Candice Menant-Fernandez, entrepreneuse de 28 ans, a créé une savonnerie à Tours avec la particularité d'être écoféministe. Comment une entreprise peut-elle être à la fois écologique et féministe ? La jeune femme originaire du Loir-et-Cher et diplômée de Sciences Politiques explique comment elle souhaite, via sa savonnerie, mettre en lumière le travail des entrepreneuses locales et aider les femmes en difficulté.
C'est dans son appartement près du Lac de la Bergeonnerie à Tours que Candice Menant-Fernandez a installé son petit laboratoire pour fabriquer ses savons. Dans une armoire près de son bureau des dizaines de moules et des ustensiles de pâtisserie, dans une autre armoire un stock impressionnant de savons de toutes les couleurs. 900 au total. "C'est la première fois que j'ai autant de stock. Il m'en fallait avant les marchés de Noël mais sinon dès que j'en produis ils sont vendus".
Une savonnerie écoféministe, c'est quoi ?
Ces savons ont une particularité. Ils sont bio, fabriqués avec des matières premières locales, sans emballage et portent des messages féministes."On ne naît pas femme", "sororité", "douchée et déterminée", "My body, my choice".
C'est donc tout naturellement que la jeune entrepreneuse a revendiqué le fait d'avoir créé une savonnerie écoféministe. L'écoféminisme considère que la violence qui s'exerce sur les femmes (exploitation économique, violences sexuelles et sexistes...) comme celle qui est opérée sur le vivant ( exploitation des ressources, destruction des terres etc...) est une seule est même oppression. "Être écoféministe, c'est plus que le fait d'être écologiste et féministe. Et moi, j'ai ces deux valeurs ancrées en moi. Je suis militante écologiste depuis longtemps et féministe parce que c'est essentiel pour les femmes de ma génération. "
À travers ses savons et leur commercialisation, c'est le réseau entre entrepreneuses locales et entre savonnières de Touraine que Candice Menant-Fernadez souhaite développer tout en aidant les associations pour les femmes en difficulté.
"En Indre-et-Loire, il y a 14 savonnières enregistrées à la Chambre des métiers. C'est énorme ! Alors l'idée a été de créer un réseau d'entraide entre nous. Je les ai convaincues par exemple de passer des commandes ensemble. Ce qui permet de réduire le bilan carbone et les frais de livraison. Et maintenant quand on a une galère, on s'appelle."
Une sororité entre entrepreneuses que la jeune femme estime essentielle pour rendre plus visible les projets de chacune. "Quand j'ai intégré l'association Touraine Women, je me suis rendu compte qu'on était très nombreuses et totalement invisibles. On est plus de 150 dans l'association juste à Tours, que des nanas qui ont des super projets qui ont du sens."
Pour elle, comme ce sont des projets qui génèrent peu d'emplois et peu de chiffre d'affaires, ils sont moins médiatisés : "On parle moins d'une femme qui crée une micro-crèche que d'un homme qui ouvre de nombreuses boulangeries dans la région. Pourtant quand on ouvre une micro-crèche avec des places réservées pour des femmes qui n'ont pas le droit à des places en crèche parce qu'elles sont au chômage et donc ne peuvent pas trouver parce qu'elles ont un enfant à garder, on a un vrai impact. Et pourtant ce genre de projet est invisibilisé. "
La jeune entrepreneuse met en avant les projets d'autres femmes du territoire notamment sur son compte Instagram.
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Une part de son chiffre d'affaires revient à des associations pour des femmes en difficulté
En plus du réseau de femmes entrepreneuses, le projet de Candice Ménant-Fernadez a une visée solidaire. En effet, elle reverse 30 % de son chiffre d'affaires à des associations qui viennent en aide aux femmes en difficulté. "Je l'ai fait pour Octobre rose avec la Ligue contre le cancer et vais recommencer lors du marché de Noël d'Orléans début décembre pour une association de femmes malvoyantes".
Au départ, elle souhaitait utiliser sa savonnerie pour créer un chantier d'insertion professionnelle. "C'était évident pour moi. Un bon moyen d'aider des femmes dans leur retour à l'emploi." Mais elle s'est vite rendu compte que l'Etat qui finance ces emplois ne créerait pas de nouvelles places ni en 2024 ni en 2025. Et que pour les années suivantes, il n'y avait aucune visibilité. "J'ai accusé le coup au départ et puis je me suis dit que je pouvais aider les femmes autrement avec ce que je sais faire : des savons". Alors elle souhaite à chaque marché de Noël auquel elle va participer au mois de décembre mettre en place un système de savon suspendu. "Une personne achète un savon et si elle accepte de payer un peu plus cher, un autre sera donné à une femme qui n'a pas les moyens de se payer un savon bio et local".
Un projet récompensé par la Fondation de France
Le projet de Candice Menant-Fernandez a été récompensé par la Fondation de France via la bourse Déclic Jeune au mois de septembre. Ce prix a été est attribué à 26 jeunes de 18 à 30 ans pour récompenser l'engagement, l'innovation et la créativité dans tous les domaines de l'intérêt général. Depuis sa création en 1975, il a permis à plus d'un millier de jeunes de concrétiser leur projet. Dans le cas de Candice Menant-Fernandez, cette bourse de 8 000 euros va lui permettre d'acheter de la matière première et de développer des nouveaux produits. "La savonnerie nécessite un gros fonds de roulement. On achète 1 000 euros de matière première qu'on va vendre dans six mois. Et pour développer de nouvelles formules, il faut les faire valider par un cabinet de chimiste indépendant. Chaque recette coûte 500 euros. Je vais aussi pouvoir acheter du matériel pour produire plus de savons." Quant au local, elle espère pouvoir partager un laboratoire avec d'autres savonnières du département.
En parallèle du soutien financier, Candice Menant-Fernandes bénéficiera d'un accompagnement sur la durée avec l'accès à un réseau de professionnels et d'un soutien méthodologique, notamment par l'Institut de l'Engagement et Live for Good.
Pour le moment la jeune entrepreneuse vend ses savons sur les marchés, à des entreprises qui recherchent des goodies engagés mais aussi au Parlement européen qui lui a commandé 250 savons personnalisés pour la lutte contre la fraude fiscale. Il faut dire que c'est un milieu que Candice Menant-Fernandez connaît bien puisqu'après avoir travaillé pour une ONG en Bolivie, elle a été assistante au Parlement européen spécialisée dans le commerce équitable et l'agriculture biologique.
Pour collecter des fonds supplémentaires nécessaires au développement de son entreprise, la jeune femme a lancé un financement participatif sur ULULE. Ce mardi 7 novembre, elle avait atteint 80 % de ses objectifs en une semaine.