Le plan de soutien à la viticulture est insuffisant selon les vignerons du Val de Loire

Le déconfinement n'est pas synonyme de sourire pour les viticulteurs du Val de Loire. Les vignerons indépendants ont besoin d'un soutien financier immédiat pour continuer leur activité. Ils sollicitent l'Etat et les banques.

A la mi-mai, les caves du Val de Loire sont déjà embouteillées... en année normale.
2020 ne l'est pas et, en dépit du déconfinement, celle de Benoît Gautier reste désespérément calme.
Ce viticulteur de l'appellation Vouvray dispose du label "cave touristique" et "vignoble découverte". Il accueille, en anglais si nécessaire, dès le début du printemps et jusqu'à la fin de l'automne, des milliers d'oenotouristes européens.

Cette année, avec le confinement et les restrictions de déplacement en France et en Europe, il n'a vu que quelques habitués venus récupérer des bouteilles en "drive", courant avril. Au total, il a vendu une soixantaine de Vouvray tranquille ou pétillant par ce biais, autant dire, rien.

"Pas de client, pas de vente. Pas de vente, pas de recette. Pas de recette, pas d'argent à la banque. C'est une équation qui va avoir une fin assez rapidement, donc on espère le retour de notre clientèle, sinon on va pleurer. (..) On est obligés de limiter les dépenses parcequ'on connait nos pertes, c'est moins 90% de ventes directes en avril, et probablement la même chose sur les deux premières semaines de mai, mais on a aucune perspective de calendrier sur les éventuelles rentrées d'argent."

Et puis nos charges n'ont pas baissé pendant le confinement. Pas de chômage partiel chez nous, il fallait continuer à travailler dans la vigne pour préparer la vendange suivante. Benoît Gautier
 



En tant que président de la Fédération des Associations Viticoles d'Indre-et-Loire et de la Sarthe, Benoît Gautier est très occupé par la défense de sa profession.
Inquiet de la possible disparition d'entreprises, il passe du temps au téléphone à soutenir les uns, et à solliciter les autres.
Son combat de la semaine concerne les discussions entamées avec le gouvernement, les ministères de l'Economie et de l'Agriculture, sur la mise en place d'un plan d'urgence en faveur de la Viticulture française.
Lundi soir Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, et Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, ont annoncé trois mesures de soutien exceptionnelles :
  1. des exonérations de cotisations sociales pour les TPE et PME les plus en difficulté 
  2. un dispositif de distillation de crise à hauteur de 140 millions d’euros 
  3. l'examen des possibilités de création d’un fonds de compensation au niveau européen

Des mesures qui sont nécessaires, mais toujours pas à la hauteur des attentes et des inquiétudes des viticulteurs du Val de Loire.
Les exonérations de cotisations sociales annoncées sont estimées à 100 millions d'euros, alors qu'il en faudrait quatre fois plus, selon les professionnels de cette filière.
De même la distillation, subventionnée à hauteur de 140 millions d'euros par l'Etat, apparaît insuffisante pour changer la donne.
 


La gestion des volumes pour atténuer la crise

Si le BIVC , le Bureau Interprofessionnel des Vins du Centre qui gère les appellations viticoles du Berry, de Sancerre à Valençay, s'est prononcé contre la distillation, Interloire, l'interprofession des vignerons du Val de Loire, du Pays Nantais à la Touraine, y est plutôt favorable.

Ce sont surtout les viticulteurs des appellations les plus productives, les Muscadets et Gros Plants du Pays Nantais, qui ont souhaité cette mesure, défendue par le président d'Interloire, Jean-Martin Dutour

"La question de la distillation ne satisfait pas tout le monde, mais il faut se rendre à l'évidence. En ce moment, l'Europe et les autres continents consomment beaucoup moins de vin. On a nos crus 2019 en cave et peu de débouchés, on a aussi une vendange qui s'annonce très précoce cette année, dans à peu près cent jours. On manquera de place pour stocker, et d'acheteurs pour tout absorber. On craint donc une chute des prix, en raison de l'abandonce de vin sur le marché." 

Certains pensent donc qu'on a pas le choix, et qu'il faut réduire la production en distillant une partie des jus qui sont dans nos cuves.

Pour le Val de Loire, cela devrait représenter 200 000 hectolitres, un volume presque confidentiel, eu égard à la production globale des appellations d'Interloire qui approche les 4 millions d'hectolitres.

Ce ne sont donc que 5% des volumes  annuels d'Interloire qui devraient être transformés en biocarburant ou gel hydroalcoolique, au lieu d'intégrer une AOP ou une IGP Val de Loire.

Jean-Martin Dutour suggère donc une stratégie complémentaire, celle d'un stockage assumé par l'ensemble des appellations.

En fonction des marchés et des aléas économiques ou climatiques, les vignerons du Val de Loire seraient à l'avenir encouragés à réduire certains volumes, et à en privilégier d'autres. Ils pourraient aussi constituer des stocks leur permettant d'être plus réactifs à la demande des acheteurs internationaux.

Cette nouvelle organisation suppose un engagement unanime de la profession, et une solidarité sans faille. C'est sans doute l'un des plus grands enjeux de l'après crise de la Covid-19 dans le secteur viticole.
 

 

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