Procès de Châteauroux : "Il m'a réveillé à coup de tartes à la gueule", deux anciens enfants placés par l'ASE du Nord racontent les violences

Après les dénégations de Julien M., tête de pont du réseau de familles accueil sans agrément, et de ses parents, le tribunal de Châteauroux a donné la parole à deux jeunes hommes, partie civile. Anciens enfants placés entre 2016 et 2017, ils racontent des insultes, du racisme, des baffes et des étranglements.

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Cette fois, les violences sont racontées par les victimes. Elles ne sont plus rapportées par des avocats, et niées par des prévenus. Deux jeunes hommes, parties civiles, sont passés à la barre du tribunal correctionnel de Châteauroux, ce mercredi 16 octobre. Ils ont pu exposer ce qu’ils auraient subi au sein de l’association chapotée par Julien M. et Bruno C., entre l’Indre, la Creuse et la Haute-Vienne, en 2016 et 2017.

Au troisième jour du procès du réseau de familles d’accueil sans agrément, Dylan s’avance. De tous les anciens enfants placés chez Julien M. par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord, dont une grosse dizaine est présente à l'audience, il est le premier à s’exprimer devant le tribunal. Pour l’occasion, les principaux prévenus ont quitté leur banc, à seulement un mètre de la barre, relégués loin de ce jeune homme qui les accuse.

En l’occurrence, de violences, déjà largement abordées pendant les deux premiers jours de débats. "Des étranglements, des baffes, des insultes, des moqueries, du rabaissement", liste le jeune homme.

Menace avec une fourche et étranglement

Il assure avoir été victime de comportements plus que problématiques de la part de Julien M., et de ses parents Antoine et Colette. À l’époque, jeune adolescent, il loge chez les parents :

On épluchait des patates, j’ai mis une pichenette à un camarade, pour s’amuser. Colette a crié. Antoine est venu pour défendre sa femme. […] Il m’a chopé, m’a mis au sol, une fourche sous le nez. Antoine est arrivé pour défendre son père et sa mère. Il me chope par le cou et me met dans un tunnel jusqu’à ce que je sois bleu.

Dylan

"J’ai limite mangé un KO, ajoute-t-il. J’ai posé un genou à terre, je n’avais plus de force dans les bras. J’ai attendu qu’il arrête."

Il se dit aussi témoin de "coups de poing" de la part de Julien et Antoine M. sur d’autres jeunes. "Pas dans la tête, mais dans le corps, là où ça ne se voit pas." Des "recadrages", des punitions, comme le suggérait Julien M. lors de son audition la veille ? "Non, de la violence gratuite."

"Des coups pour rien"

Ce que confirme Jean Keandy. Qui avait 12 ans à son premier séjour dans la structure. "C’étaient des coups pour rien, affirme-t-il. Et même, personne n’a le droit de taper des gens. Des mineurs, qui n’ont pas de parents."

Lui-même se souvient de divers épisodes. Il rapporte des insultes racistes de la part de Colette, confirmée par Dylan : "J'avais 14 ans, mais je comprenais bien ce que ça voulait dire." Il raconte avoir été contraint de travailler, à "faire du ciment, du jardinage, creuser des tranchées, casser des murs", sous couvert de menaces diverses. "J’étais petit, un adulte me dit de faire ça, faire ça, faire ça, je ne pouvais rien dire."

Lassé de cet univers, il fugue, avec plusieurs camarades. Il marche "20 kilomètres la nuit" pour prendre le train jusqu’à la gare d’Austerlitz, à Paris. Il y est intercepté par les forces de l’ordre. "Je leur ai dit de ne pas me renvoyer là-bas, ils n’ont rien voulu savoir." Il finit par retourner d’où il vient. Le lendemain matin, "Antoine m’a réveillé à coup de tartes à la gueule, on est allés travailler à 5h du matin".

Autant de faits de violences que Julien, Antoine et Colette M. ont patiemment nié lors de leurs auditions. Reconnaissant, tout au plus, des "recadrages" et des "gifles". "S’il n'a pas assumé, c’est du cinéma", souffle Jean Keandy.

"Aucun amour, aucune affection"

Les deux jeunes hommes critiquent aussi ardemment le terme de "recadrage". Tant sur l’euphémisme qu’il représenterait, mais aussi sur le sens même du mot :

Plus tard, je suis parti dans un centre de formation militaire. On avait des recadrages, sans violence. Des punitions, mais qui font avancer. [Chez Julien M.], c’était des violences gratuites. Ce n’est pas un cadre.

Dylan

Il ajoute : "J’avais 14 ans, on n’allait pas à l’école, je travaillais. J’ai eu 18 ans, je n’avais pas de diplôme, pas de logement, pas de famille, rien." "Pour cadrer, il faut envoyer à l’école. Rien n’était fait pour cadrer", confirme Jean Keandy.

Les avocats les interrogent sur leur sentiment vis-à-vis de cette famille. Y avait-il, malgré tout, de l’affection ? "Aucun amour, aucune affection", assure Dylan.

Il n’y avait même pas l’envie de s’occuper des jeunes, d’être passionnés. De dire : "Ce jeune-là, il n’a pas eu de chance, je vais lui donner une seconde chance." Non.

Dylan

De cette période, pourtant achevée depuis environ sept ans, ils gardent encore les stigmates. "J’y pense tous les jours, et je ne pense pas que ça s’arrêtera", explique Jean Keandy. Dylan, lui, assure être devenu "très nerveux, je peux m’emporter très vite, alors qu’avant, j’étais plutôt discret. Je faisais le pitre, j’étais hyperactif, mais ce n’était pas pareil".

Les deux ont, depuis, tenté de sortir la tête de l’eau. Dylan, après être parti dans un squat à l’âge de 17 ans, est désormais diplômé, formé, en couple. "Pas grâce à l'ASE, c'est moi qui ai cherché des formations." Jean Keandy a un travail en intérim.

D’autres parties civiles doivent s’exprimer à la barre du tribunal correctionnel de Châteauroux ce jeudi 17 octobre. La fin de journée de ce mercredi est dédiée à l’audition de Bruno C., présenté comme le bras droit de Julien M.

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