Violences, humiliations, travail forcé... 19 personnes bientôt jugées à Châteauroux pour maltraitances sur des mineurs confiés par l'Aide sociale à l'enfance

Le 14 octobre s'ouvre à Châteauroux un procès hors normes : 19 personnes sont accusées d'avoir accueilli, sans agrément, des enfants confiés par l'Aide sociale à l'enfance du Nord. Certains mineurs auraient été victimes d'une série de violences, d'humiliations, et de travaux forcés.

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Comment l'Aide sociale à l'enfance du département du Nord a-t-elle pu accorder sa confiance aveugle à deux personnes, basées dans l'Indre, sans agrément d'assistants familiaux ? Et qu'est-il arrivé à la soixantaine d'enfants qui leur a été confiée entre 2010 et 2017 ?

Ces questions, le tribunal de Châteauroux tentera d'y répondre, dans un procès inédit qui se tiendra dans la capitale de l'Indre du 14 au 18 octobre. 19 personnes seront jugées lors de ces quatre jours pour, entre autres, graves maltraitances.

Agrément retiré après une condamnation pour violences sexuelles sur mineurs

Une récente enquête de la cellule investigation de Radio France raconte ce qui leur est reproché. Pendant sept ans, l'Aide sociale à l'enfance (ASE) du Nord a placé des enfants dans des familles d'accueil de l'Indre, de la Creuse et de la Haute-Vienne. En toute illégalité, puisque lesdites familles ne disposaient simplement pas d'agrément. Pour certaines, un agrément antérieur avait été retiré après des condamnations pour agressions sexuelles sur mineurs.

Au total, une soixantaine d'enfants a été envoyée par l'ASE du Nord auprès de deux têtes de réseau, basées dans l'Indre. Ces derniers accueillaient les jeunes mineurs, et en dispatchaient certains chez des proches, membres de la famille et amis. Rémunérés à l'enfant accueilli, les deux auraient touché 630 000 euros en indemnités du département du Nord, sans déclarer un seul centime au fisc.

Violences et humiliations

Bien plus grave, une vingtaine d'enfants (au moins) assurent avoir subi diverses violences, principalement de la part des deux têtes de réseau. Comme le rapporte Romane Brisard, autrice de l'enquête pour Radio France, auprès de France 3 Nouvelle-Aquitaine :

Il y a eu des violences morales et physiques. Des témoignages de coups de poing, de coups de pied. Des traces de strangulation. Des humiliations. On urinait sur certains de ces enfants, on leur mettait la tête dans les WC.

Romane Brisard, journaliste

France 3 Nouvelle-Aquitaine

Certains enfants auraient également été victimes de surdosages volontaires de médicaments, notamment des anxiolytiques, neuroleptiques et autres antidépresseurs, pour les calmer chimiquement. Selon l'enquête, ces produits ont été acquis avec la complicité de médecins n'ayant jamais examiné les enfants.

Enfin, certains mineurs ont aussi été amenés à réaliser des travaux "qu'on peut qualifier de forcés", explique Romane Brisard. Plusieurs ont ainsi été "utilisés pour rénover la maison d'une des personnes de ce groupe de familles d'accueil illégal", maison située dans l'Indre.

Quelle responsabilité de l'ASE ?

Si plusieurs victimes, depuis devenues majeures, se félicitent de la tenue d'un procès qu'elles attendent de pied ferme, elles notent aussi un grand absent. Car l'ASE du Nord ne sera pas sur le banc des accusés. Tout en étant, pour beaucoup, responsable. "Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Rien, s'exclame Me Jean Sannier, avocat d'une partie civile, auprès de France 3 Hauts-de-FranceIls n'ont vérifié ni l'agrément, ni même le casier judiciaire [...]. Ils ne se sont pas inquiétés non plus des conditions dans lesquelles les enfants étaient accueillis, et ils ne les ont pas crus quand ils rapportaient les violences".

Car, selon l'enquête, plusieurs signalements ont été faits auprès de l'ASE du Nord, sans résultat. Du côté du département de l'Indre, c'est la stupéfaction. "Quand les gens veulent passer sous les radars, ils passent sous les radars", lance Françoise de Gouville, directrice de la prévention et du développement social du département. Elle s'étonne que ses collègues du Nord n'aient pas passé un coup de fil à ses services, pour s'assurer que tout était en règle. "On aurait tout de suite pu leur dire que ces gens-là n'étaient pas agréés."

Elle déplore "un dysfonctionnement", qui ne "doit pas jeter l'opprobre sur l'ensemble du fonctionnement de l'ASE" :

Ça ne pourrait pas arriver chez nous. Je suis moi-même informée de ces situations quand il y en a, et je peux prendre mes responsabilités. Certains départements sont trop gros pour avoir le type d'organisation qui permet, par la proximité, de savoir ce qu'il se passe.

Françoise de Gouville, directrice de la prévention et du développement social de l'Indre

D'autant que, selon elle, certains des plus gros départements rencontrent de grandes difficultés à trouver des familles d'accueil. Dans le Nord (2,6 millions d'habitants, le plus peuplé de France), 700 places d'accueil ont d'ailleurs fermé entre 2015 et 2018. "Certains cherchent donc dans d'autres départements, et d'autres peuvent ne pas avoir envie que les moyens créés chez soi soient utilisés par d'autres ASE", estime Françoise de Gouville. Ce qui pourrait expliquer l'imprudence de l'ASE du Nord. "Dans ces cas-là, on se dit qu'il vaut mieux ne pas appeler les collègues, si c'est pour essuyer un refus."

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