L'auteur, réalisateur et comédien Alexandre Philip a plus d'une corde à son arc. Avec la mini-série HANDICOPS, disponible sur france.tv, il a enfilé ces trois casquettes pour proposer un format court, à la fois drôle et percutant. Interview.
De responsable du club de natation, dans la série Vestiaires (sur France 2), à lieutenant de police, dans HANDICOPS. Dans ce copshow d'un nouveau genre, Alexandre Philip n'est pas seulement comédien. Outre son jeu d'acteur, pour le rôle du lieutenant Bodin, un officier modèle un peu susceptible, il a pu démontrer ses talents de scénariste et de réalisateur.
La triple casquette à assurer, un budget limité à ne pas perdre de vue et un tournage express, en seulement 5 jours…
Le défi à relever était de taille. D'autant que, même s'il s'agit d'une comédie, l'idée était aussi de délivrer quelques messages autour du handicap.
Ambre Chauvanet : pouvez-vous nous expliquer le concept de la série HANDICOPS ?
HANDICOPS est une réponse directe à la série Vestiaires. Quand la série a été lancée, en 2011, c'était déjà de la comédie. Dans ce projet là, on est dans des situations du quotidien. Il y a une banalisation du regard sur les personnes en situation de handicap, ce qui est déjà fort. Douze ans plus tard, je pense qu'il faut aller plus loin. J'avais envie de faire quelque chose de très fictionnel, une comédie, avec des courses poursuites, des cascades, des fusillades. J'ai 20 ans de carrière et je constate qu'encore aujourd'hui, il y a beaucoup de gens qui pensent que des acteurs en situation de handicap, il n'y en a pas. Au sujet de Vestiaires, d'ailleurs, plein de gens pensent que ce ne sont pas des acteurs de formation. Avec HANDICOPS, j'ai fait un grand casting, je n'ai pas pris de comédiens amateurs. J'ai vu une trentaine de personnes et reçu le double ou le triple de candidatures.
Au travers de la série, vous souhaitez aussi interpeller le spectateur et les pouvoirs publics, n'est-ce pas ?
Le projet est militant par son essence même. Ça prend du temps de faire de la banalisation. Au final, HANDICOPS est presque un "anti Vestiaires". Dans le cinéma français, on n'en est pas encore au stade des américains. Prenez Peter Dinklage, qui joue dans X-Men. Il joue. Et on ne se pose pas la question du fait qu'il fasse 1,30 m. Dans HANDICOPS, il n'y a pas que de la fiction : la loi handicap existe réellement. Elle remonte à 2005 et 17 ans plus tard, il ne se passe rien. On est dans un retard monstre. J'avais besoin de raconter ça. On a des promesses politiques mais il ne se passe rien.
Est-ce plus plus difficile d'accéder au monde du cinéma, pour un comédien en situation de handicap ?
Déjà, c'est un métier compliqué, terriblement dur. Alors quand je parle avec un jeune qui veut se lancer, je lui dis "Si tu veux le faire, fais le mais, avec ton handicap, il va falloir te battre trois fois plus". Il faut avoir une niaque incroyable. Dans mon cas, je fais deux castings par an, c'est le grand max. C'est complètement anormal pour un acteur qui est en prime tous les jours sur France Télévisions.
Dans HANDICOPS, le handicap n'est pas un mot qui revient si souvent que cela. Est-ce un parti pris ?
Oui, je n'avais pas envie qu'on réduise le personnage à son handicap. J'aurais même aimé ne pas en parler du tout mais, force est de constater que je vais trop vite pour la société. Alors, j'ai contacté les comédiens, pour leur demander s'ils étaient d'accord pour faire apparaître le nom de leur handicap, au début du premier épisode. Ils m'ont tous dit oui. Un ami, à qui j'ai montré la série, a découvert le mot achondroplasie et il m'a dit "moi, quand je vois ça, j'ai l'impression d'avoir appris un truc".
L'humour est parfois cinglant. N'avez-vous pas peur de choquer les esprits, ceux des personnes valides et ceux des personnes en situation de handicap ?
La communauté des personnes en situation de handicap est à même de faire de l'humour noir. Comme dans cette scène d'HANDICOPS, où l'un des personnages dit "Un peu de calme, les infirmes !". Après, je sais que des gens seront heurtés. Des personnes handicapées l'ont été pour Vestiaires. À l'époque de la sortie, en 2011, c'était nouveau d'aborder le handicap de façon aussi frontale : on montrait des corps et les personnages étaient incarnés par des personnes en situation de handicap. La société est en mouvement, la vérité d'aujourd'hui n'est pas celle de demain. Je pense que les mentalités évoluent. Donc je pense que oui. Marrons-nous tous ensemble de ça !
► HANDICOPS ... une série à retrouver sur la plate-forme france.tv