La Loire citoyenne d'honneur de la ville de Tours : une première en France, un pas de plus vers la reconnaissance du fleuve royal comme entité vivante et sujet de droit

Un vote symbolique, mais riche de promesses, au conseil municipal : la ville de Tours vient d'élever la Loire au rang de citoyenne d'honneur. Une démarche qui s'inscrit dans le projet Parlement de Loire. Depuis 2019, à l'initiative du POLAU, ce collectif qui regroupe chercheurs, artistes et usagers du fleuve, invite à se mettre à l'écoute de l'écosystème Loire et de ses alertes.

Une ville qui attribue la citoyenneté d'honneur à un fleuve qui la traverse, c'est une première en France ! Rien de très étonnant à cela, puisque, selon notre système juridique, un écosystème n'est pas un sujet de droit. La ville de Tours, pourtant, lors du conseil municipal du 27 mai dernier, a décidé d'élever la Loire au rang de citoyenne d'honneur. Une invitation, justement, à changer de regard :

"Même s'il n'est pas reconnu par la loi, le fleuve possède un droit intrinsèque à exister et remplir toutes ses fonctions écologiques, explique Christopher Sebaoun, conseiller municipal en charge de la préservation du patrimoine fluvial et des ressources aquifères, qui a porté cette initiative. Avec la citoyenneté d'honneur, nous proposons un changement de vision, dont découlera, nous l'espérons, la protection de la Loire. Un écosystème que l'on porte tous dans notre cœur, mais que l'on met à mal par nos habitudes et notre mode de vie."

Une démarche que valide Bruno Marmiroli, directeur de la Mission Val de Loire, venu participer à ce conseil municipal un peu particulier :

"C'est un acte symbolique fort et on ne peut pas négliger les symboles, qui ont une puissance narrative, de récit. Les droits de la nature sont une fiction juridique, un fleuve, évidemment, ne parle pas, il faut imaginer les modalités de sa représentation. Cette citoyenneté d'honneur est une première marche vers un accueil d'autres sujets que les sujets humains."

Nul n'est censé ignorer la Loire

Une citoyenneté d'honneur qui rejoint donc le projet du Collectif vers un Parlement de Loire, une reconnaissance du fleuve comme entité vivante et sujet de droit.

"Et si un fleuve avait la possibilité de s'exprimer et de défendre ses intérêts ? Face aux alertes environnementales, il est urgent de changer de regard."

Initié par le POLAU (Pôle Arts & Urbanisme) en 2019, le Parlement de Loire est une recherche collective pour imaginer l'institution potentielle d'un écosystème fluvial :

"Pouvons-nous adopter une posture plus “écocentrée” qu’“anthropocentrée” ? La démarche du parlement de Loire est une fiction, une institution potentielle, qui invite à se mettre à l’écoute de l’écosystème Loire et de ses alertes. (...) Une façon d'aborder une situation territoriale critique (paysage d’alertes) à partir du droit, des arts, de l’écologie, de l’anthropologie et d’enquêtes de terrain."

Le projet s'élargit en 2021 à un collectif "Vers un Parlement de Loire", qui réunit la Mission Val de Loire, l'Université Populaire pour la Terre de Tours, la Rabouilleuse-école de Loire, Ligere, la Maison des Sciences de l’Homme de Tours et le POLAU.

Collectif qui entend faire tache d'huile en amplifiant ce mouvement à l'échelle du bassin-versant, soit le cinquième du territoire national, 40 000 kilomètres de cours d'eau.

 Rencontres, débats, explorations, de nombreux évènements sont organisés, destinés "à faire communauté, à sensibiliser aux enjeux du fleuve et à créer des nouveaux récits de Loire".

Un cycle de 13 auditions publiques est ainsi lancé, suivi d'un rapport publié sous le titre "Le Fleuve qui voulait écrire" (sous la direction de l'écrivain juriste Camille de Toledo). En septembre 2021, les assemblées de Loire, quatre jours d'"expériences arts, sciences et droits de la nature", sont organisées à Tours. 

Nous sommes Loire

En 2023, se déploie sur le fleuve la flottille de "La Grande Remontée", de Nantes à Orléans. Et le collectif rédige un manifeste "pour la reconnaissance des voix et des droits de Loire" :

 "Nous sommes intimement lié·es aux sources et à l’estuaire, solidaires des humains et non humains, de l’amont et de l’aval. Nous sommes dépendant·es de ses sols, ses nappes, ses pluies, ses eaux, ses berges et des fluctuations de ses cycles. Notre état physique, psychique et émotionnel découle de la bonne santé du fleuve."

Mais le fleuve nous alerte, et le manifeste invite à se mettre "à l'écoute des SOS de Loire" :

"Le mauvais état de santé de Loire, accentué par les bouleversements climatiques, est la conséquence de la surexploitation des ressources, de l’artificialisation et la destruction des sols, des pollutions de l’air, du sol et de l’eau et des diverses entraves à la libre circulation de l’eau, des vivants et des sédiments."

Après une série d'engagements que prennent les signataires de ce manifeste, le texte s'achève ainsi :

Je signe ce manifeste pour défendre Loire, pour les générations futures, pour la vie et le cycle de l’eau, en solidarité avec les communs naturels qui ont contribué, au fil des siècles, à l’habitabilité de la Terre. Nul n’est censé ignorer la Loire.

Collectif Vers un Parlement de Loire

Le Parlement de Loire prend appui sur plusieurs précédents législatifs et jurisprudentiels qui, dans le monde, ont reconnu des écosystèmes comme sujets de droit (Nouvelle-Zélande avec le fleuve Whanganui, mais aussi Colombie, Inde, Etats-Unis...), pour réclamer l'attribution d'une personnalité juridique au fleuve Loire.

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