Bertrand Ritouret a déclenché l'indignation de ses collègues en conseil métropolitain à Tours ce lundi 9 décembre. Une formulation plus que maladroite, et usant de stéréotypes sexistes, adressée à plusieurs élues est à l'origine de la colère. L'élu nie toute intention sexiste.
Ambiance tendue, entre colère et incompréhension, au conseil métropolitain de Tours ce lundi 9 décembre. La colère de plusieurs élus, face à l'incompréhension de Bertrand Ritouret, maire (LR) de Luynes. Tout part d'une délibération sur le prix de l'eau dans la métropole, qui dévie sur la qualité de l'eau, les décomposés de pesticides et les PFAS, les fameux polluants éternels.
Une question de Bestabée Haas, adjointe écologiste à la mairie de Tours, déclenche la réponse de Bertrand Ritouret, qui intervient en sa qualité de vice-président de la métropole à la qualité de l'eau. "Mesdames, les PFAS, ça va être compliqué à éliminer", commence-t-il. Car "vos vernis à ongles, c'en est plein. Vos poêles en téflon, c'en est plein". Des exclamations montent de l'assistance. "Ben oui, rit l'élu face à ces réactions. Les pompiers, toutes les mousses d'extincteur en contiennent."
"Moi-même, utilisant beaucoup de poêles, je me sens responsable"
Mais l'exemple des pompiers arrive trop tard, le mal est fait. "Ces propos ne sont pas acceptables, et renvoient à des rapports hommes-femmes d'une autre époque", affirme, auprès de France 3, Élise Pereira-Nunes. Adjointe au maire de Tours et vice-présidente de la métro à la démocratie, elle était présente au conseil lorsque Bertrand Ritouret a parlé de "vos vernis à ongles" et de "vos poêles". "Du sexisme", tout simplement, assène l'élue.
À la fin de la prise de parole de son vice-président à la qualité de l'eau, Frédéric Augis, le président de la métropole, a d'ailleurs remis les points sur les i. "D'abord, je me désolidarise de certains propos. Voilà... Moi-même, utilisant beaucoup de poêles, je me sens responsable, et je m'en excuse."
Première adjointe au maire de Tours, Alice Wanneroy prend la parole quelques minutes plus tard :
On se bat au quotidien pour éviter ce genre de remarques. Et aujourd'hui, en instance, publiquement, on s'autorise. Et c'est normal, et c'est pas grave... Eh bien moi, je trouve ça très grave.
Alice Wanneroy, maire adjointe (Les Écologiste) de Tours
S'adressant à Bertrand Ritouret, elle lance : "Soit vous retirez vos propos et vous vous excusez, soit je sortirai de cette instance et j'espère que les autres femmes qui ont été heurtées le feront aussi."
Des excuses arrachées
"J'ai aussi parlé des pompiers, tente de se défendre le maire de Luynes. On peut penser ce qu'on veut, mais... il n'y a aucun sexisme de ma part dans ce genre de remarque."
Pas encore d'excuses. Alors Frédéric Augis, après un moment de flottement, lui force la main. "Tu retires, point. Tu retires, point, Bertrand !" "Je confirme que je retire les propos si ça vous offusque, c'était pas le but de ma remarque", finit par lâcher Bertrand Ritouret. Avant une suspension de séance quelque peu contrainte.
Quelques minutes plus tard, alors que les élus reprennent leur siège, Bertrand Ritouret semble avoir reçu un brief. "Il va ré-éteindre l'incendie", souffle Frédéric Augis à quelqu'un près de lui. "Mesdames, je m'excuse si mes propos vous ont perturbées, et je les regrette", affirme enfin le maire de Luynes. Tout en persistant : "Mais ce n'était pas mon intention."
Pas du goût d'Élise Pereira-Nunes, qui l'interpelle quelques secondes plus tard et l'accuse de "mansplaining". "Vous expliquez à des femmes ce qu'elles doivent penser et faire, en jouant sur les stéréotypes de genre, dit-elle. Ce sont des propos qui se caractérisent comme du sexisme, que vous le compreniez ou pas." Elle poursuit sur le vernis à ongles : "Sortez fréquenter des jeunes, voyez ce qu'ils s'approprient comme signifiants de féminité ou de masculinité ou autre."
Le choc des générations
Auprès de France 3, Bertrand Ritouret reconnaît un petit choc des générations. "Effectivement, des hommes portent du vernis à ongles... Je suis plutôt d'une génération où ce sont les femmes qui en mettaient et pas les hommes." Avant de concéder : "Je n'aurais pas dû le dire, dont acte, il n'y a pas de problème."
Au-delà de ça, il continue de nier toute intention sexiste : "Comme ce sont des dames qui m'interpellaient, j'ai commencé par dire "Mesdames". Poliment !" Mais comprend-il que, intention ou non, des femmes (et des hommes) aient pu être touchées par sa remarque ? "Oui bien sûr, c'est pour ça, j'ai retiré les propos si ça choque, pas de problème."
Il reconnaît aussi un manque de réflexion avant d'avoir parlé de vernis à ongles et de poêles :
J'ai répondu à chaud sur une question qui n'avais rien à voir avec le débat. Dans l'emportement, parfois on prend un exemple et il n'est pas le plus approprié. En réfléchissant, on pourrait se dire qu'il y avait mieux.
Bertrand Ritouret, vice-président (Les Républicains) de Tours Métropole
Pour Élise Pereira-Nunes, Bertrand Ritouret est sincère lorsqu'il nie toute intention sexiste. "On a plusieurs mondes qui s'entrechoquent, et dans certains, ces répartitions genrées étaient normales", estime-t-elle. Sauf que, "que le propos soit consciemment ou non sexiste, il est reçu comme tel". Et "c'est l'accumulation quotidienne de ce genre de propos qui cristallise la colère et l'indignation".
Bientôt un séminaire sur les stéréotypes de genre pour les élus de la métropole
L'élu a d'ailleurs proposé l'organisation d'un séminaire pour les élus de la métropole, sur le sujet de l'égalité de genre. "Car il n'est jamais trop tard pour déconstruire les stéréotypes de genre et il est essentiel d'intégrer l'égalité à toutes nos politiques publiques", explique-t-elle. Son initiative a été validée par le président, Frédéric Augis.
Un "non-évènement sorti de son contexte" selon le principal intéressé, l'intervention de Bertrand Ritouret ce lundi aura eu le mérite de mettre le sujet du sexisme ordinaire sur la place publique. Élise Pereira-Nunes se réjouit d'avoir une occasion de "permettre à tous d'ouvrir les yeux en réussissant à se mettre à la place de l'autre", pour éviter tout "conflit de société". Et toute incompréhension.
La séance du conseil métropolitain s'est achevée par quelques remarques supplémentaires. Mélanie Fortier, conseillère municipale d'opposition à Tours, a dénoncé une "petite sortie très vintage". Quand Florent Petit, adjoint au maire de Tours, parlait de "propos trumpisants". Tous s'accordent en tout cas sur un fait : l'eau, éclipsée par le débat du soir, est la grande perdante de la polémique.