Municipales 2020: après la fermeture de la seule école de son village, le maire de Sarzay (Indre) renonce à se présenter

#Municipales2020 : nous sommes allés à la rencontre de maires de communes rurales du Centre-Val de Loire pour tirer leurs portraits dans le cadre des élections municipales à venir. Comment ces élus de proximité voient-ils leurs mandats ? Leur territoire ? 
 

"Non, je ne me sens pas prêt à quitter mes fonctions", dit-il, la voix fatiguée. Patrick  Lacou, 65 ans, est aux manettes de la petite commune de Sarzay (Indre) depuis 19 ans. "Beaucoup trop de temps, en gros" ricane-t-il. "Le travail de maire est déjà très délicat. Mais lorsqu’on vit dans une commune rurale, c’est encore plus usant. On est sollicité tout le temps", explique celui qui dit avoir toujours été maire sans étiquette.

Pour la première fois depuis deux décennies, Patrick Lacou ne se présentera pas aux élections pour le renouvellement du conseil municipal de sa commune. "Je me sens usé et je pense ne plus avoir beaucoup d’idées. Il est temps de laisser la place aux autres", lâche le sexagénaire.
 

"Je croise les doigts pour que personne ne se mette en danger"

Cet ancien prof de technologie au collège, usé par le temps et par les difficultés liées à l’exercice de sa fonction, après près de 20 ans de mandat, n’a plus l’énergie pour gérer la commune de 315 habitants. "J’ai des documents à signer tous les jours, il faut faire avancer les projets en cours et vérifier que les routes soient en bonne condition. Mais surtout, je me dois d’être constamment au courant des nouvelles circulaires", soupire-t-il.
 
C’est aussi pour cette raison, que le maire s’est senti submergé par les tâches à accomplir. Depuis une dizaine d’années, Patrick Lacou est dépassé par ce qu’il définit comme une "multiplication impressionnante des normes". Des directives qui s’empilent sans qu’il sache exactement comment les interpréter. "Si, par exemple, les autorités m’envoient une alerte pour une tempête, je suis responsable de la sécurité des habitants de ma commune. Je dois mettre en place des actions pour les protéger. Mais lesquelles ?", s’interroge le maire.

Prisonnier d’une nébuleuse de règles et prescriptions qu’il n’arrive toujours pas à identifier, Patrick Lacou redoute l'arrivée d'une grosse intempérie. Il ne se sent pas capable de gérer ces événements tout seul : "Je ne peux pas prévenir tous les habitants. Alors je croise les doigts pour que personne ne se mette en danger. J’ai des responsabilités qui dépassent mes pouvoirs", achève-t-il.


La goutte qui a fait déborder le vase

Le maire de Sarzay a passé plusieurs nuits blanches, rongé par la peur que l’un des habitants de sa commune se blesse :

C’est tout le défi d’un maire rural. Mes concitoyens réclament souvent ma présence, j’ai toujours un problème à régler que personne d’autre peut résoudre à ma place.

Mais une dernière affaire s’est révélée fatale pour son envie de poursuivre son expérience politique. Le 5 juin, après une longue phase de négociation avec la direction académique de l’Indre, l’école primaire de Sarzay a été fermée en raison du nombre insuffisant d’élèves. Patrick Lacou, qui s’était battu pour garder ouverte la seule école de son village, a du "subir une décision qu’[il a] toujours décrié". Pour rester ouvert, selon les règles de l’Académie, l’établissement scolaire aurait dû regrouper les 13 écoliers dans une classe à plusieurs niveaux.

Problème : cette opération aurait réuni, dans une même classe, des enfants allant de la maternelle au CM2. Une configuration que l’inspection académique de l’Indre n’aurait pas tolérée. "J’ai accepté que l’école ferme afin de garantir de bonnes conditions d’apprentissage aux enfants", raconte le maire, comme s’il voulait s’excuser pour les conséquences d’une décision qu’il n’a jamais vraiment digérée.
  

Sarzay, victime du depeulement des zones rurales 

Mais Patrick Lacou n’a pas toujours été imprégné de ce sentiment d’impuissance. Son mandat lui a aussi offert des satisfactions. "Mon équipe et moi avons redynamisé la vie associative de la commune et encouragé les activités sportives et récréatives", se félicite-t-il. Le foot, la marche, le comité des fêtes, autant de groupes de citoyens de Sarzay qui animent la vie de la commune.

"J’aurais aimé mettre en place davantage de projets. Mais nos caisses sont vides. Pour en réaliser, j’aurais dû endetter la ville. Je préfère laisser une commune en bon état de santé", se justifie le maire, qui a vu les difficultés financières de sa commune s’accentuer de façon inexorable en raison de la baisse des dotations de l’Etat.

"On a vécu, j’ai tout donné pour cette commune"

"Nous avons avancé sur beaucoup de dossiers. Mais on doit enregistrer une défaite sur le front du repeuplement de Sarzay" retrace Patrick Lacou. Dans l’espace d’un siècle, la petite commune a vu sa population se diviser par deux : 726 habitants en 1901, 315 aujourd’hui. "Les jeunes préfèrent s’installer dans les villes moyennes où ils trouvent plus d’opportunités de travail. Sarzay n’est pas un centre attractif pour eux", analyse le maire dont la commune se situe à 35 kilomètres de Châteauroux.

A moins d’un an des prochaines élections municipales, Patrick Lacou a décidé de jeter l’éponge et de profiter, enfin, de sa retraite. Malgré les nombreuses difficultés auxquelles il a été confronté pendant les 19 dernières années, la déception et l’épuisement n’ont pas écrasé les bons souvenirs : "On a vécu, j’ai tout donné pour cette commune."
 
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