Il a été condamné pour agressions sexuelles à Tours, mais réintégré dans ses études à la faculté de Limoges, sur décision du tribunal administratif. Un collectif d’associations étudiantes vient de publier une lettre ouverte aux plus hautes instances, demandant explications, sanctions, mais aussi une prise de conscience d’un problème qu’il dénonce comme systémique.
"Aujourd'hui ton violeur - Demain ton docteur !" C'est un nouveau collage, apparu de manière éphémère sur les murs de la faculté de médecine, ce jeudi 26 avril et depuis retiré, qui interpelle, une nouvelle fois, les étudiants de Limoges.
Tout comme, sinon plus, cette lettre ouverte, signée par pas moins de six collectifs étudiants. Elle a été adressée en cette fin de semaine aux plus hautes autorités. Derrière l’implacable rappel des faits, un véritable SOS, comme nous l’ont expliqué des étudiantes, qui ont voulu rester anonymes, mais ont tenu à témoigner, une nouvelle fois.
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On est face à une situation qui nous paraît effarante et dramatique, mais contre laquelle on ne peut rien. Donc, c'est d'abord un appel aux gens qui peuvent. C'est impossible qu'il n'y ait pas quelque part, quelqu'un qui soit capable de faire en sorte que ça, ça n'arrive pas.
Étudiante en médecine, membre du collectif Emma AuclertSignataire de la lettre ouverte
La présidente de l’Université de Limoges était ce vendredi au ministère. Elle nous a tout de même fait savoir que l’institution, attachée à la tolérance zéro, communiquerait officiellement lundi prochain 29 avril. Les étudiantes attendent une décision précise et ferme.
On aimerait une réponse encore plus forte et encore plus globale. Mais on aimerait aussi une réponse précise. On discute d'un seul cas, et si on est incapable d'avoir une réponse sur un seul cas, pourquoi on s'attendrait à des réponses sur 10 000 ?
Étudiante en médecine, membre du collectif Emma AuclertSignataire de la lettre ouverte
Car au-delà de ce seul cas, la lettre ouverte dénonce une situation glaçante. Et une fois la situation limougeaude statuée, c’est à la générale qu’il faudra s’attaquer. "Cette histoire, elle est symptomatique de plein d'autres. Nous, on demande que l'ordre des médecins et l'Université en général, pas que sur le territoire de Limoges, prennent une décision claire sur la tolérance zéro par rapport aux agressions. Qu'une personne qui est condamnée, du coup, n'ait pas le droit d'étudier la médecine et se retrouve, plus tard, seule dans un cabinet avec d'autres personnes", explique Angel, membre du collectif Les Affolé-e-s de la Frange, également signataire de la lettre ouverte.
Hasard du calendrier, les étudiants limougeauds organisent ce week-end un salon dédié à la prévention, place de la Motte. Et quelles que soient les causes défendues, leur message est unanime : la peur ne doit pas changer de camp, elle doit cesser.
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Rappel des faits
Nicolas W., étudiant en médecine, a été condamné en première instance par le tribunal correctionnel de Tours le 19 mars dernier à cinq ans de prison avec sursis pour agressions sexuelles sur d'anciennes camarades, alors qu'il était étudiant à la faculté de médecine de Tours.
Le 15 avril, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du CHU de Limoges de suspendre l'étudiant de son stage obligatoire pour valider sa sixième année. Le 22 mars dernier, la directrice du CHU l'avait, en effet, exclu à titre conservatoire,"dans l'attente de la décision du conseil de discipline par l'Université" de Limoges.
Rappelons que le parquet de Tours, qui avait requis une peine de prison ferme, avait fait part de son insatisfaction, raison pour laquelle il a ensuite fait appel. L'étudiant, qui a reconnu les faits lors du procès, va donc devoir de nouveau être jugé. À noter également que les faits reprochés par la justice ne s'étant pas déroulés durant l'exercice professionnel de ce dernier, mais dans le cadre de la vie privée - des soirées étudiantes - le tribunal correctionnel de Tours ne pouvait pas prononcer d'interdiction d'exercer.
Dans son ordonnance, le tribunal administratif de Limoges a motivé sa décision notamment par le fait que "le CHU a prononcé son exclusion en raison d’une condamnation pénale et de fait commis en dehors de l’établissement de santé ou de l’université de Limoges et, d’autre part, il n’est pas établi qu’il a commis une infraction disciplinaire ou que son comportement soit de nature à remettre en cause le bon fonctionnement du service."