L'Institut national de recherche pour l'agriculture est mobilisé sur une mission conséquente pour trouver, en trois ans, des solutions à la crise de la betterave.
Au printemps dernier, un petit invité indésirable à commencer à semer la panique chez les cultivateurs. Dopé par l'interdiction des néonicotinoïdes (mais pas que), le puceron vert s'est massivement attaqué à la betterave, lui transmettant une jaunisse dévastatrice. La production betteravière pèse, en région Centre-Val de Loire 1730 exploitations réparties entre le Loiret, l'Eure-et-Loir et le Loir-et-Cher.
En 1988, en Centre-Val De Loire, en raison de l’invasion de ces pucerons, 25 % de la production de betterave sucrière avait été perdue. Cette année, les producteurs anticipaient entre 40 et 50% de pertes, avec 80% de la production touchée par le virus. Celui-ci altère la couleur de la plante, mais pas seulement : il empêche la croissance de la feuille et de la racine. Trop petites, les betteraves ne peuvent alors pas être récoltées. Pour soulager les cultivateurs, le gouvernement est parvenu à faire voter une dérogation réservée à la filière betteravière. Ils pourront encore utiliser pour trois ans des néonicotinoïdes, pesticides interdits depuis 2018 notamment car ils perturbent les insectes pollinisateurs.
Néonicotinoïdes : le revirement du gouvernement sur l'interdiction de l'insecticide "tueur d'abeilles" en 6 acteshttps://t.co/xk0G4qTzlj pic.twitter.com/TyAzPbWeKz
— franceinfo (@franceinfo) September 3, 2020
"L'objectif est d'aller très vite" : l'INRAE sur le pied de guerre
En plus de cette mesure temporaire et palliative, le gouvernement a également chargé l'INRAE (l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) de trouver des solutions durables contre la jaunisse de la betterave. "On est sur une obligation de recherche très appliquée, alors que notre objectif porte plutôt sur un fonds de connaissance. On a créé un dispositif très original, donc l'objectif est d'aller très vite" détaille Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l'INRAE. L'organisme fera équipe pour cette mission avec l'Institut technique de la betterave et les entreprises du secteur.
"Chercher un pesticide qui fait la même chose que les néonicotinoïdes, il ne faut pas y compter, balaie directement Christian Huygue. Parce qu'il aurait les mêmes inconvénients, la biodiversité des milieux agricoles resterait toujours aussi pauvre. Ce que cette crise met en avant, c'est le fait que la capacité qu'ont les milieux à réguler les insectes est devenue trop faible, et c'est lié à l'évolution des paysages agricoles et des pratiques."
Oeillets et coccinnelles : le très important rôle de la biodiversité
L'INRAE veut explorer quatre pistes bien distinctes.
- D'abord, et tout de même, le développement d'un produit de bio-contrôle contre le puceron, "mais il ne faut pas se faire trop d'illusions sur sa capacité à réguler des attaques massives."
- Deuxième piste de travail : l'interaction entre la plante et le virus de la jaunisse. "Le virus arrive à s'implanter dans le végétal car il détourne une voie métabolique à son bénéfice. Il y a des substances qui empêchent cela, maintenant,il convient de tester notre capacité à les utiliser à grande échelle."
- Troisième option : la recherche, parmi les betteraves non-commercialisées, d'une variété plus résistante qui serait ensuite privilégiée dans les cultures. "On est face à 4 virus différents, on peut trouver des résistances à un ou plusieurs de ces virus. On ne fait pas de variété transgénique, je sais que ça fait très peur" précise Christian Huygue.
- "Le dernier levier, c'est : comment on fait pour réguler la présence du puceron aux alentours de la parcelle ?" Semer près de la betterave une culture répulsive pour le puceron, comme les oeillets d'Inde, pourrait être une solution viable. "Le puceron vert ne supporte pas leur odeur, donc il va voir ailleurs". Autre solution plus originale : favoriser le développement des pucerons sur des plantations à proximité et bien en amont des cultures, pour encourager aussi la prolifération de leurs ennemis mortels, les coccinelles, qui seront déjà en place pour protéger la betterave.
Pour mener l'ensemble de ces recherches et généraliser ces processus, le calendrier est déjà scellé : l'INRAE et l'Institut technique de la betterave auront le temps du sursis accordé à la filière, soit 3 ans. "Le seul point d'interrogation qu'on va avoir, c'est : aura -t-on assez de surfaces consacrées au développement des auxiliaires ? [les coccinelles et autres espèces utiles au jardinier, ndlr]. Si on reste dans un paysage où la chimie est trop abondante, cela pourrait ralentir le développement des régulateurs sous trois ans" craint le directeur scientifique.