Sous le pilotage d'une équipe de recherche de l’université de Tours, 800 enfants de Tours, Nantes et Lille seront suivis durant 3 ans, en Grande Section de maternelle, CP et CE1. Objectif, déterminer l'influence des facteurs qui rendent l’apprentissage de la lecture à l’école, plus facile ou difficile, pour ensuite élaborer des recommandations à l’école et en orthophonie. Une étude financée par l’Agence Nationale de la Recherche.
À Tours, l’étude est pilotée par le laboratoire de recherche universitaire iBraiN U1253 (Imaging Brain § Neuropsychiatry) qui fait partie d’une unité Inserm (institut national des sciences et de recherche médicale). À Nantes et Lille, ce sont aussi des laboratoires de recherche associés aux universités qui travaillent avec Tours."C’est un projet qu’on a commencé à piloter il y a quelques années, sur un petit échantillon de 50 enfants, pour vérifier la pertinence, la méthodologie et qu’on commence cette année, grâce à un financement de l’Agence Nationale de la Recherche" nous explique Racha Zébib, coordinatrice du projet.
Racha Zébib, chercheuse et maitre de conférences en Sciences du langage à l’université de Tours, est la coordinatrice de ce projet PRESAD ( Predictors of Reading and Spelling Acquisition and Disorders) porté par l’université tourangelle. Grâce au financement de l’ANR sur 54 mois, une équipe importante de chercheurs a pu être mise en place pour ce projet, 7 permanents, une ingénieure recherche et le recrutement d’une vingtaine d’assistants de recherche, formés pour les entretiens avec les enfants.
"Une étude de grande ampleur, une première en France, par sa nature et ses objectifs"
L’objectif principal du projet, c'est d’identifier les facteurs liés à l’enfant comme les facteurs cognitifs, la mémoire, l’attention, le raisonnement ou des facteurs qui sont plus liés à l’environnement social et familial dans lequel l’enfant grandit et de voir quels sont les facteurs qui peuvent influencer et rendre l’apprentissage ultérieur de la lecture et de l’orthographe, plus facile ou plus difficile. L’objectif est vraiment d’être dans une approche préventive.
"Nous avons souhaité vraiment faire un projet de grande ampleur, jamais réalisé en France jusqu’ici, notamment avec des enfants qui apprennent le français. L’idée, c'est d’avoir un grand nombre d’enfants, 300 à Tours et 800 en tout avec les universités de Lille et Nantes, qui collaborent avec nous." Elle ajoute :
"Les enfants doivent être le plus représentatifs possibles de la population. Nous allons les recruter dans les écoles en milieu urbain et rural, dans des écoles publiques et privées, en REP (réseau d'éducation prioritaire) ou non, on essaie vraiment d’avoir une variabilité de la population.
Racha Zébib, chercheuse à l'Université de Tours et coordinatrice du projet
"Ce sont les mêmes enfants qui seront suivis en Grande Section de Maternelle, et qu’on reverra en CP et CE1. L’idée, c’est de voir quels sont les facteurs identifiés en grande section de maternelle, quand les enfants n’ont pas encore réellement commencé l’apprentissage de la lecture, qui expliquent les performances plus tard en CE1. Après, si on pouvait avoir un financement pour les suivre plus tard, ce serait génial, mais pour l'instant, c'est jusqu'en CE1", explique la chercheuse et coordinatrice du projet.
Elle poursuit "Contrairement aux études existantes, dans un même projet, on va s’intéresser à la fois à la lecture dans ses aspects, identification des mots et compréhension, mais aussi à l’orthographe, dans la même étude. On sait qu’il y a beaucoup d’études qui ont été réalisées dans d’autres pays avec des enfants qui n’apprennent pas le français, mais on essaie d’inclure dans ce projet toutes les habiletés qui pourraient être liées à l’apprentissage."
Le questionnaire parental
Racha détaille les phases de l'étude : "On a commencé le recrutement des familles cette année et on a déjà recruté 200 enfants et on continue et ça se passe plutôt bien. Il y a un questionnaire parental ou pour le représentant légal de l’enfant."
"Ce questionnaire permet d’avoir des informations sur le développement de l’enfant, depuis sa naissance, son développement quand il était bébé, ses premiers mots, jusqu’au moment de l’évaluation et puis on essaie d’avoir des informations sur l’environnement dans lequel l’enfant grandit, s’il y a du bilinguisme ou pas, à quelle fréquence est-ce que l’enfant est exposé aux écrans ? Quel est le rapport avec la lecture au sein de la famille ? Est-ce qu’il y a des livres pour adultes, pour enfants ? Est-ce qu’on lit des histoires aux enfants ?"
Racha précise "On essaie vraiment d’avoir une vision globale de l’environnement de l’enfant et il y a aussi des questions sur la famille, si par exemple, il y a des personnes ont des troubles de l’apprentissage qui peuvent expliquer en partie les performances ultérieures des enfants". Ce questionnaire parental est donné en grande section de maternelle. Ensuite un autre questionnaire est redonné en CE1 pour voir s’il y a eu des changements entre-temps. Si l’enfant est suivi maintenant en orthophonie pour des difficultés de langage ou d’apprentissage, par exemple.
"Dans certaines écoles, on a organisé les cafés des parents pour les rencontrer, expliquer l’étude et aider certains parents qui ont du mal à remplir le questionnaire d’informations sur la famille. On a besoin du volontariat des familles qui doivent donner leur accord. "Dans certaines écoles, on a plus de retour que dans d’autres, mais en général, c'est bien reçu, car je pense qu’on a réussi à présenter l’étude de façon simple et convaincante."
Les entretiens avec les enfants
Il s’agit de séances principalement individuelles avec les enfants, au sein de l’école. "On va évaluer chaque enfant en grande section de maternelle pendant 2 séances d’1 heure avec des pauses selon les besoins de l’enfant. On évalue tous les facteurs qui peuvent expliquer les performances ultérieures selon les études existantes et selon nos hypothèses".
En cours préparatoire les élèves sont revus individuellement durant une seule séance pour évaluer leur entrée dans l’écrit, comment se passe le tout début de l’apprentissage de la lecture et de l’orthographe.
En CE1, chaque enfant est revu pendant deux séances longues avec des pauses.
EN CE1, l'objectif est de réévaluer toutes les habiletés qu’on avait évaluées en grande section comme le langage oral, l’attention, la mémoire, les capacités de raisonnement mais aussi de manière approfondie la lecture, l’orthographe et la compréhension en lecture
Racha Zébib, maître de conférences en sciences du langage-Université de Tours
Dans le cadre de cette étude, l’équipe de recherche de Tours propose déjà des formations pour les écoles participantes qui le veulent bien, avec des orthophonistes associées au projet. Des formations à la demande des écoles "Ça peut être des formations sur comment gérer les enfants qui ont des troubles du langage oral et aussi sur les troubles et difficultés des apprentissages." Pour Racha, la coordinatrice du projet, c’est un premier pas, mais ce n'est pas suffisant.
"L’objectif du projet est que les résultats puissent bénéficier au plus grand nombre donc les recommandations pourront être communiquées, discutées avec l’Éducation nationale, mais il y aura probablement des publications qui s’adressent directement aux équipes pédagogiques pour que les enseignants puissent avoir aussi un retour direct sur les résultats du projet. Il y a aussi des revues spécialisées pour les orthophonistes où il peut y avoir aussi de la communication." Des publications qui permettront de suivre l’avancée des recherches.
Face aux nombreuses réformes de l’Éducation Nationale et l’évaluation constante des élèves, Racha Zébib, la coordinatrice de l’étude PRESAD a un seul objectif "On espère qu’un jour il y ait des réformes qui s’appuient sur des résultats scientifiques" .
Les résultats de cette étude, basée sur des données scientifiques, devraient être connus à partir de 2028. Une étude pour comprendre, prévenir et réduire les troubles ou les difficultés d’apprentissage de la lecture et de l’orthographe à l’école.