Particulièrement impliquée dans la question des violences conjugales, la députée UDI Sophie Auconie, auteure d'un rapport parlementaire sur les violences sexuelles, estime que le gouvernement n'a pas pris la mesure du problème. « Le nombre de féminicides a doublé depuis le début de l'année ! »
Dispose-t-on de chiffres fiables sur l'augmentation du nombre de femmes tuées par leur compagnon ces derniers mois ?
Marlène Schiappa, secrétaire d'Etat à l'égalité hommes femmes nous a communiqué les derniers chiffres il y a 15 jours lors du débat en hémicycle à l'Assemblée nationale. 49 féminicides ont eu lieu entre le début de l'année et fin avril. Habituellement en cette période, le chiffre s'élève à 20. Il a donc doublé.
Qu'est-ce qui explique selon vous ce phénomène ?
C'est une répercussion de l'affaire Weinstein et de MeToo. La parole s'est libérée. Beaucoup de femmes victimes sont venues porter plainte pour dénoncer des violences de tous ordres. Environ 30 à 40% d'augmentation. Et l'accueil n'est pas au niveau. Les forces de l'ordre ne sont pas formées. Les dénonciations ne sont pas assez prises en charge. Les mesures d'éloignement des compagnons ne sont pas prises. Les femmes rentrent chez elles et retrouvent des hommes qui savent qu'elles sont allées se plaindre. Cela engendre des violences supplémentaires qui font des victimes. C'est un effet pervers de la libération de la parole.
Vous pensez qu'il serait possible de mieux les accompagner ?
Nous avons prévenu la ministre de la justice Nicole Belloubet et Marlène Schiappa secrétaire à l'égalité hommes femmes.J'ai demandé une formation initiale continue pour l'ensemble des forces de l'ordre et pour le monde hospitalier. Cela n'est pas fait. On peut également prendre des ordonnances d'éloignement du compagnon. Il faudrait également généraliser une structure qui existe à Bordeaux, le CAUVA (Centre d'accueil d'urgence des victimes d'agressions). C'est un lieu adossé à l'hôpital qui permet aux victimes d'être reçues par un médecin habilité qui recueille des preuves. Ces preuves sont gardées sous scellées. La parole est recueillie en toute sécurité. Cela donne le temps aux victimes de s'organiser pour s'éloigner du compagnon dangereux. Elles reçoivent une aide sociale. Elle vont déposer leur plainte quand elles sont prêtes. C'est un véritable accueil sérieux. A Bordeaux, neuf victimes sur 10 portent plainte alors que la moyenne française est de 1 sur 10. Mais il y a des réticences pour généraliser ce système. A Tours, un nouveau Centre Hospitalier Universitaire va être créé. Le monde hospitalier est d'accord pour installer un CAUVA mais derrière ça ne suit pas.
Il est important pour vous d'employer le terme féminicide plutôt que meurtre ?
Oui il faut appeler le choses par leur nom. Tuer une femme c'est un féminicide. Dire qu'il y a eu 50 féminicides depuis le début de l'année ça permet de prendre conscience des choses.