistes est telle que -fait rarissime- un appel à la grève a été lancé par le groupe "Médecins pour demain", prévu pour le 1er et le 2 décembre. "À part le déconditionnement généralisé des consultations, on n'a plus de solution", fustige la Dre Pétinay, pour qui "les négociations ne s'annoncent pas très bien". Car les principales propositions de l'État (le partage des actes entre médecins notamment) ont été fraîchement accueillies au sein de la profession.
Les docteurs Pétinay et Soubieux l'assurent donc : ils feront grève. Le Dr Ferrand, plus réservé, préfère "ne pas prendre en otage une deuxième fois les patients, qui sont les premières victimes de ce système". D'autant que, si grève il y a, "il y aura des réquisitions, donc l'État s'en fout", balance le médecin. Pourtant, lui-même estime "ne pas être loin du pied du mur", et que, au pied du mur, "la grève est peut-être la seule solution".
Si les revendications ne sont pas entendues, le docteur Duvalder, président de la CSMF, prédit "un risque que les choses se tendent, et un chaos complet durant les fêtes de fin d'année, donc ça serait bien de se poser la question avant plutôt que pendant". Difficile donc de dire si la grève sera suivie en Centre-Val de Loire. Même si la colère, elle, est bien là.