Le groupe Beyond the Styx sera à l'affiche du Hellfest, le plus grand festival métal de France, le dimanche 18 juin. L'occasion pour eux de défendre la culture décentralisée et les scènes locales qui les ont vu émerger.
“L’année dernière, on nous a refusés à une fête de la musique parce qu’on fait du métal”, se souvient Emile. Comme une revanche, lui et son groupe, Beyond the Styx, se produiront le 18 juin au Hellfest. Le sacro-saint festival pour tous les métalleux de France, qui a attiré plus de 400 000 spectateurs en 2022.
Emile est originaire d’Indre-et-Loire, et y a créé Beyond the Styx en 2011, à l’occasion -déjà- d’une fête de la musique. Depuis, les membres ont un peu bougé, mais “quatre des cinq actuels sont là depuis 10 ans”. Lui s’occupe du chant, le reste du groupe étant composé d’un bassiste, d’un batteur et de deux guitaristes.
Paroles militantes
Leur style : “un mélange de hardcore et de métal”, explique-t-il. Pour faire simple, “par défaut, on dit que c’est du hard rock, en plus violent”. En 2022, le groupe a sorti son troisième album, Sentence. 30 minutes pour dix titres furieux, sans respiration. Pressé originellement à 300 exemplaires, tous vendus (dont certains aux Etats-Unis, où le groupe n’a jamais joué), l’album est en train d’être réédité.
La composition se fait “à l’ancienne” : chaque membre apporte des “morceaux de puzzle”, des bouts de riffs, et le groupe à l’unisson assemble le tout pour former des chansons. Par-dessus, Emile écrit presque seul les paroles, in English please. Et pas question de n’être “que du divertissement” : “Chaque chanson a un côté militant, sans que ce soit un album conceptuel non plus, explique-t-il. Il n’y a pas de changement dans une société sans y associer les artistes.”
Le chanteur puise la rage de son chant dans des thématiques très actuelles : la xénophobie sur DC, l’individualisme sur Collateral, les violences policières ou encore l’écologie sur plusieurs titres. “L’humain est l’espèce la plus destructrice, estime-t-il. On est capable de faire des choses magnifiques, et aussi des choses terribles.” Sur ESC XIX, il chante que “l’humain est un virus pour la Terre” (en anglais). Au-delà des paroles, le groupe souhaite aussi rester fidèle à ses principes dans la vie. “On est un petit groupe, mais on s’interroge sur notre empreinte carbone par exemple”, notamment lorsque les cinq membres se sont récemment embarqués pour une tournée européenne.
Défendre la scène locale
Et, même s’ils ne s’engagent pas dans le caritatif, quatre des cinq membres du groupe travaillent “dans la relation à la personne”. Emile, lui, est éducateur spécialisé. Ou comment aider l’autre à transformer ses frustrations et ses colères “en quelque chose de constructif”.
Ce que lui-même est parvenu à faire avec la musique, en y “concentrant toutes mes pensées négatives” : “Ça m’a littéralement sauvé la vie.” Le chanteur raconte avoir été, comme ses camarades, victime de harcèlement scolaire. “Pas facile d’assumer ses goûts dans les années 90, dans un lycée de campagne, quand on est fan de métal.”
Et ce n’est toujours pas facile, notamment lorsqu’il s’agit d’exposition médiatique :
Dans les médias, soit on ne parle pas de musiques extrêmes, soit on en parle en mal.
Emile, Beyond the Styx
Il souhaite par-dessus tout “casser les clichés” qui entourent le genre. Le meilleur moyen pour y arriver : défendre la scène locale, sur laquelle Beyond the Styx continue de faire ses armes. “On a beaucoup de bénévoles chez qui on joue qui nous disent qu’on a une très belle scène, alors qu’ils ne sont pas du tout de ce milieu.”
Un morceau de Touraine au Hellfest
Selon lui, les maigres subventions reçues par la scène extrême “lui ont permis de survivre, sans ça elle est condamnée à disparaître”. Par manque d’exposition, et de soutiens politiques, argue-t-il. “Alors qu’avoir un groupe dans une petite ville, ça crée de l’attractivité, ça génère la création d’autres groupes, etc.”
Il se fait d’ailleurs une joie de représenter haut et fort Tours et l’Indre-et-Loire au Hellfest et ailleurs. Ce qu'il considère presque comme un honneur, dans une France “où la culture est très centralisée autour de Paris”. Pour Emile, se produire sur la scène du plus grand festival métal de France, c’est l’occasion “de montrer aux jeunes qu’on peut jouer au Hellfest sans être un groupe parisien ou étranger”.
C’est la première fois que Beyond the Styx se produit au Hellfest, après avoir candidaté plusieurs fois les années précédentes. Habitué des petites scènes, le groupe a aussi joué dans quelques festivals, avec “moins de 500 spectateurs”. Au Hellfest, les musiciens joueront 30 minutes dans la Warzone. Pas la scène principale, une scène un peu à l’écart, pour des sous-genres pointus du métal, et qui se forge un statut culte au fur et à mesure des années en attirant les spécialistes et les curieux. Et là, “même en étant programmés à 11h du matin, on devrait avoir entre 2 et 5 000 spectateurs”.
Tétanisés ou transcendés ?
“Ça peut tétaniser comme ça peut transcender, lance Emile. Je pars plutôt transcendé.” Il voit le Hellfest comme “un beau challenge”, avec l’idée de l’utiliser comme un tremplin pour la suite. Après avoir enregistré leur troisième album à Blois avec un producteur canadien, les membres du groupe souhaitent désormais aller enregistrer directement en Amérique, “d’où viennent les trois quarts des groupes reconnus en musique extrême”. Selon le chanteur, “on a beaucoup à apprendre d’eux, rien que sur l’anglais, que je travaille encore”.
Une façon pour Beyond the Styx de toujours aller de l’avant. Avec une bonne motivation : “Jouer au Hellfest, c’est bien. Y rejouer, c’est mieux.” Le Hellfest 2023, c'est du 15 au 18 juin à Clisson, en Loire-Atalntique.