Cinq agriculteurs, affiliés au syndicat Confédération paysanne, ont été arrêtés ce jeudi 5 décembre après une manifestation devant le Grand Palais, à Paris. Venus protester contre l'ouverture d'une réunion de grands acteurs du commerce de céréales, les manifestants dénoncent des violences policières.
Comment est-on passé d'une "manifestation pacifique" à "des interpellations violentes" ? Jeudi 5 décembre, de grands acteurs de l'agroalimentaire, et notamment du commerce des céréales, se rassemblaient au Grand Palais, à Paris, pour la 64e Bourse de commerce européenne des graines.
Pour le syndicat agricole Confédération paysanne, l'évènement représentait tout ce qui cloche aujourd'hui pour l'agriculture. "Les acteurs présents [...] sont des marchands de pesticides, des négociants des courtiers et traders", détaille le syndicat dans un communiqué. "Ces gens-là, ce sont des spéculateurs, fustige Romain Henry, co-porte parole de la Conf' en Indre-et-Loire. Ils achètent au moins cher sur le dos des paysans, et revendent avec le maximum de marge." Une logique qui "appauvrit les paysans, et les consommateurs", assure-t-il.
"On laissait de la paille"
Pour faire passer son message, la Confédération paysanne a pu compter sur l'appui de paysans syndiqués, venus de toute la France. En début d'après-midi jeudi, les manifestants investissent le trottoir devant le Grand Palais, et déploient une banderole, sur laquelle est écrit : "Sauvez les paysan·nes, mangez un trader !"
L'opération est "un succès médiatique", se félicite Romain Henry, qui était présent sur place. Selon le syndicat, les manifestants commencent à plier bagage quand les forces de l'ordre interviennent. "On a essayé de négocier, mais on a été nassés", assure l'agriculteur d'Indre-et-Loire. "On n'a jamais rien dégradé, il n'y a pas eu de violences, pas de menaces... Évidemment, on laissait de la paille."
Seulement, la manifestation n'est pas déclarée. De quoi, apparemment, déclencher une intervention plus que musclée des forces de l'ordre. Notamment des CI (compagnie d'intervention, une unité de police spécifiquement parisienne) et de la Brav-M (les brigades de répression de l’action violente motorisées), si souvent critiquée.
"Un groupement en vue de commettre des violences" selon le parquet
"On était nassés, on attendait, on n'est pas des violents... Et la Brav-M a commencé à faire de la merde", raconte Romain Henry. En l'occurrence, des policiers tentent des interpellations de manifestants, en se projetant dans la foule immobilisée. Résultat, "pas une bousculade, comme ça a pu être écrit".
Ils sont arrivés, ils ont foncé dans le tas. On a été tabassés. J'ai eu un collègue avec le nez en sang. Un autre de 70 ans qui prenait des coups de tonfa et des balayettes. J'ai un copain qui pense avoir des côtes fêlées. Moi j'ai eu des coups dans les cuisses et dans la mâchoire.
Romain Henry, co-porte parole de la Confédération paysanne 37
Sur des images filmées par Le Média, des CI infligent des coups de matraque à des manifestants allongés au sol, accrochés les uns aux autres. Sur d'autres images, de CLPress cette fois, un manifestant tente d'attraper un policier, et un autre est plaqué au sol après avoir voulu s'interposer entre un policier et un autre homme.
🔴 Après avoir fait évacuer l’esplanade du Grand Palais, les forces de l’ordre nassent les agriculteurs et procèdent à des interpellations violentes.
— Le Média (@LeMediaTV) December 5, 2024
5 participants ont déjà été interpellés. pic.twitter.com/86BGFGOLuO
Cinq ont été interpellés : deux ont été relâchés sans poursuites, et deux autres étaient déférés au tribunal ce samedi 7 décembre. Des interpellations pour "participation à un groupement en vue de commettre des violences", "rébellion", "dégradation" et "violences volontaires n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail sur agent de sécurité et sur personne dépositaire de l'autorité publique (morsure, étranglement)", précisait le parquet de Paris vendredi.
Un "deux poids, deux mesures" ?
"Ils peuvent bien dire ce qu'ils veulent, j'attends qu'ils démontrent les violences", souffle, dans un rire jaune, Romain Henry. Ce samedi, en soutien aux deux manifestants devant passer devant le tribunal, quelques rassemblements ont eu lieu en France. Dénonçant notamment un "deux poids, deux mesures" :
D'autres syndicats agricoles n'hésitent pas à menacer des agents publics ou à plastiquer des bâtiments publics, et là il ne se passe rien. Hier, une députée a eu sa permanence murée, et rien. Nous, on a laissé un peu de paille, rien à voir avec les tonnes de lisier de la FNSEA devant les préfectures !
Romain Henry, co-porte parole de la Confédération paysanne 37
Sur X (ex-Twitter), le député écologiste de Tours, Charles Fournier, a apporté son soutien aux manifestants "nassés et brutalisés lorsqu’ils protestent contre la spéculation sur les céréales". Tandis que, à l'inverse, "aucune mesure de sanction [n'est prise] quand la FNSEA déverse sa colère sur les grilles" de l'Office français de la biodiversité.
Romain Henry en profite pour dénoncer "une attaque insupportable sur le droit de manifester, on est un syndicat représentatif, avec de la colère visuelle mais pas physique". Mais, "contrairement à la FNSEA et à la Coord', on remet en cause le libéralisme économique, ça dérange l'agenda politique du gouvernement", estime-t-il.
À l'heure de la publication de cet article, les deux manifestants n'étaient pas encore sortis d'audience au tribunal de Paris.