Une enquête de la cellule investigation de Radio France révèle ce vendredi 27 septembre des actes de maltraitance commis sur des mineurs placés notamment dans des familles de Haute-Vienne et de Creuse entre 2010 et 2017. Un procès doit se tenir à Châteauroux entre le 14 et le 18 octobre prochain.
Dans une enquête glaçante, la cellule investigation de Radio France révèle que des actes de maltraitance ont été commis sur une vingtaine d'enfants placés par l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) du Nord dans les départements de la Haute-Vienne, de la Creuse et de l'Indre entre 2010 et 2017.
Le récit relate notamment "des claques, des coups de poing, de tête, de pied, de cravache, des strangulations, des menaces au couteau ou au taser [arme électrique], ou encore la tête enfoncée dans la cuvette des toilettes" commis par deux individus qui ne disposaient d'aucun agrément pour l'accueil de mineurs.
Ces placements ont été faits en dehors de toute légalité. Les deux hommes, organisateurs de ces placements illégaux, semblent avoir été motivés par l'appât du gain. En effet, ceux-ci pouvaient espérer toucher jusqu'à 600 euros par jour et par enfant placé.
Le montant total des indemnités versées à ces familles d'accueil illégales s'élève à 630.000 euros pour une soixantaine d'enfants accueillis. Une somme jamais déclarée au fisc.
La Haute-Vienne n'était pas au courant
Ces révélations ont provoqué la stupéfaction auprès de Gulsen Yildirim, vice-présidente du Conseil départemental de la Haute-Vienne en charge de l'enfance :
Cette affaire est une vraie stupéfaction pour nous parce qu'elle est hors normes et pose de multiples questions : pourquoi le département du Nord a-t-il placé des enfants auprès de familles haut-viennoises qui n'étaient pas agréées ?
Gulsen Yildirim, vice-présidente du conseil départemental de la Haute-Vienne chargée de l'enfance
"Le Conseil départemental de la Haute-Vienne n'a aucun lien avec cette affaire puisque les familles qui ont accueilli ces enfants ne sont pas des assistants familiaux agréés par notre département, nous n'avons aucun lien avec ces familles.", poursuit l'élue.
Au moment de la délivrance de l'agrément aux familles, le département de la Haute-Vienne assure vérifier les conditions de sécurité et les conditions d'accueil du mineur dans le logement. Le passé pénal de la personne et des membres de la famille sont aussi contrôlés.
"Lorsqu'il y a un dysfonctionnement, on prononce systématiquement une suspension de l'agrément qui peut aboutir à son retrait pur et simple. Dans cette affaire, c'est le département du Nord qui avait la responsabilité de ces enfants.", commente Gulsen Yildirim.
Le département de Haute-Vienne pointe également le fait de n'avoir "pas été mis au courant de la présence de ces enfants dans ces familles inconnues pour nous. Les contrôles auraient dû être effectués par le département du Nord."
Comment voulez-vous que l'on sache qu'un enfant a été placé dans une famille en Haute-Vienne si le département du Nord n'a même pas pris contact avec nous pour savoir si la personne est bien assistante familiale ?
Gulsen Yldirim, vice-présidente du Conseil départemental de la Haute-Vienne en charge de l'enfance
L'Aide Sociale à l'Enfance sous tension
Depuis 2016, le nombre d'enfants placés par l'Aide Sociale à l'Enfance de la Haute-Vienne a augmenté de 50%. L'an dernier, ils étaient près de 1200 mineurs placés. Un service qui peine à recruter des assistants familiaux, en sous-effectif chronique. Malgré plus de 11 millions d'euros dégagés pour la protection de l'enfance, ainsi qu'une cinquantaine de places créées, ce n'est pas suffisant.
On manque de moyens humains et financiers. On manque de personnels, on n'a pas assez de familles d'accueil, qu'on appelle assistants familiaux de nos jours. Beaucoup sont partis à la retraite. Nous n'avons pas forcément les personnels pour assurer les suivis et les placements.
Caroline Mazille, secrétaire générale de la CGT du Conseil départemental de la Haute-Vienne
"Les assistantes familiales se retrouvent souvent livrées à elles-mêmes parce que le département ne leur apporte pas l'aide dont elles auraient besoin. Elles se retrouvent souvent en surcharge avec plus d'enfants qu'elles ne devraient en avoir, parfois 5 pour un agrément de trois maximums. Ce sont des personnes qui sont épuisées, qui se retrouvent en burn-out.", s'alarme Caroline Mazille.
Des assistants familiaux qui normalement doivent suivre une formation de 400 heures obligatoire avant d'exercer.
Cette affaire de maltraitance envers des mineurs sera jugée du 14 au 18 octobre devant le tribunal judiciaire de Châteauroux.