Depuis 2022, un étudiant en médecine de l'université de Limoges est accusé d'agressions sexuelles par plusieurs anciennes camarades de promo, à l'époque où il étudiait à Tours. Malgré deux condamnations, il poursuit ses études. Plusieurs collectifs féministes et syndicats étudiants interpellent le gouvernement.
Une "situation extrêmement préoccupante". C'est ce que dénonce une lettre ouverte, signée le 24 mai par de multiples associations féministes et syndicats étudiants. Le texte interpelle le gouvernement, les responsables politiques et de l'enseignement supérieur et les représentants de l'État, sur le cas d'un étudiant en médecine de l'université de Limoges.
Ce dernier poursuit ses études, malgré la forte mobilisation de nombreux étudiants. Il est en effet visé par cinq plaintes pour viol ou agressions sexuelles, notamment par d'anciennes camarades, à l'époque où il était encore étudiant en médecine à l'université de Tours. Placé en détention provisoire entre septembre et novembre 2020, il avait ensuite été placé sous contrôle judiciaire.
Le parquet fait appel de sa condamnation parce que la peine est trop faible
Le jeune homme a été reconnu coupable d'agressions sexuelles pour des faits commis entre 2017 et 2020 dans des soirées étudiantes, par le tribunal de Tours le 19 mars 2024, écopant de cinq ans de prison avec sursis. Le parquet, depuis, fait appel de cette condamnation, la trouvant trop légère. Un nouveau procès en appel est prévu à Orléans à la fin de l'année.
Les signataires de la lettre ouverte déclinent plusieurs revendications claires. En particulier, qu'un conseil disciplinaire se réunisse en urgence, avant que le mis en cause puisse passer ses examens, qui seraient synonymes de poursuite de carrière professionnelle.
"Pourquoi cet étudiant condamné à deux reprises est-il actuellement en stage dans un CHU, au contact de patientes, et prépare le concours de l’internat en vue de devenir médecin", interrogent les signataires, parmi lesquels se trouvent le collectif Actions féministes Tours, le collectif Emma Auclert (engagé principalement dans le cadre de cette affaire), le collectif Nous Toutes, mais aussi le Planning familial, des syndicats de différentes professions médicales, ou encore l'UNEF.
Le rapport médecin-malade : de "l'empathie" à "l'emprise"
Ces derniers considèrent que "le rapport médecin-malade, bien que supposément basé sur l’écoute et l’empathie, n’en oppose pas moins un "sachant" et un "naïf", un malade vulnérable et un guérisseur potentiellement perçu comme tout-puissant". Rapport qui "peut facilement évoluer vers une relation d’emprise".
Nous demandons quotidiennement à nos patients de se déshabiller. Nous les touchons, les palpons, connaissons les détails les plus intimes de leur quotidien. Nous n’avons pas le droit de profiter de leur confiance quand ils se tournent vers nous. Le respect du consentement et l’éthique doivent rester le cœur de la profession médicale, et ne peuvent pas être mis en doute chez ceux qui l’exercent.
Collectifs féministes, d'étudiants et de médecins
Le contexte du mouvement #MeToo hôpital, la réalité des violences sexistes et sexuelles subies par les femmes en milieu hospitalier, s'ajoutent à ces revendications éthiques. La lettre ouverte fustige "l'impunité des agresseurs" et "l'omerta morbide", décrites dans les récits de victimes.
Un stage en gynécologie après un contrôle judiciaire
Plusieurs détails de l'affaire interrogent également le rôle des responsables d'université, qui auraient tardé à prendre des mesures de protection vis-à-vis des étudiantes. Et, lorsque l'administration de Tours se réveille et agit, c'est en transférant le mis en cause vers une nouvelle faculté, à Limoges. Il a pu y accomplir son stage, en gynécologie, pendant six mois. "Comment justifier qu’un individu soupçonné de multiples agressions sexuelles et viol en 2020, ait effectué un stage en gynécologie en 2021", interrogent encore les signataires.
La lettre réclame de l'Ordre des médecins une précision sur "sa position au sujet de cet étudiant", ainsi que la mise en place d'un protocole spécifique à l'université de Limoges pour prévenir de nouvelles affaires d'agressions. Les signataires "exigent" aussi l'ouverture d'une enquête au sein de l'université "pour éclaircir les conditions du transfert de l'étudiant, et évaluer les mesures prises ou non pour s'assurer de la sécurité des étudiantes, des patientes et du personnel soignant".
La lettre a été adressée à plusieurs membres du gouvernement, en particulier à la ministre de l'Enseignement supérieur, la ministre de la Santé, et le ministre de la Justice. Elle interpelle plusieurs strates de responsables politiques (députés, sénateurs, élus des conseils régionaux), les doyens et recteurs, ainsi que le préfet et les sous-préfètes de Haute-Vienne.
Le collectif Emma Auclert prévoit la tenue, ce mercredi 29 mai à 18h, d'une manifestation devant le ministère de la Santé. Dans l'espoir d'être reçu par la ministre Catherine Vautrin, pour parler avec elle des problématiques de violences sexistes et sexuelles dans le monde de la santé.