Energies renouvelables : Qu'est-ce que l'agrivoltaïsme qui divise le monde agricole ?

Alors que la COP28 vient de s'ouvrir à Dubaï pour sauver le climat, ce vendredi 1er décembre, se tient au Palais des Congrés de Tours les premières assises de l'agrivoltaïsme organisées par la Fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA) qui représente 3.000 producteurs à travers la France. Il existe une trentaine de projets en Indre-et-Loire. Le principe divise le monde agricole mais de quoi s'agit-il ?

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Une pratique agricole et énergétique qui suscite autant de craintes que d'intérêt. Avec 3.000 producteurs représentés, la Fédération française des producteurs agrivoltaïques (FFPA) organise au palais des congrès de Tours, vendredi 1er décembre 2023, les premières assises de l'agrivoltaïsme.

Cette association de la production d'électricité photovoltaïque, au-dessus d'une production agricole, doit participer à l'objectif annoncé par Emmanuel Macron à Belfort en février 2022, d'atteindre 100 gigawatts (GW) de puissance photovoltaïque installée d'ici à 2050. Alors qu'il existe une trentaine de projets agrivoltaïques en Indre-et-Loire, le monde agricole est divisé.

Un cadre légal à affiner

Pour atteindre les 100.000 hectares d'agrivoltaïques souhaités par l'exécutif, les projets se multiplient, mais le manque de cadre légal se fait sentir. "On attend un décret d'application sur la loi de programmation des énergies renouvelables", explique à France 3 Centre-Val de Loire Nicolas Agresti, directeur de la Fédération nationale des Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSafer). "Ce décret, qui devait sortir à l'été 2023, devra dire quelles sont les modalités pour qu’un terrain accueille ou pas des projets agrivoltaïques".

"Il faut être clair que mettre un mouton sous des panneaux solaires, ce n’est pas vraiment la définition de l’agrivoltaïsme", poursuit-il. "C’était important d’avoir cette loi, car avant, il n’y avait pas de règles". En attendant ce fameux décret, ce sont les préfets qui accordent les permis de construire, après un avis de la commission départementale d'aménagement du foncier.

"On a plutôt un regard bienveillant sur les projets d'agrivoltaïsme", déclare Henri Frémon, président de la chambre d'agriculture d'Indre-et-Loire, quand les départements de l'Indre, du Loir-et-Cher et du Loiret sont plus réservés sur la question. "Il y a une pression de l’État pour produire des énergies renouvelables or dans la région, l’éolien est contesté et l’hydroélectrique ne produira jamais assez".

"Tous les projets sur du photovoltaïque doivent se réclamer de l’agrivoltaïsme sinon ils ne peuvent pas s’installer", précise Henri Frémont, en référence à l'objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) des sols à l'horizon 2050 "On a environ un projet d'agrivoltaïsme par semaine, allant de quelques hectares à plus de 100".

Des dérives possibles

Le risque de dérive est pourtant bien réel. Surtout quand des propriétaires fonciers se voient proposer par des promoteurs la location de leurs terres agricoles pour 2.000 euros l'hectare, contre 120 euros pour du fermage. "Il faut toujours un projet agricole en premier lieu", souligne néanmoins Audrey Juillac de la FFPA. "A priori, il n’y a pas de contre-indications sur le type d’agriculture qui peut accueillir des projets photovoltaïques. Les panneaux peuvent être semi-transparents, bouger selon le soleil, être plus ou moins en hauteur... C'est toujours du sur-mesure".

"Le rôle de la Fédération, c’est d’aider les agriculteurs quand des développeurs de projet nous promettent la lune", ajoute-t-elle. "On étudie sérieusement les propositions pour avoir plus de poids dans la négociation, établir des business plans et surtout protéger les agriculteurs".

Pour l'agricultrice, c'est à l'Etat de faire le nécessaire pour éviter la floraison de fermes déguisées de panneaux photovoltaïques. "Nous nous sommes placés devant le législateur et le syndicat des énergies renouvelables, en insistant sur le partage de la valeur entre l’agriculteur et le développeur", explique Audrey Juillac."Il nous faut une loi suffisamment rigide pour éviter les projets alibis et suffisamment souple pour permettre l’innovation, chaque projet étant différent. On attend donc le décret d’application avec impatience".

Des questions sur les bénéfices de l'agrivoltaïsme

Si l'agrivoltaïsme représente une diversification de revenus intéressante pour les agriculteurs face à des marches agricoles volatiles, ses bénéfices restent flous. "Ce n'est pas une énergie décarbonée à cause de son intermittence la nuit et l'hiver", dénonce Sébastien Camuzat, vice-président de l'association Pas de vent chez moi – Avenir Boischaut Sud. "Le photovoltaïque, c'est très bien pour décroître la consommation des particuliers mais pas pour de la production industrielle", ajoute l'apiculteur de Vigoux (Indre), qui pointe une dépendance forte au marché asiatique ou le risque de casse des panneaux avec la grêle et l'engendrement de déchets.

De son côté, Audrey Juillac y voit plusieurs avantages : "En période de sécheresse, il y a moins d’évapotranspirations car la température au sol est plus basse avec les panneaux. Cela peut aussi casser le couloir de froid et protéger de la grêle". Et d'ajouter : "Les conditions se négocient contrat par contrat. Avec mon projet d'agrivoltaïsme, je ne pouvais plus irriguer mes plantes médicinales au sprinkler et devais passer au goutte-à-goutte. C'est le développeur qui a financé cela".

Les communes pourraient aussi y trouver leur compte car l'agrivoltaïsme est soumis à l'impôt sur les énergies renouvelables. Pour Nicolas Agresti, "ça reste une nouvelle pression sur le terrain agricole alors qu'on ne maîtrise pas sa rentabilité. Le gouvernement demande que la transition écologique se fasse rapidement. Or le plus rapide et le plus simple à installer, ce sont les panneaux au sol". Preuve que l'agrivoltaïsme continuera de susciter la controverse, tant que l'État n'aura pas défini les bornes légales de son application. 

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