Témoignages. Maternité du Blanc : cinq ans après la fermeture, paroles de mères abandonnées

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Une forte mobilisation avait tenté d'empêcher la fermeture de la maternité.
La maternité du Blanc, 5 ans après J-P. Elme / V. Billy / D. Vandal-Morin ©France télévisions
Publié le Écrit par Jean-Philippe Elme
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Cinq ans après la fermeture de la maternité du Blanc, dans l'Indre, force est de constater que les pires craintes de ses opposants se sont réalisées. Les femmes accouchent désormais où elles peuvent, à une heure de chez elles.

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Comme un fait exprès, le jeudi 15 juin dernier, une femme est arrivée en catastrophe aux Urgences de l’hôpital du Blanc pour accoucher. Elle avait des contractions, elle a appelé le 15, un quart d’heure plus tard un petit garçon est arrivé.

Un exploit, car depuis 5 ans, sauf dans ce genre de situation, on ne naît plus au Blanc. Avant 2018, pourtant, plusieurs centaines de bébés arrivaient là chaque année et la maternité avait belle réputation. Personnel bienveillant, climat familial, préparation à l’accouchement et suivi des grossesses sérieux. Jusqu’au 5 juin 2018.

Ce jour-là, par un coup de téléphone, l’Agence Régionale de Santé informe Annick Gombert, Maire de l’époque, qu’il faudrait se passer de maternité pendant l’été, la direction de l'hôpital Châteauroux-Le Blanc n’arrive pas à recruter de personnel soignant.

Réaction immédiate de Jean-Michel Mols, le président des usagers du site hospitalier du Blanc : “Il est évident que la fermeture de la maternité est prévue, pas depuis hier ou avant-hier, elle est programmée depuis 2011.”

La fuite des patientes

Avant la fermeture, il y avait 6 sage-femmes et autant d’auxiliaires puéricultrices, les futures mamans pouvaient se rassurer, compter sur des conseils pour l’allaitement, la vie avec un nouveau-né. Aujourd’hui, il reste une sage-femme et une auxiliaire puéricultrice, tout le service repose sur leurs épaules.

Elles totalisent chacune plus de 300 heures supplémentaires. Le problème c’est le médical : Le Blanc doit faire avec une demi-journée de gynécologue-obstétricien par semaine et environ une demi-journée par mois de pédiatre. Autant dire pas grand-chose. La majorité des femmes du Blanc n’accouche pas à Châteauroux, plus des deux tiers préfèrent aller à Poitiers, Châtellerault ou encore Limoges. C’est la fuite des patientes.

De fait l'action de l'ARS Centre-Val de Loire et du centre hospitalier de Châteauroux aura eu pour principal résultat de déplacer le problème des naissances du Blanc vers la région Nouvelle Aquitaine.

"On a chassé les médecins"

L’un des responsables de service de l’hôpital du Blanc de l’époque, Gildas Youanc, parti travailler lui aussi dans le Poitou, parle d’un énorme gâchis et d’un sérieux appauvrissement de l’offre de soins pour les femmes enceintes de l’Indre. De confier : “On a chassé les médecins."

Ce qui était le prétexte à la fermeture de la maternité à l’été 2018 c’est qu’il manquait sur le planning des périodes de gynéco, obstétrique, anesthésie et pédiatrie. En fait, les contrats des médecins n’avaient pas été renouvelés, pas de contrat, pas de médecin, effectivement ça faisait des trous.

Gildas Youanc, ancien responsable de service de l'hôpital du Blanc

Katell, Kristel et Aurélie étaient dans les manifestations en 2018. Les trois mères de familles vivent au Blanc. Katell a trois filles, les deux premières sont nées au Blanc, sans problème, la petite dernière est née à Poitiers à 1 heure de route et pour éviter d’être trop loin de la maternité, des amis lui avait prêté une maison à Chauvigny, à mi-chemin.

Aurélie n’a pas eu la chance d’accoucher au Blanc, la maternité venait de fermer quand son premier enfant est arrivé. Son conjoint a dû la conduire rapidement à Châtellerault. Elle confiait : “Je ne regardais pas le compteur, mais mon conjoint a roulé à plus de 100 km/h sur des petites routes. Il était stressé par la route et il avait peur qu’il m’arrive quelque chose."

On prend des risques, c’est impensable au 21e siècle d’accoucher dans des conditions pareilles. Katell nous avait prêté des pinces à clamper au cas où, on avait aussi des serviettes et des sacs poubelles dans la voiture.

Kristel Léaud

Kristel s'en amuse aujourd’hui, mais il y a 3 ans et demi, elle ne riait pas. Après avoir eu ses deux premiers enfants au Blanc, elle avait prévu d’aller à Poitiers pour Lily la petite dernière en 2019. Elle est venue à l’unité femme-enfant du Blanc, après examen, elle avait le temps d’aller jusqu’à Poitiers. Inquiète, elle a demandé une ambulance, cette dernière devait venir de Châteauroux. Une heure de trajet. La petite Lily viendra au monde avant que l’ambulance n'arrive aux urgences du Blanc.

Des histoires comme celles-là, il y en a à peu près autant que de femmes enceintes au Blanc. Cinq ans ont passé, la convention “hôtel” n’a pas été renouvelée, elle permettait aux femmes qui n’accouchaient pas tout de suite de dormir dans un hôtel près de la maternité au lieu de refaire une heure de route pour revenir quelques heures plus tard.

Les femmes du Blanc se sentent méprisées, abandonnées, la maternité du Blanc est fermée et le désert médical avance. Près de l’hôpital, l’ancienne maison médicale est devenue un tiers-lieu, il reste quelques traces rouillées sur le mur, souvenir des plaques de médecins qui ont déserté les lieux.

Et cette stèle de 2018 symbole de la lutte des familles, “à la mémoire des territoires ruraux abandonnés par la médecine”. Comme un mauvais présage.

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