"Vous êtes légitimes" : femmes et cheffes d'entreprises, elles veulent changer les mentalités dans l'artisanat

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Pour la première fois, ce dimanche 19 novembre 2023, le club des femmes de l'artisanat du Centre-Val de Loire organisait un salon pour valoriser l'artisanat au féminin. L'objectif : encourager les femmes à se lancer dans l'entrepreneuriat. ©Marine Rondonnier, Julien Bernier, Jérémie Bénard- France 3 Centre-Val de Loire

Ce dimanche 19 novembre au domaine de Thais à Sorigny en Indre-et-Loire se tenait le premier salon des arts du Club des Femmes de l'artisanat. 35 des 40 exposants étaient des femmes. Une idée originale pour valoriser l'entrepreneuriat au féminin et aider ces créatrices en manque de visibilité à développer leur entreprise.

"Très souvent la femme, elle pense petit, elle a toujours un blocage sur son savoir-faire, elle a toujours l’impression que ça va être compliqué, que ça va être vendu trop cher. Est-ce que ça va être joli, est-ce que ça va plaire ? Et donc avec notre club on a eu envie de faire un salon pour valoriser leur travail".Géraldine Ferteux est présidente du club Femmes de l'artisanat en Centre-Val de Loire. Une association créée en 2014 et qui compte une cinquantaine de membres.

Ce dimanche 19 novembre, le club organisait pour la première fois un salon des arts où la majorité des exposants étaient des femmes. Céramistes, peintre sur porcelaine, fleuristes, photographe, tapissières d’ameublement, ou encore stylistes : les talents sont nombreux dans ce salon organisé au domaine de Thais à Sorigny.

 "Mon envie c’est de leur faire passer ce message : vous êtes légitime, vous avez envie de créer votre entreprise, allez-y. Votre mari et vos enfants suivront. Montrez-vous ! Exprimez-vous !", explique la présidente du club. "Très souvent elles sont d’abord mères avant d’être chef d’entreprise. Et quand elles sont chefs d’entreprise, elles ont des blocages parce qu’il y a le mari et les enfants. Elles se disent qu'elles ne vont pas pouvoir aller à une soirée ni aller faire du réseau parce qu'elles n'ont pas le temps". 

Aider les femmes à élargir leur réseau

Le réseau, c'est pourtant la clé pour développer son activité. Mais ces femmes qui représentent 35 % des chefs d'entreprise en Indre-et-Loire soit près de 5500 entreprises ont beaucoup de mal à en faire. 

"Très souvent les hommes chefs d’entreprise créent leur boîte, ils font du réseau, ils vont dans des clubs d’entreprise, ils vont au sport, ils font du sponsoring… Et puis ils rentrent à la maison et à la maison tout le reste est organisé. La femme, elle, ne fait pas dans ce sens-là. Elle crée son entreprise, elle rentre à la maison pour tout organiser, elle continue dans son entreprise et en fait elle n’a pas le temps du faire du réseau", constate Géraldine Ferteux qui côtoie des hommes et des femmes chefs d'entreprise. "Heureusement avec les nouvelles générations ça s’arrange", tempère-t-elle.

Au-delà du salon de ce dimanche, le club Femmes de l'artisanat organise des tables rondes et des rencontres avec d’autres entrepreneuses. "Ces rencontres aident les femmes à développer leur entreprise. Il s'agit de banquiers, de comptables ou d'assureurs mais nous leur proposons aussi du coaching pour apprendre à gérer sa vie professionnelle et personnelle, à manger sain même quand on n’a pas le temps. Ce sont des tables rondes 5 à 6 fois par an. On fait aussi des visites d’atelier pour s’échanger des petites astuces."

De la création dans son garage à l'ouverture d'une boutique

Quand Marine Danos a intégré le club, elle créait des bouquets dans son garage et les vendait sur internet. Maman de deux filles de 6 et 9 ans, elle pensait que sa vie de famille n’était pas compatible avec l’ouverture d’une boutique.

"Quand on est une femme on a plusieurs casquettes. Les journées sont à rallonge, il y a les moments de fête où on n’est pas là. C’est toujours un peu compliqué mais on est toujours opérationnel, on essaie en tout cas", constate la jeune chef d'entreprise qui a ouvert sa boutique d'art floral à Reignac-sur-Indre il y a deux ans.

Une boutique qu'elle a ouverte accompagnée par le club Femmes de l'artisanat du Val de Loire. "Pendant les tables rondes, j’ai pu me poser en tant que femme entrepreneuse. On laisse les enfants à la maison et on se concentre sur l’entreprise. On est avec des personnes qui nous aident sur des problématiques comme les assurances, les règles de sécurité. On se crée un réseau pour ouvrir des portes essentielles.

Le sentiment de culpabilité des femmes, un frein à la création d'entreprise ? 

Sortir de sa solitude de créatrice, c’est ce qui a manqué à Lucie il y a dix ans quand elle a voulu créer son entreprise. Dans les allées du salon au domaine de Thais, en poussant son landau où son fils d'un mois et demi s'est endormi, elle discute avec les différentes créatrices.

Agent de la fonction publique,  elle hésite à se relancer dans l’aventure de l'entrepreneuriat : "Il y a pas mal d’angoisse... Un bébé, une maison en rénovation, la sécurité de l’emploi… . Les hommes se posent peut-être moins la question. Mais je ne dis pas que le problème vient des hommes. Avec mon conjoint, on partage tout à égalité. C'est juste qu'en tant que femme on se met d'office sur ces responsabilités de la sécurité du foyer", déplore-t-elle.

"Quand on devient maman, il y a une part de culpabilité qui fait qu’on hésite à prendre le risque quitte à être malheureuse dans son travail. J’adore mon métier d'animatrice jeunesse mais j’ai fait le tour et j’ai envie de m’investir dans des projets créatifs sur le long terme", admet-elle avant de conclure que ce qui pourrait l'aider à se lancer c'est un accompagnement extérieur. "Il faudrait quelqu'un qui me dirait 'il n'y a pas de problème, vas-y !'"

Il faut leur répéter inlassablement qu'elles sont légitimes

Géraldine Ferteux, présidente du Club Femmes de l'artisanat Centre-Val de Loire

France 3 Centre-Val de Loire

C'est le message que veut transmettre le Club Femmes de l'artisanat à ces femmes créatrices qui doutent de la viabilité de leur projet et qui craignent de mettre en péril leur foyer. "Il faut leur répéter inlassablement qu'elles sont légitimes", explique Géraldine Ferteux, présidente du Club des femmes de l'artisanat. "Le manque de confiance en soi est leur pire ennemi. Je leur dis que si vous avez envie de créer votre entreprise, allez-y. Votre mari et vos enfants suivront. Montrez-vous ! Exprimez-vous !", martèle la présidente du club. 

Beaucoup de femmes sont très créatives mais n’osent pas se lancer parce qu’elles ne se sentent pas légitimes et se dévalorisent

Doriane Lach, maroquinière

France 3 Centre-Val de Loire

À 34 ans, Doriane Lach a franchi le cap. Elle vient de créer sa microentreprise de maroquinerie. Bijoux et accessoires en chute de cuir sont sa spécialité. "Il faut que les femmes prennent confiance. Comme elles ne sont pas valorisées dès l’enfance, c’est important qu’elles prennent conscience qu'elles sont capables. Beaucoup de femmes sont très créatives mais n’osent pas se lancer parce qu’elles ne se sentent pas légitimes et se dévalorisent", constate la jeune femme. "Des événements comme celui-ci montrent que des femmes créent leur entreprise et que ça marche. C'est en valorisant leur travail qu'on encouragera les autres à se lancer".

Clémence Coppé, Caroline Rabelle et Christine Carraro ont créé leur entreprise de tapisserie d’ameublement, l’Académie du siège et de l’aiguille, en 2010 à Saint-Avertin puis un centre de formation en 2021 pour transmettre leur savoir-faire. Clémence Coppé, maître artisan d’art en tapisserie d’ameublement, a reçu le trophée du club Femmes de l'artisanat en 2022.

Pour elle, ce trophée représente une victoire dans un long combat pour prouver sa légitimité à exercer ce métier : "C’est un métier très fermé au départ réservé aux hommes. Il s’est peu à peu féminisé mais c’est toujours très compliqué d’être accepté. Il y a beaucoup de préjugés. Les hommes pensaient qu’on n'avait pas assez de force, qu’on ne pouvait pas porter les meubles, que c’était un métier physique", raconte-t-elle.

"Notre métier qui demande des années de formation, on l’aime, on le fait avec soin. Mais quand on est des jeunes de femmes de moins de trente ans, les clients plus âgés nous font peu confiance. Ce genre de salon permet de montrer que les femmes sont au même niveau que les hommes dans les métiers d’art sur la compétence physique et théorique. On est là pour montrer qu’on est compétentes," assène-t-elle.

Pour Odile Menotti, peintre sur porcelaine à Tours depuis 38 ans, il est essentiel que la nouvelle génération de femmes continue le combat. À 71 ans, elle a longtemps souffert du manque de reconnaissance.

"On a longtemps été ignorée, toujours posée au second plan. Là, je trouve que c’est chouette que les femmes organisent quelque chose pour elles. C’est parfait", se réjouit-elle. Elle poursuit sur le ton de la confidence : "Vous savez, mon mari avait un poste important donc je le suivais dans les cocktails. Je n’étais rien jusqu’au jour où je me suis dit mais ça va pas du tout cette histoire. Et j’ai mis les pieds dans le plat. J’ai expliqué ce que je faisais, comment je travaillais et ça a marché. Il faut assumer ce que l’on est auprès de tout le monde."

 

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