A 67 ans, Lucie-Anne dit "Lulu" souhaite prendre sa retraite. Mais elle a du mal à trouver un repreneur pour son bar multiservices qu'elle tient avec son compagnon à Neuillé-Pont-Pierre en Indre-et-Loire. Pour les clients, c'est le coeur du village qui est à vendre.
Un crève cœur... si Lulu devait arrêter sans pouvoir revendre son commerce ce serait terrible pour elle. Mais après 47 ans au service des clients, la commerçante n'a plus la force de continuer. "J'ai mal partout. J'en ai marre, je suis fatiguée et je n'ai plus envie. Il faut que je vende", confie-t-elle, les larmes aux yeux.
De l'énergie, celle que tout le monde dans le village appelle "Lulu" en a encore pour servir au bar, vendre les jeux à gratter, enregistrer les PMU, prendre et donner les colis. Mais elle a beaucoup sacrifié à son commerce notamment son rôle de maman. "Je tiens à remercier ma fille pour qui je n'ai pas eu beaucoup de temps. Je le regrette et en même temps je n'avais pas le choix".
Lucie-Anne Soudée a commencé à travailler au bar PMU Le P'tit Novillacien en 1978 avec son mari. Elle a à peine 20 ans. Veuve en 2001, elle rencontre ensuite Hassan Boumessaoud qui l'aide à tenir le commerce. Hassan dit "Boubou" connaît tous les clients par leurs prénoms et leurs histoires. "C'est normal après toutes ces années", s'amuse-t-il. Il a la relation humaine dans la peau comme Lulu.
C'est un lieu de rendez-vous fabuleux. Si ça fermait ce serait une catastrophe.
Joël Nicolas, client fidèle du P'tit Novillacien
Le couple et leur bar sont une institution dans le village. "Lulu m'a aidée à trouver un emploi quand je suis arrivée ici", raconte Catherine Arnal, installée à Neuillé-Pont-Pierre depuis décembre 2023. "Elle m'a aussi aidée pour ma fille. Elle est devenue une amie".
Le cœur du village
Un peu plus loin, assis devant son petit café, Joël Nicolas, client fidèle depuis 10 ans explique : "Ce bar c'est le cœur du village. C'est l'endroit où tous les Novillaciens viennent soit pour chercher un colis, soit pour boire un café, soit faire des photocopies soit pour jouer... C'est un lieu de rendez-vous fabuleux. Si ça fermait ce serait une catastrophe. D'ailleurs, quand ils ferment une semaine, il n'y a plus de vie dans le coin. Même la boulangère baisse son chiffre d'affaires de 20 % quand c'est fermé. Si demain ça ferme, il n'y a plus de vie de village."
Un gros potentiel à développer
Fabrice Jacquet dit "Boune" vient ici chaque jour depuis plus de 40 ans sauf le lundi parce que c'est fermé : "C'est toute ma vie ce lieu. C'est un site de rencontres amicales, on partage de bons moments, on joue ensemble. S'ils n'arrivent pas à vendre je vais peut-être le racheter. Bon, il faut d'abord que je gagne au tiercé", s'amuse-t-il. Puis il reprend plus sérieusement. "C'est une figure de Neuillé-Pont-Pierre qui risque de disparaître. Lulu est irremplaçable mais on fera avec. On espère qu'il sera repris pour Lulu et pour tout ce qu'elle a fait pour son commerce."
Et Joël Nicolas de reprendre : "Il y a ici un gros potentiel à développer. On peut faire un restaurant parce que c'est très grand derrière et il y a une terrasse protégée sympa. Donc c'est un commerce qui peut s'acheter demain et faire un bon chiffre d'affaires sans problème."
Un bon chiffre d'affaires
Le couple vend le bar 60 000 euros et les murs 210 000 euros. "Il y a aussi un logement avec trois chambres au-dessus, un jardin et un garage", explique Hassan Boumessaoud. "Si un couple veut s'installer, il y a tout ce qu'il faut à Neuillé-Pont-Pierre. Le commerce est florissant. Le chiffre d'affaires se porte bien et on peut même développer des choses encore".
Le commerce affiche un chiffre d'affaires de 90 000 euros par an en moyenne. Ils arrivent à prendre 4 semaines de vacances par an. Mais les journées sont longues : de 7 heures du matin à 19h30 le soir sauf le lundi et le dimanche après-midi.
800 euros de retraite
Si elle ne parvient pas à vendre, Lulu l'assure, elle prendra sa retraite quand même. Environ 800 euros par mois après 47 ans de service. "Je ne vais pas laisser ma vie là quand même. Je vais perdre et je ne veux pas en arriver là mais si c'est la seule solution tant pis. Ça me fait mal au cœur. C'est ma vie qui est ici", craque Lucie-Anne Soudée, épuisée.