Espèce invasive venue de Chine, le frelon asiatique prolifère désormais dans toute l'Europe et pose bien des problèmes. Mais pour lutter contre lui, seuls les produits chimiques sont à ce jour efficaces. Des chercheurs tourangeaux ont peut-être trouvé une solution respectueuse de l'environnement
A Tours, certains chercheurs de l'Institut de Recherche sur la biologie de l'Insecte (IRBI, Université de Tours/CNRS) travaillent depuis une dizaine d'années déjà sur le frelon asiatique et les moyens de lutter contre sa prolifération. Et les professionnels de la désinsectisation n'ont à ce jour qu'une méthode efficace dans leur panoplie pour détruire une colonie de frelons : la pulvérisation, sur le nid, de produits chimiques, des pesticides.
Une solution qui n'est évidemment guère satisfaisante, à la fois dangereuse pour la santé humaine et pour les autres animaux, insectes et oiseaux notamment. Le nid traité peut se transformer en "bombe environnementale", selon les termes d'Eric Darrouzet, chercheur à l'IRBI.
La mise au point d'une méthode de lutte contre le frelon asiatique plus "propre", c'est-à-dire plus respectueuse de l'environnement, est donc du plus haut intérêt. Le chercheur tourangeau nous explique la démarche :
"Nous nous sommes inspirés d'un mécanisme que l'on trouve dans la nature, en Asie. Une abeille asiatique est capable de tuer un frelon par hyperthermie, selon le principe de la boule thermique : dès qu'un frelon attaque une ruche, plusieurs dizaines d'ouvrières se jettent sur lui, forment une boule et le tuent par hyperthermie et étouffement."
Reproduire la boule thermique pour tuer le frelon
Restait à imaginer un dispositif pour reproduire, en laboratoire, ce mécanisme de "boule thermique" :
"Nous avons testé en labo une augmentation de la température sur tous les types d'individus qu'on retrouve dans une colonie, poursuit Eric Darrouzet. La reine et les futures reines, les ouvrières, les mâles et les larves. Et utilisé différentes techniques de chauffage, effet flash ou gradients de chaleur, chaleur sèche ou humide, sous forme de vapeur d'eau."
Et c'est cette dernière technique, la vapeur d'eau, qui se trouve être la plus efficace! Difficile de faire plus naturel et plus respectueux de l'environnement...On n'en est pas encore, pour autant, à la mise en pratique.
Prototype et tests sur le terrain
"Il nous faut maintenant trouver un partenariat industriel pour fabriquer un prototype, explique le chercheur de l'IRBI. Puis il faudra tester cet outil sur le terrain pour voir s'il fonctionne, et enfin définir le protocole de destruction à mettre en oeuvre."L'argent reste le nerf de la guerre en matière de Recherche scientifique. Si tout se passe bien, Eric Darrouzet estime que les désinsectiseurs professionnels pourront bénéficier d'un nouvel outil utilisant la vapeur d'eau plutôt qu'une poudre insecticide dans les deux ans.
Désinsectiseur installé à Joué-les-Tours, Patrick Noyan applaudit des deux mains ce travail de recherche. Lui-même sensible à la problématique environnementale et sanitaire, il tente au maximum de limiter l'utilisation de produits phyto-sanitaires.
"Quand on traite chez des particuliers à 6 bars de pression, la poudre est quand même forcément volatile. Les gens vont se retrouver au contact de ces produits chimiques. La vapeur d'eau, elle, ne laisse pas de résidu, je l'utilise déjà dans la lutte contre les punaises de lit. Peut-être le matériel pourra-t-il faire double emploi, c'est tout bénéfice!"
D'autant que la lutte contre les insectes nuisibles semble avoir de beaux jours devant elle. Au cours de l'été 2020, Patrick Noyan devait détruire jusqu'à 10 ou 15 nids par jour!
Si l'on déplore une disparition catastrophique des populations d'insectes, la lutte contre le frelon asiatique est nécessaire à plus d'un titre. Lui-même est un redoutable chasseur d'insectes et notamment d'abeilles domestiques, une sérieuse nuisance pour les apiculteurs. D'autres activités économiques sont également impactées, comme les cultures fruitières ou les marchés de plein air. Enfin le frelon asiatique pose également un problème de santé publique, avec de nombreuses attaques, parfois graves, recensées chaque année sur des humains.