Bien avant le plan France 2030, le groupe suédois SKF s'était lancé dans la course à la décarbonation. A Saint-Cyr-sur-Loire, l'aventure a commencé en 2010 avec une chaufferie biomasse.
"Entre 2010 et 2022, la consommation d'énergie a été divisée par deux et les gaz à effet de serre réduits de 60 %", explique Frédéric Bouilly, responsable environnement, sécurité et décarbonation des 7 sites français de SKF. Le groupe suédois a investi 14 millions d'euros dans la décarbonation depuis 2010.
Une chaufferie biomasse, des panneaux photovoltaïques sur le parking des salariés, des bâtiments à haute performance énergétique, une déchèterie... L'usine SKF de Saint-Cyr-sur-Loire est un des trois plus gros employeurs privés d'Indre-et-Loire et très en avance en matière de réduction d'énergie et d'émission de gaz à effet de serre.
De la chaufferie biomasse aux panneaux photovoltaïques
Le groupe suédois a toujours été dans une démarche de protection de l'environnement et de préservation de l'utilisation des ressources. Mais le premier gros investissement à Saint-Cyr-sur-Loire a été la chaufferie biomasse pour 3,4 millions d'euros. C'était en 2010. "C'est une chaufferie qui fonctionne avec des plaquettes de bois, ce sont des déchets. On s'approvisionne dans un rayon de 150 km autour de l'usine. Les plaquettes de bois arrivent par camion, 20 tonnes par jour. Le grappin met les plaquettes dans un foyer, on chauffe l'eau et l'eau est distribuée dans le réseau de chaleur pour chauffer les bâtiments", explique Frédéric Bouilly. "Elle a permis d'économiser 50 % du gaz utilisé pour le chauffage. Le gaz étant fortement émissif en CO², on a baissé de 31 % nos émissions de CO²".
Depuis 2010, le site de Saint-Cyr-sur-Loire a construit deux bâtiments à haute performance énergétique tel que celui qui accueille le centre de logistique, une déchèterie qui permet de recycler 85 % des 3 000 tonnes de déchets générés chaque année mais aussi 5 684 panneaux solaires sur le parking des salariés installés en décembre 2022 qui ont coûté 2,8 millions d'euros. "C'est le plus grand site privé de production électrique par panneaux photovoltaïques qui est utilisé en autoconsommation. On a produit cette année 2,9 gigawatts/heure ce qui représente 7 % de la consommation du site de Saint-Cyr-sur-Loire", énumère Frédéric Bouilly.
Le parking est également pourvu de 24 bornes de recharge à destination des salariés qui ont une voiture électrique. En 2025, 250 bornes seront disponibles.
Un poste de coordinateur énergie
Pour Frédéric Bouilly, le monsieur environnement de SKF en France, la décarbonation exige l'implication de tout le monde et ne peut se faire qu'en activant cinq leviers : "Il faut utiliser des énergies renouvelables, il faut réduire l'utilisation de carburant carboné comme le gaz ou le fioul, il faut réutiliser au maximum les produits plutôt que de les jeter, Il faut consommer le moins possible d'énergie et il faut être le plus efficient possible dans l'utilisation de l'énergie."
Pour être efficient, SKF s'est doté d'un coordinateur énergie il y a trois ans. Bruno Valenti travaille sur le site de Saint-Cyr-sur-Loire depuis 36 ans. Aujourd'hui, c'est lui qui est chargé de veiller à ce que la consommation d'énergie reste dans le vert et qu'il n'y ait plus de gaspillage.
Devant lui, un tableau qui affiche toutes les 10 minutes la consommation d'énergie de chaque poste et les émissions de CO² : "Grâce à cet outil appelé Energiency, on consomme mieux et au bon moment. On a revu nos pratiques sous un angle énergétique. Maintenant on ne subit plus la consommation, on la pilote. Quand on a un secteur qui a une dérive, on peut réagir rapidement."
Une réduction de la consommation d'énergie de 19 % en un an
Ce pilotage, ces nouvelles pratiques et les panneaux photovoltaïques ont permis de réduire la consommation d'énergie de 19 % en 2023 à valeur ajoutée équivalente à 2022. "C'est motivant et ça emmène l'équipe. On voit que les mentalités changent. À la fin, les salariés allaient plus vite que moi. C'est formidable d'être le chef d'orchestre de cette activité-là sur le site," se réjouit Bruno Valenti intarissable sur le sujet.
Si on veut être sur le marché de demain, il faut être vertueux d'un point de vue environnemental
Vincent Mégret, président de SKF en France
Si l'engagement du groupe pour la décarbonation répond à une exigence morale, il est aussi motivé par des injonctions économiques. Pour les clients, être décarboné est devenu incontournable. Vincent Mégret est le président de SKF en France : "C'est un challenge qui demande beaucoup d'investissements mais c'est aussi une exigence du marché de montrer notre réduction d'empreinte carbone. Si on veut continuer à être un acteur important pour nos clients toute la chaîne exige d'être vertueux". Il précise : "Un constructeur automobile utilise nos roulements à billes pour les roulements de roue au sein du moteur. Lui, il a un bilan carbone à présenter sur son véhicule. Il faut qu'il puisse démontrer que le roulement comme les batteries ont un bilan carbone neutre qui contribue à la performance globale du véhicule. Donc si on veut être sur le marché de demain, il faut être vertueux d'un point de vue environnemental".
Les jeunes veulent travailler pour l'industrie vertueuse
Pour le groupe, l'objectif est la décarbonation du site de Saint-Cyr-sur-Loire d'ici 2027 quand l'objectif de l'Etat est 2030. "Je suis fier parce qu'on a commencé très tôt et depuis on accélère nos efforts chaque année. En plus tout le monde s'y met. On aura baissé de 90 % nos émissions de CO² en 2027 par rapport à 2010. Le reste sera compensé par des contrats d'énergie verte", explique Eric Beghini, le directeur du site de Saint-Cyr-sur-Loire.
Dans le cadre du plan France 2030, l'Etat va verser 6 millions d'euros au site. Le groupe suédois va investir 33 millions d'euros d'ici 2026. "L'investissement est partiellement lié à la décarbonation. C'est d'abord l'installation de nouvelles lignes de production pour les véhicules électriques en substitution des composants que nous faisons aujourd'hui pour les véhicules à moteur thermique qui vont s'arrêter", rappelle Vincent Mégret le président de SKF en France.
Sur ces 6 millions d'euros, 2,5 millions d'euros seront affectés à la rénovation et à l'isolement du bâtiment où seront installées les nouvelles chaînes de production. Des panneaux photovoltaïques seront installés sur le toit.
Entre 2023 et 2027, SKF prévoit d'investir 15 millions supplémentaires pour finir de décarboner le site.
Autre enjeu pour SKF qui emploie 2900 salariés en France : rester attractifs pour les jeunes. "Entre 2023 et 2030, 26 % des ouvriers vont partir à la retraite. Les jeunes ont besoin de travailler dans une entreprise qui a du sens. Ils rejettent l'industrie polluante. Si on veut qu'ils viennent travailler chez nous, il faut réussir cette décarbonation", conclut Vincent Mégret.