"Ça montre bien que le personnel est à bout" : contre toute attente, les soignants d'une clinique privée se mettent en grève

Pour la première fois depuis son ouverture il y a quinze ans, le Pôle Santé Léonard de Vinci de Chambray-lès-Tours est en grève à partir de ce mardi 12 septembre. En cause : les conditions de travail mais aussi le rachat de la clinique par le groupe Vivalto.

La plupart des grévistes n'étaient jamais descendu dans la rue pour exprimer leur colère. Ce matin à partir de 7h, environ 130 salariés du Pôle Santé Léonard de Vinci ont cessé le travail. Une première dans cette clinique privée qui emploie 700 salariés dont 560 équivalents temps plein.

Deux syndicats, la CGT et la CFTC, appellent les salariés à faire grève à compter de ce mardi 12 septembre et jusqu'au jeudi 14 septembre inclus. Leurs revendications : de meilleures conditions de travail alors que la clinique est sur le point d'être rachetée par le groupe Vivalto. Avec cette grève, les salariés souhaitent informer le futur acheteur de la clinique de la situation sociale de l'institution et exprimer leur immense fatigue.

Pour une hausse des rémunérations et surtout une meilleure organisation du travail 

Véronique Delhommais, infirmière en bloc opératoire depuis 25 ans et au pôle Santé Léonard de Vinci  depuis l'ouverture de la clinique est à bout. "C'est important de faire cette grève aujourd'hui parce que les conditions de travail se dégradent au fil des années et c'est de pire en pire. Il y a de moins en moins de personnel, on nous en demande de plus en plus et les salaires ne suivent pas. Y en a marre !" souffle-t-elle. 

Quand on est en poste pendant douze heures de 7 h du matin à 19 h le soir avec une pause de trente minutes, ce n'est pas faisable. On est épuisés. Ils n'ont pas l'air de prendre en compte la situation."

Véronique Delhommais, infirmière en bloc opératoire

"On n'est pas respecté, on est considéré comme des pions et ça se dégrade de plus en plus" déplore Nathalie, infirmière depuis 35 ans. "J'aurais préféré qu'on soit plus nombreux mais c'est déjà bien. Toutes les opérations de ce matin ont été annulées à cause du mouvement. J'espère que la direction va nous entendre."

Kelthoum Cailliot, aide-soignante en chirurgie orthopédique depuis 3 ans au Pôle Santé Vinci raconte : "On a une charge du travail insoutenable. Ils mettent de moins en moins de personnel. Ils veulent qu'on fasse le travail de quatre personnes et honnêtement on est épuisé. Les salaires ne suivent pas et on n'a pas de retour à nos revendications. On s'est plaint plusieurs fois et il n'y a rien qui change. C'est pour ça que je suis là. Ils ne nous laissent pas le choix."

Première grève en 15 ans d'existence

S'ils n'ont pas l'habitude de faire grève, leur motivation s'est bien fait entendre. Pendant toute la matinée, ils ont chanté, crié, interpellé les automobilistes qui passaient devant la clinique. Pour eux, cette grève, c'est une question de survie. Ce sont d'ailleurs les salariés qui ont sollicité les représentants syndicaux de la CGT et de la CFTC.

"C'est un ras le bol qui monte depuis des années. La grève n'est pas dans la culture de la clinique privée mais là ça montre bien que le personnel est à bout et que pour que les salariés viennent nous voir pour demander de faire grève c'est que ça va trop loin. On a du personnel qui est venu nous voir en pleur," raconte François Lassalle, infirmier de nuit et membre CFTC du CSE du Pôle Santé Léonard de Vinci.

Olivier Garcia, délégué syndical CGT complète : "On est arrivé au bout d'un système. Aujourd'hui nous vivons pour travailler alors que le travail doit nous permettre de vivre. Ce n'est plus le cas dans la mesure où on n'a plus de planning fiable et un management brutal à courte vue. La variable d'ajustement c'est le personnel." 

Les élus du personnel constatent que les conditions de travail se sont dégradées depuis près de 4 ans. Depuis que l'ancienne directrice des soins est partie.

"Elle connaissait les soins et prenait soin des salariés. Ce n'est plus du tout le cas. On n'anticipe rien, la direction ne remplace plus les congés systématiquement. Les "récup" posées sautent parce qu'ils ne trouvent personne au dernier moment. Donc tout repose sur la volonté des soignants à s'autoremplacer en fait en faisant des heures supplémentaires", raconte le membre du CSE. 

Un manque de personnel persistant

Pour prouver le mal-être des salariés, les élus de la CGT e t de la CFTC mettent en avant l'augmentation du nombre d'heures d'arrêt de travail. 20 000 heures en 2021 et 28 000 heures en 2022.

 "Ils disent toujours qu'ils ne trouvent pas de personnel mais quand on regarde sur les sites, les offres d'emploi du Pôle Santé, il y en a très peu. Ils font fuir le personnel. Quand les gens viennent et voient le rythme de travail qu'on a et le peu de reconnaissance, ils ne restent pas. C'est usant de former des gens qui partent sans cesse. Cela ajoute de la fatigue", constate Véronique Delhommais, infirmière de bloc.

Pour les élus syndicaux et les salariés, c'est le manque de personnel le coeur du problème. "La direction nous répète qu'elle n'a pas d''argent pour trouver du personnel mais le Pôle Santé Léonard de Vinci a réalisé 4 millions de profit en 2022 et 4 millions en 2021... Donc c'est n'importe quoi. En plus, ce n'est pas que d'argent dont on a besoin. Si déjà les cadres commençaient par bien nous parler et anticiper les remplacements, on ne serait pas là dans la rue", assène François Lassalle du CSE

Olivier Garcia de la CGT complète : "Le problème c'est qu'ils prennent des vacataires qu'ils pensent interchangeables alors qu'ils n'ont pas forcément les compétences qu'il faut au poste où ils viennent travailler. Nos managers pensent que nous sommes des prestataires de service alors que nous sommes des soignants avec des compétences spécifiques."

Une grève pour avertir le nouvel acquéreur

Le Pôle Santé Léonard-de-Vinci qui appartient au groupe Ovalie devrait être racheté d'ici la fin de l'année. Le groupe Vivalto qui regroupe une centaine de cliniques privées en France s'est porté acquéreur de l'établissement de Chambray-lès-Tours. Mais rien n'est encore signé. 

Pour les salariés grévistes, cette grève est aussi une façon de les alerter sur ce qui les attend.

"On va être racheté par un gros groupe qui n'est pas mieux. C'est la rentabilité et seulement ça qui compte. Nous ne sommes pas soignants pour la rentabilité, nous sommes soignants pour le bien-être des patients et qu'ils soient soignés dans les meilleures conditions," rappelle Véronique Delhommais, infirmière de bloc. 

Et Kelthoum Cailliot, aide-soignante d'ajouter : "On est là pour dire au nouveau repreneur qu'il va falloir faire un effort et écouter nos revendications si on veut que les patients soient bien soignés et en sécurité."

"Avec le nouvel acquéreur, ça ne peut pas être plus grave. On ne sait pas s'ils sont au courant du problème social qu'il y a dans cette clinique. C'est aussi pour leur montrer comment c'est ici et dans quoi ils mettent les pieds. S'ils peuvent venir avec des budgets pour améliorer tout ça et des personnes plus compétentes pour gérer les plannings, ce serait bien ", conclut François Lassalle, du CSE. 

Le mouvement de grève se poursuit jusqu'à jeudi 14 septembre inclus. Chaque matin de 7h à 12 h les salariés grévistes se retrouveront devant l'entrée principale de l'établissement.

Les membres de la direction n'étaient pas présents sur le site ce mardi 12 septembre pour le premier jour de grève.

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