La maison d'arrêt de Tours fait partie des plus surpeuplées de France. Entre évolution du métier et contraintes de terrain, un surveillant et le directeur de la prison détaillent les réalités qui se cachent derrière les barreaux.
Ils sont plus de deux fois plus nombreux que prévu. La maison d'arrêt de Tours fait partie des plus surpeuplées de France avec un taux d'occupation actuel de 226%. Et la machine doit tourner "avec le même nombre d'effectif" reconnaît Gérald Pidoux, directeur de l'établissement, "donc les agents sont obligés d'en faire deux fois plus".
Face caméra, Charles, surveillant et représentant syndical SPS explique "la souffrance, ça fait des années qu'on l'a". Celui qui est arrivé dans cette prison en 2011 l'a toujours vue surpeuplée. "Si eux ont de meilleures conditions, nous aussi, mais ça n'est pas le cas". Parfois à trois dans une cellule de 9m2, les détenus s'agacent. "Et on ne peut pas écrire 'complet' sur la porte de la prison, ce n’est pas possible", se désole le surveillant.
Rue Henri-Martin, la prison vieillit mal, la rénovation est prévue, mais en attendant, tout le monde fatigue. "Ils font de leur mieux, et des fois ne sont pas assez remerciés" martèle Charles à propos de ses collègues. "Pour moi ce sont les surveillants qui font tourner la boutique, pas au-dessus". Un message à peine dissimulé à sa hiérarchie.
30% d'absentéisme de plus depuis le covid-19
Résultat, les arrêts maladies s'enchaînent "des accidents du travail ou de la fatigue" assure Charles. Le regard de Gérald Pidoux est bien plus comptable. Il connaît la problématique, mais elle dépasse les murs de la maison d'arrêt de Tours "depuis la fin du Covid, tous les secteurs d’activité connaissent +30% d’absentéisme, ce n’est donc pas une spécificité de l’administration pénitentiaire" affirme-t-il. Dans l'établissement qu'il dirige depuis septembre 2022, il maintient que les dégâts sont limités : "je suis en dessous du niveau national".
Au total, ils sont une soixantaine à travailler dans la prison, administration et surveillants compris. "En théorie, on est bien" estime Charles "sauf qu'il y a des arrêts et actuellement 5 à 6 agents ne sont pas remplacés".
Changer le visage du surveillant pénitentiaire
"La gestion d'une prison ne tient pas de la lubie d'un chef d'établissement". La ligne tracée par le ministère de la justice doit être respectée. Gérald Pidoux, qui a commencé sa carrière comme surveillant veut changer le visage de ce métier "dans les années 90, ça consistait à ouvrir et fermer des portes, aujourd'hui je souhaite mettre le surveillant au cœur de la détention".
Ce chamboulement ne passe pas pour tout le monde, remarque le directeur "certains, qui sont là depuis trente ans ne veulent pas changer leurs habitudes, mais ça concerne une petite partie de gens".
Dans cette nouvelle vision, le surveillant aura comme mission "d'évaluer un vivier de détenus. Chacun gère cinq à six personnes et voit leur évolution". Une transition qui ne se fait pas sans formation assure-t-il "je ne prends pas des décisions seul dans mon coin".
Une modification d'état d'esprit qui est national, notamment pour lutter contre les violences en prison "c'est un travail en binôme, avec des mouvements cartographiés, des notes de service". Aux yeux de Charles, c'est surtout demander "toujours plus" à son corps de métier.
Métier ingrat ?
La population de la maison d'arrêt de Tours est déjà connue des agents "ce sont souvent des multirécidivistes, des détenus locaux" détaille son directeur. Après l'incarcération se joue souvent le jeu des transferts. Qui ne vont pas assez vite pour Charles "quand dix partent, on en a quinze qui arrivent".
"C'est un métier comme un autre, mais quand même un métier ingrat" poursuit Charles. Les surveillants demandent notamment à ne plus faire des horaires extensibles. 7h-13h puis de 19h à 7h le lendemain. Le statut des agents s'apprête cependant à changer, leur octroyant une catégorie B dans le classement des fonctionnaires. Ce qui inclut un changement au recrutement. Le métier qui était ouvert dès l'obtention d'un brevet des collèges le sera désormais après le baccalauréat.