Les laboratoires d'analyses médicales sont en grève depuis ce lundi 14 novembre, protestant contre un plan d'économies voulu par le gouvernement en compensation des recettes record générées par la crise sanitaire. Les patients se reportent donc vers l'hôpital public, dont les services redoutent une éternisation de la grève.
Après le dialogue de sourds, l'épreuve de force. Depuis ce lundi 14 novembre, la quasi-totalité des laboratoires d'analyses médicales suivent l'appel à la grève des syndicats de biologistes, remontés contre les économies que le gouvernement entend toujours leur imposer.
Lundi, 95% des 4 200 laboratoires privés de France étaient fermés. Comme celui de François Blanchecotte, le président du syndicat national des biologistes (SDB). Ses collègues et lui s'opposent à une possible baisse du tarif des actes courants pratiqués dans les laboratoires.
"À situation exceptionnelle, taxe exceptionnelle !"
Car le gouvernement souhaite imposer aux labos des économies de 250 millions d'euros en 2023, en compensation des recettes générées par la crise sanitaire. "C'est vrai que, ces trois dernières années, nous avons eu beaucoup de tests PCR, et ça a généré beaucoup de chiffre d'affaires", reconnaît François Blanchecotte, qui affirme ne pas être opposé à un prélèvement de ces millions.
Mais seulement sous forme d'un impôt ponctuel. "À situation exceptionnelle, taxe exceptionnelle !" Selon lui, la baisse du tarif des actes courants "de façon pérenne touchera tous les laboratoires, les petits, les gros". Le syndicat de biologie clinique (SDBC) estime ainsi que 10% des laboratoires seraient menacés par une telle politique.
Si la grève se termine officiellement ce mercredi soir, elle reste reconductible, et pourrait s'éterniser tant que le gouvernement ne lâche pas de lest. Avec des répercussions importantes sur le système public de santé. À l'hôpital de Tours, le service virologie enregistre un doublement du nombre de tests PCR -nécessaires en vue d'une hospitalisation prévue- depuis lundi. "On doit les faire en urgence, et on a dû réaffecter plusieurs personnes sur cette activité", explique le virologue Karl Stefi.
La poursuite de la grève des labos pourrait s'accompagner, dans son service, par la suspension de certaines activités. Voire un report de certaines opérations non-urgentes, si la limitation du nombre de tests réalisables oblige à prioriser certaines hospitalisations sur d'autres. "L'activité hospitalière n'est pas faite pour remplacer les laboratoires", plaide Karl Stefi. Le virologue craint également l'arrivée des virus hivernaux (la bronchiolite est déjà là) qui promettent de surcharger encore son service.
Bataille de tranchées
Côté pneumologie, on a aussi su s'organiser pour répondre à l'urgence. Pour les patients atteints de cancer, une prise de sang est en effet nécessaire pour calibrer au mieux la chimiothérapie. "Comme on a été prévenus il y a six jours, on a pu faire faire des prises de sang aux patients la semaine dernière", explique le docteur Thomas Flament. Sauf que, pour lui, si "sur trois jours ça tient, au-delà ça ne sera pas possible" :
Normalement, les prises de sang sont faites à domicile, pour des patients qui ont des cancers avec des répercussions lourdes. Si la grève se poursuit, on devra les faire venir à l'hôpital la veille pour une prise de sang, les faire retourner chez eux, les faire revenir le lendemain pour la chimiothérapie... Ça va être compliqué pour certains.
Thomas Flament, pneumologue à l'hôpital de Tours
Et puis, de façon générale, "l'hôpital n'est pas adapté à recevoir autant de gens par jour", assure-t-il.
Dans le même temps, les ministres campent sur leurs positions. "Ils peuvent faire des efforts, je ne lâcherai pas sur ce sujet", a ainsi déclaré le ministre des Comptes publics Gabriel Attal sur LCI ce 14 novembre.
Si le projet de loi de financement de la sécurité sociale est voté sous la forme voulue par le gouvernement, le ministre de la Santé sera chargé de fixer la baisse du prix des actes via décret. Une disposition supprimée ce 15 novembre par le Sénat, au profit de l'introduction d'une contribution de 9,17% jusqu'au 1er juillet. Conformément aux demandes des syndicats de biologistes. Le texte fera son retour à l'Assemblée la semaine prochaine.
Avec Julien Bernier, Luc Pérot et AFP.