Le 28 mai prochain sera examinée au Sénat une proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales pour les mineurs en questionnement de genre. Pour le centre LGBTI de Touraine, qui appelait avec l'Organisation Solidarité Trans ce dimanche 5 mai à un rassemblement à Tours, ce texte est une "atteinte aux droits des personnes transgenres, une menace pour leur bien-être et leur santé mentale."
La dysphorie de genre est l'inadéquation entre le genre ressenti et celui assigné à la naissance. Et les élus Les Républicains du Sénat s'inquiètent beaucoup d'une "hausse croissante des demandes de changement de sexe chez les enfants et les adolescents".
Sous l'égide de la sénatrice LR du Val d'Oise Jacqueline Eustache-Brinio, ils sont une centaine* à signer une proposition de loi "visant à encadrer les pratiques médicales mises en œuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre", qui sera examinée au Sénat le 28 mai prochain.
En guise d'encadrement, il s'agit en fait d'interdire tout le traitement standard dans la prise en charge des mineurs souffrant de dysphorie de genre (bloqueurs de puberté, hormones croisées à partir de 16 ans puis, éventuellement chirurgie de "réassignation").
L'interdiction de tout traitement avant 18 ans
L'article 1, en effet, est ainsi rédigé :
"Il est interdit de prescrire au patient âgé de moins de dix-huit ans :
1° Des bloqueurs de puberté ;
2° Des traitements hormonaux tendant à développer les caractéristiques sexuelles secondaires du genre auquel le mineur s’identifie.
Sont également interdites les opérations chirurgicales de réassignation sexuelle".
Les opposants à la loi y voient une remise en cause de la liberté de prescription des médecins. Mais ce n'est pas tout...L'article 2, quant à lui, menace les contrevenants d'une sanction pénale de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Le centre LGBTI de Touraine estime qu'il est "injuste et immoral de criminaliser les personnels de santé et organisations désirant accompagner une transition médicale. L’accompagnement dans cette transition est une composante essentielle du bien-être et du mieux-être des personnes concernées".
Remettre ces ados dans le droit chemin...
Enfin, l'article 3 de la proposition de loi demande l'élaboration d'une "stratégie nationale pour la pédopsychiatrie", afin que "tout enfant ou adolescent bénéficie, dans les meilleurs délais, des moyens lui permettant de retrouver un état de bien-être psychique contribuant à l’épanouissement de son développement, et des soins psychiques nécessaires".
Pour les associations qui appelaient aujourd'hui à manifester dans toute la France (des rassemblements avaient également lieu à Orléans et Blois), ces procédés s'apparentent à des thérapies de conversion masquées, visant à remettre les adolescents transgenres "dans le droit chemin".
#LGBTQIA Environ 200 personnes rassemblées place Jean Jaurès à #Tours pour dénoncer la proposition de loi 435 d’une centaine de sénateurs sur l’encadrement de la transition médicale des mineur(e)s #trans examinée au Sénat le 28 mai. Reportage sur @F3Centre à 19h15. pic.twitter.com/bFYmuuAkSx
— Marine Rondonnier (@MarineRond15581) May 5, 2024
Le témoignage d'une maman inquiète
Dans le rassemblement de Tours ce dimanche pour France 3 CVDL, Marine Rondonnier et Julien Bernier ont rencontré Annie Gautier, infirmière, mère de Lola, 29 ans, qu'elle a accompagnée à partir de ses 17 ans dans sa transition :
"Je viens en tant que maman dire que oui, c'est un choc, mais on peut avancer ensemble, s'en remettre et évoluer. C'est un beau voyage, très intéressant, qui bouleverse les convictions mais vaut le coup d'être vécu. Ces enfants, nos enfants ont besoin d'être soutenus, aimés, accompagnés dans leur cheminement et j'espère qu'il y aura de moins en moins de rejet."
Annie Gautier au micro de France 3 Centre-Val de Loire ce dimanche 5 mai à Tours :
Interdire tout traitement aux mineurs n'a pas de sens, pour Annie. L'accompagnement médical a même été salutaire pour sa fille :
"C'était une question de vie ou de mort, ma fille ne serait plus là si elle n'avait pas pu le faire. C'était une preuve de confiance qu'elle nous en parle aussi jeune. On a essayé de la convaincre que c'était une mauvaise réponse à une bonne question, mais c'était plus fort qu'elle. Il faut absolument accompagner ces personnes, quitte à ce qu'elles disent après "bon, je me suis trompée, ce n'était pas ça", ou bien, au contraire, les amener au bout de leur démarche."
Annie n'est pas venue pour dire que c'est facile, elle comprend, même, la peur qui pousse certains élus à signer ce genre de texte. Elle est venue dire que ce n'est pas une réponse à faire :
C'était mon enfant, j'ai ressenti une peur immense. Je comprends que cela fasse peur, mais ce n'est pas un choix. On ne se lève pas un matin en se disant "tiens, si je devenais trans", on ne fait pas ça pour provoquer. On fait ça parce qu'une identité a été mal définie à l'origine. C'est une démarche extrêmement personnelle, c'est très profond, ce n'est pas quelque chose qu'on va éradiquer à coups de lois.
Annie Gautier, mère d'un enfant transgenre
Annie se dit terrifiée par la multiplication des actes transphobes, par une transphobie ambiante qu'une proposition de loi comme celle-ci ne peut qu'alimenter :
"C'est quelque chose qu'il faut admettre et qui sera admis. On ne fait plus trop cas maintenant de l'homosexualité, on a même un Premier Ministre homosexuel et ça ne fait pas les grands titres. J'espère qu'il en ira de même pour les personnes transsexuelles".
*Dans notre région, 7 sénatrices et sénateurs ont signé cette proposition de loi : Jean-Gérard Paumier (Indre-et-Loire), Pauline Martin et Hugues Saury (Loiret), Frédérique Gerbaud et Nadine Bellurot (Indre), Chantal Deseyne (Eure-et-Loir) Marie-Pierre Richet (Cher).