Une tribune d'une centaine d'influenceurs a fait réagir sur les réseaux sociaux au sujet d'une proposition de loi encadrant les arnaques et dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Une fausse bonne idée ?
Dans un article paru dans le JDD samedi 25 mars, une centaine d'influenceurs ont signé une tribune écrite par l’Union des Métiers de l’Influence et des Créateurs de Contenu (UMICC). Dans celle-ci, ces influenceurs ont réagi à une proposition de loi portée par les députés Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte sur un encadrement du monde de l'influence.
Pour la résumer, ces personnalités ont voulu dissocier les "mauvais" influenceurs qui proposent des services financiers, esthétiques ou des produits contrefaits ne représentant qu'une minorité des influenceurs. "Ce sont leurs dérives que nous souhaitons d'abord dénoncer", affirment-ils.
"On passe un peu pour des cons"
Pourtant, parmi les signataires initiaux, certains influenceurs, et pas des moindres, ont vite fait marche arrière en expliquant ne pas avoir lu cette tribune avant de l'avoir signé. "On a tous globalement signé avec deux, trois échanges Whatsapp", a ainsi expliqué le youtubeur Seb la Frite au micro de France Inter. "Ce qui est un peu la honte pour nous, parce qu'on passe un peu pour des cons."
Dans une vidéo publiée sur Tiktok, Squeezie a également réagi : "Cette tribune est extrêmement mal écrite et on en comprend pas du tout l'intérêt". Il revient ensuite sur les conditions de sa signature à cette tribune : "ma signature est un 'yes ok' que j'ai envoyé dans Whatsapp sans ouvrir la pièce jointe".
L'examen de la proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux a débuté mardi 28 mars à l'Assemblée Nationale. France 3 Centre-Val de Loire a interrogé Nota Bene, influenceur et créateur de contenu sur Youtube qui salue cette tentative de cadrage du monde récent de l'influence.
"Ce serait très bien que ce soit encadré car il y a énormément de dérives. Certes, certains vidéastes diront qu'il y a des secteurs plus propices aux arnaques ou autres mais le fait est qu'il y a beaucoup trop de zones de flou", assure t-il.
De ce que j'ai lu sur la proposition des deux députés sur l'encadrement de la profession et surtout de la pratique commerciale, ça ne me parait absolument pas absurde, ça me parait même être le B.A-BA donc tant mieux. C'est bien qu'on se penche enfin sur des règles concernant nos métiers.
Benjamin Brillaud (Nota Bene), créateur de contenu.
L'un des problèmes de cette proposition de loi est le flou relatif de la distinction influenceur et créateur de contenu. D'une part, ces métiers sont différents : "Ce n'est pas parce qu'ils sont à Dubaï et qu'ils arnaquent des gens qu'ils ne sont pas créateurs de contenus. Ils vont créer du contenu où il n'y a pas peut-être pas la même valeur ajoutée", assure Benjamin Brillaud.
Mais d'autre part, ces métiers gardent de nombreux points communs et "c'est pour ça que c'est compliqué, on peut trouver des points communs à nos pratiques et en même temps tout nous oppose. On partage tout de même des problématiques économiques liés aux plateformes sur lesquels on évolue", toujours selon Nota Bene.
Vers une meilleure "éducation civique" aux plateformes ?
Une relative inquiétude partagée par Stéphanie Lukasik, enseignante chercheuse à l'université du Luxembourg, sur un projet de loi qui "néglige l'interaction liée aux usagers". Pour elle, "il faudrait davantage imposer une réflexion de responsabilité des usagers et d'avoir une éducation socio-numérique à la manière d'une éducation civique".
On calque un ancien modèle lié à la publicité aux influenceurs[...] Les usagers sont considérés comme des consommateurs.
Stéphanie Lukasik, enseignante chercheuse à l'université du Luxembourg
Nota Bene, en faveur d'une réglementation enfin plus claire sur son métier, interroge : "Quand on voit qu'il y a de très grosses chaînes sponsorisés par des sites de paris sportifs et que ces chaînes-là touchent principalement des adolescents et bah il faut se poser des questions." Il poursuit : "Je n'ai pas envie que mes enfants subissent ces pubs là non plus".
Concernant les influenceurs adeptes des collaborations faciles et pas vraiment regardants sur l'identité de ces entreprises, "ça évitera la tentation d'aller vers de l'argent facile et ça donnera un cadre", assure Benjamin Brillaud.