La grâce totale accordée à Jacqueline Sauvage a été vivement critiquée par une partie de la magistrature. L'union syndicale des magistrats estime que la décision du président piétine l'indépendance de la justice. D'autres, en revanche, disent respecter cette grâce, prévue par la Constitution.
La grâce totale accordée mercredi par François Hollande à Jacqueline Sauvage est vivement critiquée par une partie de la magistrature.L'union syndicale des magistrats, par la voix de sa secrétaire générale, Céline Parisot, a ainsi estimé que c'était un geste "très hypocrite". Le syndicat a le sentiment que cette grâce présidentielle "piétine allègrement" la promesse de François Hollande de respecter l'indépendance de la justice dans ce dossier.
"En accordant une grâce partielle (le 31 janvier), François Hollande avait mis en avant le respect des décisions de justice et l'indépendance des magistrats. Et quelques mois plus tard, on piétine allègrement ce que l'on avait dit", a estimé Céline Parisot, secrétaire générale de l'USM.
"Ce qu'il y avait comme message dans cette grâce partielle, c'était qu'il fallait libérer Mme Sauvage. Mais la justice est indépendante et elle ne l'a pas fait, alors le président la remet dehors. C'est très hypocrite", a-t-elle déploré.
Et Céline Parisot de rappeler que Jacqueline Sauvage a "été condamnée au nom du peuple et par le peuple français. Soit il y a une justice indépendante, soit on estime qu'on peut défaire les décisions de justice à son gré."
La grâce présidentielle est une survivance du droit divin de l'Ancien Régime, qui n'a plus de sens aujourd'hui. Mais personne ne s'offusquait quand on l'utilisait pour gracier des condamnés à mort ou des détenus malades (C. Taron, syndicat de la magistrature)
L'avis d'un autre syndicat
Le Syndicat de la magistrature, orienté à gauche, a lui refusé mercredi de "crier avec les loups"."La grâce présidentielle est une survivance du droit divin de l'Ancien Régime, qui n'a plus de sens aujourd'hui. Mais personne ne s'offusquait quand on l'utilisait pour gracier des condamnés à mort ou des détenus malades", a souligné Clarisse Taron, présidente du syndicat.
Pour elle, "cela n'a pas beaucoup de sens de mettre en regard" la grâce présidentielle, parfaitement arbitraire, et des décisions de justice motivées. "Que le parquet ne soit pas indépendant en France, c'est plus inquiétant pour l'institution judiciaire que l'émotion autour d'un cas particulier", a estimé Mme Taron.
Réactions en Centre-Val de Loire
En région Centre-Val de Loire, des avis divergeants se sont également exprimés. Notamment dans un reportage que nous avons diffusé jeudi 29 décembre dans lequel nous avons sollicité le point de vue de l'USM à Orléans et celui du procureur de Blois, Frédéric Chevallier, avocat général au second procès de Jacqueline Sauvage. Il avait requis en appel la même peine que celle prononcée en première instance : 10 ans de prison. Et avait été suivi par les jurés.
"Je ne suis pas certain que nous autres magistrats on ait à commenter une décision prise par le président de la République, a-t-il estimé hier à notre micro. C'est un droit, le droit de grâce lui est reconnu par la constitution."
De son côté, Alain Leroux, délégué régional de l'union syndicale des magistrats, a rappelé le sentiment de son syndicat et expliqué que "on est une autorité judiciaire qui peut être remise en cause par le pouvoir exécutif". Pour lui, "il faudrait peut-être s'interroger pour notre démocratie, pour notre société, pour notre justice du XXIème siècle, si nous ne devrions pas passer à un véritable pouvoir judiciaire."
De son côté, le sénateur du Loiret, Jean-Pierre Sueur, également rapporteur des lois au Sénat, a exprimé un point de vue allant dans le sens du choix du président de la République.
Interrogé sur l'opportunité d'envisager une suppression de la grâce présidentielle dans la constitition, il a expliqué s'être beaucoup interrogé sur cette question et être arrivé à la conclusion qu'"il est bon qu'existe cet ultime recours, cette possibilité d'un geste humain, d'un acte humain, par humanité, de la part d'un homme qui est le président de la République".
Frédéric Chevallier conclut et rappelle que cette grâce accordée à Jacqueline Sauvage "ne porte que sur l'exécution de la peine" et qu'elle reste définitivement condamnée à 10 ans de réclusion criminelle "pour avoir volontairement donné à la mort à son mari".