De plus en plus d'influenceurs sortent du silence pour évoquer des sujets politiques avec leurs communautés. Les manifestations contre la réforme des retraites et le 49.3 semblent avoir accéléré le mouvement.
Auparavant peu enclin à communiquer sur des sujets politiques, les influenceurs commencent à passer le pas, notamment contre la réforme des retraites du gouvernement d'Emmanuel Macron. Ainsi, Léna Situations, Seb la Frite ou encore Freddy Gladieux ont tous posté des messages concernant cette réforme des retraites, s'opposant parfois frontalement au projet de loi.
Le 49.3 "a été la goutte d'eau"
Pour Nota Bene, créateur de contenu tourangeau aux 2,2 millions d'abonnés sur Youtube, il lui semble naturel et normal de manifester son mécontentement à titre personnel. "La manière de faire du gouvernement, et d'amener les choses, ne sont pas les bonnes, on ne peut pas laisser passer ça", déclare t-il.
À titre professionnel néanmoins, il explique qu'il n'avait pas prévu de s'engager à ce point sur les réseaux sociaux : "J'avais un peu "ralouillé" tout au long du processus mais ces derniers jours [après l'usage du 49.3, NdR] ont été critiques et ça été la goutte d'eau", assure le youtubeur.
"Ça peut froisser certaines personnes qui pensent que les influenceurs ne devraient pas prendre position. Moi je pense que les influenceurs, dans leur majorité sont aussi des citoyens qui peuvent s'engager"
Nota Bene
Le risque de ces prises de positions politiques est de se confronter à son audience. Plus celle-ci est importante, plus les influenceurs ont tendance à rester prudents. Ce qui n'empêche pas les critiques.
Des critiques qui visent souvent le métier d'influenceur, que certains ne voient pas comme une activité professionnelle sérieuse. Nota Bene se défend : " Être youtubeur ou influenceur c'est un vrai métier, je suis chef d'entreprise et 12 salariés, j'ai entre 25 et 40 auteurs qui travaillent pour moi à l'année avec moi donc c'est toute une économie", assure t-il.
Eviter le conflit avec sa communauté
"Il peut toujours y avoir ce calcul de se demander : est ce que du point de vue communication c'est une bonne chose ou pas ?", reconnaît-il. Pourtant, selon lui, le mouvement de contestation des influenceurs est loin d'être nouveau : "L'engagement des influenceurs ne date pas d'aujourd'hui, j'ai pu assister à plusieurs mouvements. La loi travail en 2016 par exemple. On voit aussi régulièrement certains prendre position sur les violences policières et c'est mon cas".
Pour Stéphanie Lukasik, enseignante chercheuse à l'université du Luxembourg, ce phénomène de sortie du silence des influenceurs face aux sujets politiques est tout de même plutôt nouveau. "Auparavant les influenceurs essayaient de tenir une neutralité vis à vis de l'actualité politique", déclare t-elle. Dans un second temps, les "influenceurs ont pris le pouls de leur communautés respectives et ont pris la décision de sortir du silence".
Une prise de risque relative
Une prise de risque assez modérées tout de même étant donnée que la majorité de leurs communautés sont contre ce projet de réforme des retraites. Dans un autre contexte, lors des élections présidentielles de 2022, les youtubeurs McFly et Carlito avaient fait une vidéo avec le candidat sortant Emmanuel Macron qui "avait plutôt était mal accueillie par leur communauté et les usagers en général", affirme l'enseignante-chercheuse.
Pour les grands influenceurs, c'est le plus souvent dû à une veille très efficace de leurs communautés et de leurs intérêts
Stéphanie Lukasik
Concernant les influenceurs qui ne présentent pas leurs convictions politiques, c'est toujours une question de prises de risques par rapport à leur audience, à leur communauté. "Certains préfèrent maintenir un certain silence de peur de perdre des abonnés", poursuit la spécialiste, avant de rappeler le modèle économique actuel de l'influence en France. "L'influence se divise en deux temps : d'abord l'influenceur créé du contenu puis un deuxième temps où les usagers interagissent autour du contenu qui créent de la visibilité autour d'autres usagers."
Mais avec le projet de loi adopté le 30 mars à l'Assemblée nationale, ce modèle économique pourrait être amené à évoluer.