Observés pour la première fois dans la région dans les années 80, les termites de Saintonge, une espèce invasive, promet de s'étendre au-delà de l'Indre-et-Loire où ils prolifèrent depuis déjà plusieurs années.
Dans la catégorie "insecte invasif", il faut bien admettre que le frelon asiatique domine la scène médiatique depuis déjà un certain nombre d'années. Graves conséquences pour la biodiversité, piqûres des plus douloureuses, bourdonnement très sonore… les effets de la colonisation de la France par le frelon asiatique sont bien visibles.
C'est peut-être parce qu'il a su bien mieux se cacher que la propagation du Reticulitermes flavipes tarde à faire les gros titres. Derrière ce joli nom se cache une espèce de termite -le termite de Saintonge- arrivée de Louisiane au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, et qui, depuis, a trouvé en France un beau garde-manger. Une invasion silencieuse, puisque l'insecte déteste la lumière, vit dans le sol, et est facilement confondu avec une simple fourmi lorsqu'il pointe ses mandibules à l'air libre.
La Touraine de plus en plus touchée
En Centre-Val de Loire, l'invasion est encore très limitée. Les premières observations datent des années 80, dans les agglomérations de Tours et de Bourges. Depuis, à part en Eure-et-Loir, le termite a été identifié dans tous les départements de la région. Que ce soit ponctuellement dans les cas du Berry, du Loir-et-Cher et du Loiret, ou plus fréquemment, en Touraine. Alors que dans les autres départements, à peine cinq communes sont touchées, 46 communes d'Indre-et-Loire sont sous surveillance de la préfecture. Contre 38 il y a encore 4 ans.
Christèle Larché a acheté sa maison à Ballan-Miré en 2019. Un an plus tard, elle observe ce qu'elle croît être des fourmis volantes dans son salon. Il s'agit là en réalité de termites en plein essaimage : quittant la colonie, des individus reproducteurs partent trouver un nouveau terrain propice, à quelques centaines de mètres. Car, dans sa maison, les termites avaient déjà atteint sa charpente, remontant au fur et à mesure depuis le sol en dévorant la laine de verre derrière le placo.
Même si leur nourriture préférée reste le bois, humide de préférence. "Les termites consomment la partie la plus tendre du bois, et garde la structure un peu plus solide", explique Marie-Pierre Dufresne, responsable du pôle santé de Fredon Centre-Val de Loire, spécialisé dans les espèces exotiques invasives :
Les termites sont cachés, donc ils ont le temps de faire leur activité, jusqu'à ce qu'on voit une poutre de charpente qui s'écroule.
Marie-Pierre Dufresne, responsable du pôle santé Fredon Centre-Val de Loire
Heureusement, la maison de Christèle Larché ne s'est pas effondrée. En deux ans, elle a dû débourser un peu plus de 3 000 euros auprès d'une entreprise spécialisée, "et on n'est toujours pas sortis d'affaire".
La faute au réchauffement climatique
Le processus est bien rodé : il faut placer des sortes de pièges dans le sol autour de la maison, dans lesquels se trouve un inhibiteur de mue. En d'autres termes, "une molécule transmise d'individu en individu et qui empêche les termites de muer, et donc il vont mourir", détaille Christophe Lucas. Le scientifique travaille à la compréhension des modes de vie du termite de Saintonge, au sein de l'Institut de la recherche sur la biologie de l'insecte (Irbi) à l'université de Tours. Il explique que l'espèce trouve dans les maisons "la chaleur, la nourriture et l'humidité" qui lui siéent.
Des conditions que le termite peut rencontrer sur une large zone de la région, notamment en Indre-et-Loire autour de la Loire et du Cher, mais aussi, demain, dans les agglomérations d'Orléans, de Bourges et de Châteauroux. D'autant plus si la température en Centre-Val de Loire augmente à cause du réchauffement climatique : à +1 degré, la zone propice s'étend au reste de la Touraine, à la Beauce, à presque toute l'Indre, et à une bonne part de l'est du Cher. C'est en tout cas la conclusion d'un article publié en 2017 dans la revue Cybergeo par plusieurs scientifiques de l'université de Tours.
Changement de politique
Le papier a ainsi pour but "d'adapter la connaissance et les outils de prévention, tels que les périmètres préfectoraux, dont les extensions doivent être actualisées régulièrement". Car les préfectures recensent les lieux d'infestation, et établissent des périmètres à risque, sur remontées faites par les communes. Sauf que certains propriétaires "ne déclarent pas toujours la présence de termites du fait des coûts que cela engendrerait par l’obligation de traitement", tandis que des mairies "craignent les répercussions négatives de telles déclarations sur l’image de leur commune", assurent les chercheurs tourangeaux.
Ainsi, les arrêtés préfectoraux ne sont pas des plus à jour, si bien que Châteauroux et Bourges sont toujours recensées comme zone à risque, sans que le moindre termite n'y ait été attrapé depuis des années. À l'inverse, la dernière étude portant sur les termites dans la région recensée par la direction régionale de l'environnement (Dreal) date de... 2014.
Par ailleurs, une commune concernée par un arrêté n'est pas forcément entièrement touchée. Pour avoir le détail des zones précises, il faut consulter les arrêtés pris par les préfectures du Cher, de l'Indre, d'Indre-et-Loire et de Loir-et-Cher.
Diagnostiquer à temps
Dans ces zones, la vente immobilière ne peut se faire sans diagnostic termites. Des diagnostics réalisés par des entreprises recensées, trouvables sur le site du ministère de la Cohésion des territoires. Gare aux arnaques, courantes, qui donnent des prix de diagnostic et de traitement exorbitants.
À Ballan-Miré, la mairie dit avoir dépensé 20 000 euros sur deux ans pour effectuer des analyses des zones à risque. "Deux foyers supplémentaires, en plus d'un premier historique, se sont déclarés en 2020 et 2021 sur des zones beaucoup plus urbanisées", note Sylvain Navinier, responsable du service urbanisme de la ville.
D'où l'importance de prendre au sérieux l'arrivée de ces termites, qui se concentrent plutôt ses dernières années dans le Sud-Ouest et la région parisienne. Entre les deux, le Centre-Val de Loire fait office de lieu de passage idéal. Bonne vieille technique pour savoir si vous avez des termites : fabriquer un piquet en bois fait maison avec du bois tendre, et une encoche sur la moitié de sa hauteur, le planter dans le sol à côté de chez vous. Au bout de quelques mois, si termites il y a, ils seront bien visibles dans le bois.