Depuis une semaine, sur la façade de la mairie de Saint-Pierre-des-Corps, le drapeau ukrainien a remplacé le portrait de Marwan Bougharti, député palestinien emprisonné depuis 2002 et citoyen d’honneur de la ville. Une décision municipale qui suscite des réactions de l’opposition municipale et des associations.
C'est dans la matinée ce mercredi 23 mars, que le drapeau ukrainien a été arraché de la façade de la mairie de Saint-Pierre-des-Corps. La municipalité a porté plainte et condamne cet acte ainsi que son équipe municipale ,indignée et consternée qui réaffirme son soutien à la population ukrainienne. Un acte qui fait suite à une semaine de tensions et d'incompréhensions suite au remplacement de la photo de Marwan Marghouti, accompagnée de cette phrase symbolique "Saint-Pierre-des-Corps s’engage pour la paix en Palestine" par un drapeau ukrainien.
Hier soir à l'appel du mouvement de la Paix et de France Palestine Solidarité, un rassemblement pacifique d'une centaine de personnes s'est tenu sur le parvis de la mairie pour demander une nouvelle fois au maire de remettre le portrait de Marwan Barghouti et d'y associer le drapeau de l'Ukraine. Dès qu'il l'a su, le représentant de France Palestine Solidarité Bassem Daoud, a été surpris de l'arrachage du drapeau qu'il juge inqualifiable. Pour lui, le peuple ukrainien n'a rien à voir avec la façon dont le maire de Saint-Pierre-des-Corps agit et regrette profondément son manque de dialogue.
Nous n’acceptons pas ce geste arbitraire. Les évènements tragiques qui se passent en Ukraine ne doivent pas occulter les drames vécus par le peuple palestinien depuis près de 70 ans.
Alain Limousin, Comité d'Indre-et-Loire du Mouvement de la Paix
Bassem Daoud est le représentant du comité tourangeau France Palestine Solidarité. Ce palestinien venu en France en 1966 pour faire ses études est aujourd’hui sous le choc. "Le maire fait ce qu’il veut, il peut enlever la photo de Marwane mais mettre le drapeau de l’Ukraine à sa place, ça nous a blessé.
Personnellement j’avais les larmes aux yeux, je me suis senti humilié parce que la solidarité ne se remplace pas et les victimes sont partout, en Palestine, en Ukraine ou en Syrie
Bassem Daoud, Comité tourangeau France Palestine Solidarité
"La façon de faire, sans nous le dire, sans le dire à personne, c’est comme un coup de poignard dans le cœur et ce n’est pas respecter le peuple ukrainien de mettre son drapeau, à la place de...C’est ce que je pense. Il y a de la place pour le drapeau et la photo", ajoute-t-il.
"Je ne vois pas où est la polémique"
Pour le maire de la ville, Emmanuel François (Sans Etiquette), c’est l’actualité qui a dicté ce geste "La façade de la mairie n’a pas à être un affichage permanent. Mettre le drapeau de l’Ukraine c’est pour montrer combien on est proche de la paix qu’on désire en Ukraine parce qu’on sait que ce conflit peut dégénérer et devenir mondial. On a effectivement changé l’affiche de Marwan Marghouti. Ca ne veut pas dire qu’on est contre les Palestiniens ou contre la liberté en Palestine."
Concernant la proposition du comité de la Paix de mettre le drapeau ukrainien avec le drapeau français et celui de l’Europe qui flottent déjà sur le balcon de la mairie, le maire s’interroge sur le manque de place et trouve la visibilité meilleure sur la façade. Emmanuel François ajoute "Ceux que je vois, que je côtoie tous les jours, me disent, ah vous avez mis le drapeau de l’Ukraine c’est bien. Je ne vois pas où est la polémique. La polémique, elle est là parce qu’on a enlevé le portrait et tout le monde a pensé qu’on était raciste alors que ce n’est pas le cas". Le maire tient à rappeler qu’il a été le premier dans la métropole de Tours à accueillir des Afghans.
"Pour l’instant on s’occupe du conflit de l’Ukraine. La question de la paix n’est pas sur une personne mais sur l’ensemble du monde. Même si on a de l'affection pour Marwane Barghouti qui fait beaucoup pour la libération de la Palestine, je pense qu’il faut prendre un peu de recul et soutenir un pays tout entier plutôt qu’une personne même si elle est emblématique. Se battre pour la paix, oui, je suis tout à fait d’accord." C’est pour cette raison que le maire et tous les élus avaient participé au rassemblement avec le mouvement de la Paix le 8 mars, en soutien à l’Ukraine et à la paix dans le monde.
Après Nelson Mandéla, premier citoyen d'honneur de la ville, c’est en septembre 2013 que le conseil municipal de Saint-Pierre-des-Corps, à l'unanimité, avait décidé de nommer citoyen d’honneur de la ville, Marwan Barghouti, le parlementaire palestinien prisonnier depuis 2002 dans les geôles israéliennes. Les deux associations, soutenues par l’opposition municipale ont appelé les corpopétrussiens à se rassembler devant la mairie de Saint-Pierre-des-Corps ce mardi 22 mars, pour demander le retour du portrait de Marwan Barghouti, symbole de la solidarité avec le peuple palestinien sur la façade de la mairie et le maintien du drapeau ukrainien en soutien, sur le fronton, tant que les tragédies vécues par ces deux peuples ne seront pas réglées.
Alain Limousin, du Mouvement de la Paix juge la décision du maire incompréhensible. "Ce n’est pas à la hauteur de ce qu’on attend d’un maire sur les questions internationales. Je pense qu’il y avait moyen de faire autrement, de mettre le drapeau de l’Ukraine sans enlever le portrait de Marwan Marghouti. C’est son choix, il l’assume"
Michel Soulas, conseiller municipal d’opposition A Gauche(S) Toute, s’attendait à la disparition du portrait. "Je ne suis pas surpris, depuis le début de son mandat, le maire veut effacer l’histoire de Saint-Pierre-des-Corps. Après l’histoire ouvrière de Saint-Pierre avec la vente du Magasin général (ancien centre de stockage SNCF), l’histoire sociale avec la fin du patronage laîque, aujourd'hui c’est effacer une partie de l’histoire politique de la ville avec la Palestine."
Il poursuit "Sur le balcon de la mairie il y a 3 porte-drapeaux et on pouvait très bien mettre le drapeau ukrainien comme l’ont fait beaucoup d’autres villes et garder le portrait de Marwan, symbole de la solidarité avec la Palestine qui fait partie de l’histoire de Saint-Pierre depuis plus de 40 ans."
Pour Michel Soulas, ce geste est un acte politique mûrement réfléchi et pas une maladresse. "On peut s’interroger sur le sens que ça a, s’il y a des bonnes guerres, des mauvaises guerres, des bons ou des mauvais prisonniers, c’est ce que je pense et dans la ville de Saint-Pierre-des-Corps il n’y a pas que la communauté maghrébine qui s’interroge".
Avant de décider ce rassemblement le comité départemental d’Indre et Loire du Mouvement de la Paix, avait envoyé une lettre au maire, rappelant les liens forts tissés depuis longtemps avec la Palestine avec le jumelage de Saint-Pierre des Corps avec la ville d’Hébron depuis 1980. Un jumelage qui a souffert d’une interruption avec la pandémie, mais le 25 mars 2022 l’association France Palestine Solidarité proposera, une soirée débat. Pour le maire, il n’est pas question de rompre le jumelage et les liens tissés avec la ville palestinienne d’Hébron, même s’il le trouve peu actif. En temps de guerre et de pandémie, ce n’est peut-être pas la première préoccupation. Les questions sur l’activité des jumelages et la possibilité de jumelages européens seront examinées au cours du mandat.
Le rassemblement organisé mardi soir avec une centaine de personnes de tous âges a appelé à l'arrêt de la guerre en Ukraine et la mise en oeuvre d'une solidarité avec le peuple ukrainien et tous les peuples victimes aujourd'hui des guerres , Palestine, Yemen, Soudan. Le mouvement de la Paix et France Palestine Solidarité demandent que la majorité municipale revienne sur sa décision de remplacer le portrait de Marwan Marghouti par le drapeau de l’Ukraine, et réinstalle à toutes les entrées de Saint-Pierre-des-Corps, un panneau neuf indiquant le jumelage de la ville avec Hébron. Le courrier du mouvement de la Paix au maire est resté sans réponse pour l’instant.