Yoan Jäger-Sthul, photojournaliste tourangeau, mis en examen après une action de sabotage dans une usine Lafarge

Yoan Jäger-Sthul documente depuis des mois les luttes menées par les défenseurs de l'environnement et s'est retrouvé, à ce titre, dans des actions du collectif "Les Soulèvements de la Terre". Interpellé à son domicile le 20 juin dernier, il a ensuite été mis en examen à Aix-en-Provence le 11 juillet pour "association de malfaiteurs" et "dégradation en bande organisée".

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Arrêté à son domicile de Tours à 6 h 00 du matin par les hommes armés et cagoulés de la SDAT (sous-division antiterroriste de la police judiciaire), Yoan Jäger-Sthul n'imaginait certainement pas que son travail de photographe provoque pareille démonstration de force.

Ce 20 juin 2023, 16 personnes, considérées comme des militants et activistes proches des Soulèvements de la Terre, sont ainsi arrêtées un peu partout en France et notamment sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Elles sont soupçonnées d'avoir participé à l'action de sabotage menée le 10 décembre 2022 à Bouc-Bel-Air, près de Marseille, contre une usine du cimentier Lafarge.

 Le 21 juin, Gérald Darmanin décrète la dissolution des Soulèvements de la Terre, mouvement qualifié d'"écoterroriste" suite, notamment, aux violents affrontements lors de la manifestation contre la mégabassine de Sainte-Soline, le 25 mars dernier.

Yoan Jâger-Sthul, quant à lui, après perquisition et saisie de son matériel électronique, est conduit au commissariat d'Orléans où il subit trois jours et demi de garde à vue, avant d'être libéré le 23 juin en milieu de journée...muni d'une convocation pour le mois de juillet devant le tribunal d'Aix-en-Provence.

"Désarmer" l'industrie du béton

Le groupe Lafarge, premier cimentier mondial, et plus généralement l'industrie du béton, sont dans le collimateur des défenseurs de l'environnement. Dans une tribune publiée le 22 juillet 2021 sur Reporterre (site web français d'actualité liée à l'environnement), des "militantes d'Extinction Rébellion, de Youth for Climate et des Soulèvements de la Terre" dénoncent :

"À l’échelle mondiale, la construction est en effet responsable de 39 % des émissions de CO₂. En France, ce secteur est à la fois le premier consommateur de ressources naturelles minérales, le second émetteur de gaz à effet de serre, et le premier producteur de déchets. En France, la surface de terres englouties sous le béton est d’un potager de 25 m² toutes les secondes, soit un stade de foot toutes les cinq minutes où un département tous les sept ans."

Devant "l'inaction, voire la complicité des pouvoirs publics", ces militantes poursuivent :

Face à l’ampleur du désastre écologique et social, nous appelons au soulèvement pour le vivant, et considérons comme absolument légitime et nécessaire de passer à des gestes plus conséquents afin de continuer à désarmer concrètement l’industrie du béton.

Des militantes d'Extinction Rébellion, de Youth for Climate et des Soulèvements de la Terre

Plusieurs usines de Lafarge vont ainsi être visées, jusqu'à ce 10 décembre 2022, où près de 200 militants investissent celle de Bouc-Bel-Air, dans les Bouches-du-Rhône. Les murs sont tagués, des sacs de ciment éventrés, des engins de chantier incendiés, l'incinérateur rendu inutilisable...

Dans un communiqué, ces activistes reprochent notamment à l’usine d’émettre « plus de 444 464 tonnes de CO2 par an et d’alimenter ses fours de milliers de vieux pneus et toutes sortes de déchets toxiques ». Et de figurer en bonne place dans le top 50 des sites industriels les plus polluants de France.

Le parquet d'Aix-en-Provence ouvre une enquête en flagrance et confie le dossier à la gendarmerie. Jusqu'à cette vague d'interpellations au mois de juin, dont celle du photographe tourangeau.

Membre du collectif de photographes Divergence-Images, Yoan Jäger-Sthul affiche pour thèmes de prédilection le social, la nature, l'humanitaire...

Un mauvais signal pour la presse

Comme un mauvais signal envoyé à la profession, l'arrestation de Yoan soulève l'indignation de nombre de ses confrères. Le Syndicat National des Journalistes (SNJ) écrit :

"Dans les faits, ce reporter photographe a suivi les militants pour un travail journalistique diffusé ensuite dans plusieurs médias dont Libération. Connu pour son suivi des questions environnementales, Joan Jäger-Sthul avait l’habitude de documenter les actions des militants de Soulèvements de la terre. (...) Le SNJ rappelle qu'un journaliste ne doit pas être assimilé à un militant alors qu'il est présent dans le but de rendre compte."

Le SNJ demande l’abandon de toute poursuite contre le photographe Joan Jäger-Sthul. Dans une démocratie, exercer sa mission d’information ne doit pas mener en garde à vue.

Syndicat National des Journalistes

Et pourtant, deux des personnes arrêtées le 20 juin, dont Yoan, font l'objet d'une convocation le 11 juillet devant un juge d'instruction d'Aix-en-provence. Et écopent d'une mise en examen pour "association de malfaiteurs" et "dégradation en bande organisée".

"Oui, Yoan était bien là, mais en tant que journaliste", nous explique une source proche du photojournaliste. "Il était là pour un travail au long cours, pour documenter sur les mouvements écolos. Clairement, il est poursuivi parce qu'il était dans le tas, qu'ils ont pu l'identifier, mais il n'a absolument rien fait. "Il n'est pas nécessaire qu'il ait lui-même causé des dégradations, s'il était dans un groupe qui en a causé, ça peut leur suffire," conclue cette source. 

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