Fleuron de la scène esportive française, installée à Tours en 2017, l'entreprise Solary était ce mardi distinguée par la ville de Tours. Un pas de plus de la part des pouvoirs publics vers une discipline longtemps dédaignée.
"Monsieur le président, mes respects". D'un côté, il y a le maire de Tours, Christophe Bouchet. De l'autre, Sakor Ros, fondateur de Solary. Et la phrase n'a pas forcément été prononcée par celui qu'on croit...Solary, entreprise ascendante
Ce 8 octobre, la ville de Tours a remis un prix honorifique aux membres de cette structure mêlant jeu vidéo professionnel et divertissement : le trophée #Fiersd'êtreTourangeaux, réservé à ceux qui font rayonner la ville.
Sakor Ros, président et membre fondateur de Solary, se livre pour le maire à un petit exercice de présentation. 2017, la plupart des joueurs prennent leurs distances avec un ancien employeur trop directif, "qui veut surfer sur le milieu esport sans le comprendre", et font le pari de monter leur propre stucture.Exceptionnellement, la mairie a personnalisé un trophée aux couleurs de @SolaryTV pic.twitter.com/nORlgUzZ9Q
— France 3 Centre-Val de Loire (@F3Centre) October 8, 2019
Pari largement gagnant. Deux ans plus tard, ils sont 40, avec d'impressionnants succès sportifs au compteur. Les Solary Men ont notamment mis en avant Théo "Felkeine" Dumont, Karim "Airwaks" Benghalia, Alexandre "Narkuss" Mege et Sakor "LRB" Ros lui-même. Les 4 professionnels ont remporté au cours de l'année écoulée de très belles victoires, dont la plus emblématique reste sans doute celle de Felkeine au tournoi Masters Tour de Seoul.
"Des champions exceptionnels"
"Il ne faut pas mésestimer ce secteur d'activité très important, qui génère beaucoup d'emplois, beaucoup d'activité, de spectacle... Il y a tout un écosystème du milieu de l'esport, très puissant" avertit le maire de Tours, Christophe Bouchet. Père de famille donc concerné comme tout le monde par les jeux vidéo, et ancien dirigeant d'une société de marketing spécialisée dans le sport, l'édile est loin d'être à côté de la plaque.
Il est même très à l'aise au milieu des champions de la manette, qu'il balade dans les couloirs de la mairie avec enthousiasme. "Ceux qui ont gagné sur League Of Legends, sur Fortnite, sur Hearthstone, ce sont des garçons qui se sont entraîné des milliers d'heures, qui doivent développer plus de réactivité, d'intelligence de jeu... On ne le mesure pas complètement aujourd'hui, ils ne tapent pas dans un ballon, mais ce sont des champions exceptionnels, et c'est pour ça que je voulais que la mairie de Tours leur rende hommage" développe-t-il.
"Pour la reconnaissance de l'esport, c'est une très bonne chose, abonde Sakor Ros. J'espère que ça va aller dans ce sens-là dans toutes les villes, dans tout le pays, et qu'un jour on aura enfin un vrai statut."« Ça nous donne un sentiment de fierté que vous soyez à Tours. Si vous avez besoin qu’on vous aide à vous développer, frappez à la porte. Mais ce qui est exceptionnel, c’est que vous l’avez fait tout seuls. » pic.twitter.com/yaDiPmITjf
— France 3 Centre-Val de Loire (@F3Centre) October 8, 2019
L'esport, une discipline en chantier
Car beaucoup reste à faire pour la reconnaissance du jeu vidéo professionnel et compétitif en France. "Aujourd'hui, les joueurs d'esport n'ont pas de vrai statut. Quand on a des joueurs qui viennent de l'étranger, on doit leur trouver un poste d'animateur, de producteur de contenu... Quand nous on va à l'étranger, on vient comme des visiteurs, pas comme des compétiteurs. Ça rend certaines choses assez compliquées" illustre le président de Solary.
En 2016, la Loi pour une République numérique a fait un premier effort de déblayage, notamment en définissant "le joueur professionnel salarié de jeu vidéo compétitif comme toute personne ayant pour activité rémunérée la participation à des compétitions de jeu vidéo". Problème : les joueurs ne peuvent se voir reconnaître ce statut qu'en se liant juridiquement à un employeur agréé par l'Etat. Et ces agréments n'ont été remis qu'à neuf entreprises du milieu depuis.
Plusieurs structures professionnelles s'étaient montrées très critiques à l'égard de cette loi dès 2017, déplorant par exemple le manque de clarté concernant les conventions collectives, ou encore la fiscalité contraignante choisie pour établir le modèle.
L'association France Esports, de son côté, plaide pour une reconnaissance de l'esport comme "un continuum qui va du loisir au haut-niveau en passant par l’amateur et le spectacle". Nicolas Besombes, sociologue reconnu du milieu et membre du conseil d'administration, estime "nécessaire que les pouvoirs publics allouent des moyens et mettent en place des dispositifs pour développer une pratique esportive responsable."
Protection des joueurs, retraites, structures, contrats, cursus scolaires... De nombreux aspects de la pratique esportive seront en effet amenés à croiser la fabrique des lois dans les années à venir. Message reçu pour le maire de Tours : "Créons autour de Solary, et pas que, les conditions pour que ce milieu puisse s'épanouir à Tours. Les générations passent vite, il faut qu'on regarde quel peut être le terreau qui sera favorable à leur pérennité."3. Je le dis et le répète : l'esport français bénéficie d'un intérêt et d'un soutien particulièrement important des pouvoirs publics. Elle est à ce titre bien loin d'être "à la traîne" comme certain.e.s aiment le dire... bien au contraire.
— Nico Besombes (@NicoBesombes) September 17, 2019