L'agriculture biologique est-elle la seule à pouvoir "nourrir le monde", comme l'affirme un député européen ?

L'agriculture bio peut nourrir le monde, mais à condition de réduire la consommation de viande et de redessiner les assolements et échanges commerciaux. Eléments de réponse avec des acteurs du territoire du Centre-Val de Loire.

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"Seule l'agriculture biologique peut nourrir le monde." Dimanche 25 juin, cette affirmation de notre invité de Dimanche en politique, l'eurodéputé écologiste Claude Gruffat, a déclenché de fortes réactions sur nos réseaux sociaux. L'occasion de faire le point sur les enjeux de l'agriculture biologique, notamment en Centre-Val de Loire.  

C'est un des arguments les plus utilisées pour perpétuer l'agriculture conventionnelle : un système 100% bio ne permettrait pas d'assurer l'alimentation de la population mondiale. Pour Maxime Buizard, administrateur national du syndicat Jeunes Agriculteurs, impossible de faire sans l'agriculture conventionnelle et ses rendements. "On est bientôt neuf milliards. On n’arrivera pas à nourrir l'ensemble des Français et de la planète avec des techniques qui ont 150 ans", a-t-il déclaré sur notre plateau.  

De son côté Olivier Chaloche, producteur céréalier dans le Loiret et administrateur de la Fédération nationale d'agriculture biologique, se défend de "tout retour en arrière". "Au contraire, aujourd'hui l'agriculture biologique et conventionnelle s'appuient tous les deux sur des techniques agronomiques. Simplement, nos systèmes agronomes en bio sont plus complexes." 

Le producteur loirétain assure qu'avec les apports scientifiques les rendements du bio sont parfois similaires à ceux du conventionnel. Excepté pour le blé pour lequel les rendements sont 30 à 40% plus bas en bio. "Mais en France, le blé est beaucoup exporté à bas prix en dehors du pays, majoritairement pour nourrir du bétail, explique Olivier Chaloche. De son côté, Maxime Buizard reconnaît bien volontiers que le bio a fait des progrès mais il défend une vision qu’il estime pragmatique. “Le modèle bio ne peut être adapté à tous les endroits”, assure l’agriculteur. 

10,7% de la surface agricole en bio en 2022 

Pourtant plusieurs rapports présentent des scénarios où une agriculture en totalité ou en majorité bio pourrait alimenter toute une population. A l’échelle nationale, l’association toulousaine Solagro prévoit dans son scénario Afterres 2050 qu’avec 45% de la surface agricole française en agriculture biologique et 45% en production dite intégrée (semis direct, couverts végétaux, faible recours aux intrants chimiques), l’ensemble de la population française pourrait être alimentée.

Aujourd’hui, l’agriculture biologique ne représente que 10,7% de la surface agricole utile (SAU) en France. Bien qu'en croissance constante, ce chiffre risque bien d’être en deçà des objectifs du gouvernement qui ambitionne d’avoir 18% de SUA en bio d’ici 2027. En Centre-Val de Loire, c’est seulement 4,9% de la SUA en bio.  

Plusieurs études se sont intéressées à la question aux échelles européennes et internationales. Comme dans le rapport d'Olivier de Schutter, alors rapporteur mondial à l'alimentation auprès de l'Organisation des Nations Unies, en 2011, la réponse est toujours la même : oui, on peut nourrir le monde avec de l’agriculture bio à condition de changer nos comportements alimentaires.  

Dans ces rapports, un point est crucial : pour avoir assez de production agricole en bio, il faut redessiner l’assolement agricole et réorienter les productions. En 2017, 71% des terres agricoles européennes étaient utilisées pour nourrir le bétail. En clair il faudrait manger moins de protéines animales (viande, œufs et produits laitiers) et plus de protéines végétales. Maxime Buizard des JA est plus que circonspect sur ce changement d’habitude à la fois chez les consommateurs – qu'il estime “pas prêts à arrêter la viande” - et dans les échanges commerciaux. Il juge que si on abandonne totalement la chimie, la production diminuera “au risque de créer une pénurie et d’affamer les pays du Sud.” 

Ces changements devront aussi être comportementaux explique Claude Gruffat qui rappelle de ne pas oublier le gaspillage et la surconsommation. Aujourd’hui, un tiers de la production est jetée à la poubelle. Parfois dès le champ. “La majorité des fruits et des légumes tordus ne sont même pas présentés au consommateur”, raconte celui qui fut président du réseau de supermarchés bio, Biocoop, pendant 15 ans. En France, les pertes et gaspillages alimentaires c'est 10 millions de tonnes de produits par an pour une estimation de 16 milliards d'euros. 

Où en est le bio aujourd'hui ?  

Autre question essentielle : les consommateurs achèteront-il du bio ? Alors que sa croissance s’écrivait à deux chiffres durant cette dernière décennie, elle a baissé en 2021 et surtout en 2022 (6% de la consommation) en France, et ça alors même que l’inflation sur les produits bio a été moindre que sur les autres produits alimentaires (4% contre 6,7%).  

S’il admet volontiers que le bio a du plomb dans l’aile à cause de la sortie du Covid et de la crise du pouvoir d’achat, l’eurodéputé Claude Gruffat met en cause une politique gouvernementale qu’il qualifie “d’anti-bio”. En 2018, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie a accepté la mise en place de labels dits “intermédiaires” comme le “Haute Valeur Environnementale” et le “Zéro résidu pesticides”. “Ça a détourné le consommateur de ce qui était vraiment la bio”, juge Claude Gruffat.  

Pour Benoît Verger, agriculteur dans le Cher et représentant les activités bio au sein d’une coopérative agricole, il faut absolument accentuer la question de la communication. “Être face à trop de labels est déstabilisant pour le consommateur et ça peut dégrader la valeur ajoutée du bio.” Pour lui, la communication autour des bienfaits du bio à la fois sur la santé et les sols doit être améliorée.

En revanche, Benoît Verger, lui, dit ne pas vouloir opposer les systèmes agricoles bio et conventionnelles (si sa filiale est 100% bio, la coopérative mère possède de nombreuses autres activités en conventionnel). “Nous avons nos places dans les rayons.” Au-delà de la question de l’image du bio, la filière a besoin d’être soutenue, défend Olivier Chaloche de la FNAB. “Côté aides publiques, le bio est le parent pauvre.  

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