Procès de Châteauroux : "Je n’ai plus aucune empathie pour eux", au procès des fausses familles d’accueil, une prévenue traite les jeunes plaignants de menteurs

En ouverture du procès de l’affaire des jeunes placés par l’ASE du Nord, ce lundi 14 octobre à Châteauroux, est arrivée à la barre la mère d’un des principaux prévenus. A part la fraude fiscale, elle nie toute accusation de violence, et écœure les parties civiles.

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À la barre, s’avance Colette M., 72 ans. Elle est prévenue, épouse de prévenu, et mère de prévenu. Elle est à la retraite depuis 2013, clame-t-elle. Toute sa vie, elle l’a mise au service des enfants. Après des études d’éducatrice, elle travaille dans des centres qui accueillent des jeunes en difficulté. En 1979, elle commence à accueillir des jeunes chez elle, et devient famille d’accueil.

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Le début d’un parcours qui la mène, ce lundi 14 octobre, devant le tribunal correctionnel de Châteauroux. Les infractions retenues contre elles sont nombreuses. Déjà, l’accueil pendant plusieurs années de jeunes placés par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) du Nord, chez elle dans la Creuse, et ce sans agrément. Mais aussi du travail dissimulé, ainsi que de la fraude fiscale. Car, comme elle le reconnaît elle-même, pas un centime des 230 000 euros que lui aura versé l’ASE n’est déclaré au fisc.

"J’étais un peu je-m’en-foutiste"

Ce sera d’ailleurs l’un des seuls éléments qu’elle admettra à la barre, parmi tous les faits évoqués par l’affaire hors normes des enfants placés dans des familles d’accueil sans agrément par l’ASE du Nord, entre 2010 et 2017. "J’étais un peu je-m’en-foutiste", lâche-t-elle, à propos de son manque de détermination à déclarer ses revenus. Des revenus qui sont allés "aux jeunes, pour faire du cheval, des activités".

Des soupirs d’exaspération montent déjà des bancs des parties civiles. Plusieurs jeunes qui accusent, notamment, le fils de Colette M., de violences, d’humiliation, de travail forcé. Certains évoquent des insultes, parfois à caractère raciste. Son mari, lui, est accusé de violences.

Ces accusations, la prévenue les réfute catégoriquement.

Je n’ai jamais vu de violences à la maison, ni de mon mari, ni de mon fils quand il était chez moi.

Colette M., prévenue

"Ces enfants ont pourtant été victimes de violences", lui lance Me Jean Sannier, avocat de parties civiles. "C’est ce qu’ils disent !" Pour elle, ça n’allait pas bien loin. "On remontait les bretelles, une petite tape sur la tête, pour certains qui n’avaient aucune notion de quoi que ce soit dans les maisons."

"Quand on est adopté, on fait des efforts !"

Elle finit, presque, par retourner l’accusation, dans un échange vif avec les avocats des jeunes. "Ils couchaient dans la rue, ils faisaient du trafic de drogues, ils étaient complètement déstructurés." "Vous reconnaissez la détresse de ces enfants ?", lui est-il demandé. "Non, pas du tout. De la détresse, ils n’en avaient pas beaucoup. Quand on est adopté, on fait des efforts !" "Mais, ajoute l’avocate, quand vous entendez qu’un enfant né sous X, qui a été violé, agressé sexuellement, violenté… Vous n’avez aucune empathie ?" "Plus maintenant, je ne veux plus entendre parler d’adolescents." 

Elle affirme aussi ne jamais avoir assisté à une clé de bras de la part de son fils, Julien M., autour du cou de l’un des plaignants. L’évènement a pourtant été rapporté par plusieurs témoins, après que le jeune a lancé un insecte sur une camarade. Puis, la prévenue change de version. "Une clé de bras, je ne sais même pas ce que c’est. Si c’est le saisir pour le maîtriser, l’empêcher de gesticuler, alors oui j’étais là… Mais c’est tout ! Ce ne sont pas des violences, c’était le maintenir, il cassait tout hein !" 

Ces jeunes, tous des menteurs ?

En tout, une vingtaine de jeunes ont parlé de violences, notamment de la part du fils de Colette M. Qui a, lui-même, reconnu une partie des faits. Ces jeunes, tous des menteurs ? "Beaucoup, oui." Elle assure leur avoir "donné de l’amour, je leur ai donné tout ce qu’il fallait". Matthias, plaignant dont le signalement a déclenché l’enquête en 2017, s’étrangle à l’écoute de ces déclarations.

Je leur ai donné tout ce qu’il fallait.

Colette M., prévenue

Sur le simple état de fait, constaté par l’enquête, que Colette M. a accueilli des enfants à partir de 2009 sans agrément, la prévenue se défausse encore, notamment sur les services de l’ASE du Nord. À l’époque, son agrément a été retiré à la suite de la condamnation de son mari pour agression sexuelle sur mineure. Il a depuis été relaxé en appel. Elle fonde, en 2009, une nouvelle association, avec un agrément "jeunesse et sport". Soit pour des séjours de courte durée, principalement pendant les vacances scolaires.

Du moins théoriquement.  "Je les avais 10 jours, j’appelais [l’ASE du Nord] pour qu’ils viennent les récupérer, on me demandait de les garder un peu plus". Plusieurs enfants restent des mois, certains restent plus d’une année. Colette M. affirme avoir contacté les services compétents dans la Creuse, après ne pas avoir réussi à faire sa déclaration sur internet. "On me disait : "Oui oui madame, c’est bon." Et voilà. "C’est un peu juste comme déclaration, non ?", interroge le président du tribunal. "Non !"

Les parties civiles rient jaune, pour évacuer la frustration. Cet après-midi, l’audition d’Antoine M., mari de Colette, se poursuit sur des bases similaires. Il nie toute violence. "Vous vous considérez coupable d’accueil de mineurs sans agrément ?" "Je pourrais répondre oui, et je pourrais répondre non", répond-il, hésitant, à plusieurs reprises. Avant de confesser, sous l’insistance du tribunal : "Quelque part on est coupables, bien sûr qu’on est coupables." Il nie en revanche toute violence.

Pour Me Sannier, les deux époux "savent que nul ne peut les croire, car il y a trop d’éléments à charge". Mais il estime qu’ils "ne sont pas capables de s’avouer à eux-mêmes qui ils sont". Me Guedj Benayoun, elle, se dit "dépitée du manque d’empathie et de bravoure" affichée par les deux détenus, qui préfèrent "faire passer ces jeunes pour des voyous".

Le procès se poursuit jusqu’au 18 octobre, au tribunal de Châteauroux, où doit être jugée une vingtaine de prévenus.

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