Paroles de confinés : l'écrivain et éditeur Jean-Marie Laclavetine nous raconte son confinement, au Grand-Pressigny (37)

Bordelais de naissance, Jean-Marie Laclavetine est arrivé en Touraine à l'adolescence, après la mutation de son père, employé à la SNCF. En 1981, il publie son premier roman, "Les emmurés". En 1991, il intègre le comité de lecture de Gallimard, mais choisit de rester vivre et travailler à Tours.

Après avoir longtemps vécu dans le quartier de la cathédrale à Tours, Jean-Marie Laclavetine s'est finalement installé à la campagne, dans le sud Touraine, au Grand-Pressigny. Un choix dont il se félicite, en cette période de confinement:

"Je suis dans des conditions privilégiées car j'habite à la campagne. J'ai de l'espace, ce que n'ont pas les gens qui sont confinés en ville. J'ai des amis parisiens qui vivent dans de tout petits appartements, c'est difficile et anxiogène. Je vis avec ma femme et deux de nos filles qui nous ont rejoints avant le confinement, ainsi qu'un de mes gendres. On vit à cinq et c'est plutôt agréable, car la maison est grande."

Écriture et lecture

Écrivain, Jean-Marie Laclavetine essaie actuellement de travailler sur une suite d'Une amie de la famille, son récit autobiographique paru l'an dernier chez Gallimard. Pour les écrivains, le confinement va presque de soi :

La nature du travail d'écriture est liée à une certaine solitude, choisie et bénéfique. Par ailleurs, je suis aussi éditeur et continue à travailler pour Gallimard, bien que la maison soit fermée. Je reçois tous les jours des manuscrits, je reste en contact avec les auteurs.

Comme un mauvais rêve

Jean-Marie Laclavetine est aussi journaliste et chroniqueur à Siné Mensuel, le journal fondé par Siné après son départ de Charlie Hebdo. Bien évidemment, il se tient informé sur cette crise sanitaire, mais ne se montre guère optimiste sur ce qui arrivera lorsque cette pandémie aura pris fin :

"Je suis attentif à ce qui se passe dans le monde, je lis les journaux, j'écoute la radio. J'ai l'impression que l'humanité traverse une sorte de mauvais rêve, que les pouvoirs en place ne sont pas à la hauteur de la crise, ce qui n'est pas une surprise."

J'ai peur, malheureusement, que tous les discours que l'on entend sur les effets bénéfiques de cette crise soient très naïfs.

Quand on dit que plus rien ne sera comme avant, je crois au contraire que les pouvoirs n'auront de cesse de revenir au monde antérieur, et c'est peut-être ce sur quoi il faudra se battre"

À Tours, Jean-Marie Laclavetine s'est beaucoup affiché dans la lutte pour les sans-papiers, les migrants, les plus déshérités d'entre-nous. Et il s'inquiète évidemment de leur sort aujourd'hui :

"Ce qui me sidère, c'est que nous sommes totalement recroquevillés sur notre propre situation. A la radio, à la télé ou dans les journaux, on ne sait rien de ce qui se passe en Syrie, en Afrique, dans plein de régions du monde. On se désintéresse des réfugiés, et même de nos propres SDF... La situation des personnes qui sont à la rue est absolument effroyable. Ils ne peuvent plus faire la manche, récupérer de la nourriture... Ils sont complètement seuls et parfois des policiers leur mettent une amende parce qu'ils n'ont pas leur attestation !"

Destruction du service public

L'écrivain tourangeau s'insurge aussi sur la situation que connaissent aujourd'hui les hôpitaux publics.

"Je trouve cela honteux et catastrophique, mais on le sait depuis longtemps, tous les soignants étaient dans la rue depuis des mois, même les chefs de service, qui ne sont pas des gauchistes invétérés, jetaient leur blouse."

L'hôpital public a été appauvri sciemment, délibérément. C'était dans le programme d'Emmanuel Macron, qui chante aujourd'hui les louanges du service public hospitalier, mais qui a tout fait pour le détruire.

J'espère que cette crise aura des répercussions positives au moins sur ce plan-là, car les français voient bien ce qui est en train de se passer"

Enfin, Jean-Marie Laclavetine s'inquiète, bien sûr, des répercussions économiques de cette crise sanitaire dans son milieu professionnel.

"Sur le plan économique, cette crise aura des conséquences énormes, pour la presse, l'édition, le livre... Les libraires sont dans une situation extrèmement précaire pour certains d'entre eux. C'est très inquiétant pour nous tous, les éditeurs, les auteurs. On ne sait pas comment on va pouvoir s'organiser à la sortie de cette crise, c'est très compliqué."

Découvrez le confinement d'autres artistes, auteurs ou encore sportifs de la région dans notre carte intéractive :

7 dates clés de Jean-Marie Laclavetine
  • Jean-Marie Laclavetine est né à Bordeaux en 1954, il s’installe avec ses parents en Touraine à l’adolescence,
  • Il publie son premier roman en 1981, à l’âge de 26 ans,  « les emmurés », pour lequel il reçoit le prix Fénéon,
  • En 1991, il rejoint le comité de lecture de Gallimard, mais demande à Antoine Gallimard de continuer à vivre et travailler à Tours, pour se tenir éloigné du microcosme littéraire parisien,
  • En 1994, « Le rouge et le blanc » lui vaut le prix de la nouvelle de l’Académie Française,
  • En 1999, il décroche le prix Goncourt des lycéens avec son roman « Première ligne », satire de l’édition et de la vie littéraire,
  • Depuis plusieurs années, Jean-Marie Laclavetine fait partie de la rédaction de Siné Hebdo, devenu Siné Mensuel,
  • Son dernier ouvrage « Une amie de la famille », un récit autobiographique a été publié au cours de l’été 2019.
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