Il arrive qu'une passion vidéoludique rejoigne une vocation professionnelle. Dans l'Indre, France 3 a rencontré un futur agriculteur déjà féru, comme nombre de ses camarades, du jeu vidéo Farming Simulator 19.
Quand il n'est pas en train d'étudier au lycée agricole de Châteauroux ou juché sur un tracteur pour aider son père, éleveur de bovins à Valençay, Thomas entretient avec passion son exploitation virtuelle dans Farming Simulator 19. A 15 ans, il se prépare déjà à devenir la sixième génération d'éleveurs au sein de la ferme familiale. A l'heure du retour aux circuits courts, ce jeu fait la part belle aux champs immenses et à la conduite d'engins rutilants à travers une campagne qui rappelle davantage le Texas que le Berry.
Développée par les Suisses de Giants Software et édité par le Français Focus Home Interactive, la lucrative licence Farming Simulator (ou juste Farming, pour les intimes) est devenue une référence du jeu de simulation agricole. Alors oui, il faut dire aussi que c'est ce qu'on pourrait appeler un jeu de niche. Mais les derniers épisodes ont su séduire même le grand public. Farming Simulator 19, sorti en 2018, a cartonné à l'international avec plus de deux millions de copies vendues lors de sa première année d'exploitation.
Jeunes pousses
Dans le cas de Thomas, c'est l'un de ses copains qui lui a fait découvrir le 13e épisode, en 2012. Dès les premiers opus, le jeu génère une communauté d'aficionados agricoles, qui se donnent des conseils en ligne et réalisent des vidéos sur Youtube pour partager leur passion, dont certaines atteignent quelques centaines de milliers de vues. Avec l'arrivée des modes de jeu en ligne, qui permettent à 16 joueurs de collaborer sur une même exploitation, de nouveaux usages se mettent en place et renforcent l'envie de coopérer et de partager."Farming est assez connu au lycée agricole où je vais. On s'est vite mis à jouer ensemble. Maintenant on a chacun sa ferme, on a un serveur commun, on s'entraide à trois ou quatre. Quand je n'ai pas de batteuse par exemple, je peux demander à un pote de faire ma moisson et je lui fais un prix en échange. Ça marche comme ça !"
Le champs des possibles
Petit à petit, Thomas en est même venu à créer ses propres événements ouverts, auxquel n'importe quel joueur peut se connecter. Par exemple, il a déjà organisé ce qu'on serait tenté d'appeler une "ensilage-party". L'ensilage, c'est la fabrication d'un aliment destiné aux animaux à l'aide d'herbe ou de céréales. Il faut récolter le maïs, utiliser une machine appelée ensileuse, remplir une remorque dont le contenu finira dans un silo et enfin utiliser un tasseur pour retirer l'air et optimiser la place. "Quand le silo est bien plein, on met une bâche et on laisse fermenter : c'est de la choucroute !"Patiemment, le futur éleveur a donc préparé plusieurs champs de maïs, préparé deux ensileuses et cinq remorques avec des tracteurs, et attendu que d'autres joueurs se joignent à lui. Pour éviter que ça parte en vrille, il prend également soin de limiter le nombre de joueurs à six. "Et ça a cartonné ! On était cinq à rouler, un sixième qui tassait, et pour l'ensileuse on avait un ouvrier géré par l'ordinateur." Qui a dit que les jeux vidéo isolaient les humains ?
Le @Salondelagri c’est demain ?
— CLAAS France (@CLAASFrance) February 21, 2020
Retrouvez nos machines sur le stand de @PassionCereales, @farmingsim et de @Aprodemafr ??
? Rendez-vous au Parc des Exposition de Paris du 22 février au 01 mars. pic.twitter.com/4tUpHQF3jz
Du blé, du blé, encore du blé
De fait, le réalisme et la dimension coopérative de Farming Simulator séduit à travers le monde. En y passant quelques heures, on se rend toutefois compte que la vision de l'agriculture véhiculée par le jeu est à l'image de la plupart des jeux de gestion de l'ère du capitalisme tardif.Pour maximiser ses rentes, tout l'enjeu consiste à identifier les types de culture et d'élevage les plus rentables, à s'assurer d'un bon timing et à dégager des marges permettant d'investir dans de nouveaux bâtiments et véhicules.
Autrement dit, on n'est pas vraiment dans le retour à l'agriculture à taille humaine et dans les circuits courts, et les éventuels défis du gameplay de Farming Simulator n'ont pas grand-chose à voir avec la paupérisation galopante des petits exploitants. En futur professionnel, Thomas ne s'y trompe d'ailleurs pas : "Farming et la réalité, c'est deux choses différentes !"
Envie d'en savoir plus ?
Notre journaliste s'est rendu pendant 4 jours dans l'Indre, près de Val-Fouzon. À la suite de ce séjour, différents sujets de proximité ont été réalisés. Pour les découvrir, cliquez sur les flèches ci-dessous.La mode du modding
Comme de nombreux jeux doté d'une communauté de passionnés, Farming Simulator 19 est ouvert au modding, cette pratique consistant à ajouter des objets ou des fonctionnalités, voire à modifier en profondeur un jeu existant. Sur le site des développeurs, plus d'un millier de mods sont disponibles, parmi lesquels des modèles de véhicules réels ou fictifs, des ajustements cosmétiques de la couleur de la terre ou encore de nouveaux terrain de jeux créés de toute pièce.Si certains ajoutent au réalisme, d'autres visent à faire d'une partie une expérience plus enrichissante. Ainsi, le mod Seasons oblige le joueur à bien gérer le labour, le semis et la moisson de ses différentes récoltes en fonction de l'alternance des saisons, qui met fin à l'été constant du jeu de base. Certaines cultures nécessitent en effet d'être plantées ou récoltées à différents moments de l'année, simulés par le mod.
Ces "jeux dans le jeu" sont tous totalement gratuit, et une bonne partie est développée par le joueurs eux-mêmes, bien que les développeurs de Giants Software mettent largement la main à la pâte.