"Le 49.3, c'est l'arme des faibles" : à l'Assemblée nationale, le débat sur le budget en sursis

Les débats autour du vote du budget ont débuté cette semaine à l'Assemblée nationale sous le spectre du 49.3. Au cœur des négociations, la taxation des super-profits ou la baisse des impôts sur les entreprises (CVAE). Retour sur ces premiers jours de discussion avec les députés de la région.

"Le temps du budget est celui de l'affrontement des visions", lance Charles Fournier, député Europe Ecologie Les Verts de l’Indre-et-Loire. Les discussions autour du projet de loi de programmation des finances publiques (2023-2027) et du projet de loi de finances pour 2023 (PLF) se sont ouvertes à l’Assemblée nationale ce lundi 10 octobre.

Le contexte est cette fois particulier, puisque le gouvernement ne possède qu’une majorité relative. En toile de fond : le recours à l'article 49.3 de la Constitution, pour faire passer le PLF sans le vote des députés. Reste à savoir quand ? 

Une volonté de blocage ? 

Lundi 10 octobre, 16h. Ouverture des débats. L’opposition dépose deux motions de rejet préalables. "Ce procédé fait partie de nos possibilités d’expression, indique Charles Fournier, député EELV de l’Indre-et-Loire. Cela signale que ce texte ne nous correspond pas et qu’il y a des désaccords majeurs."

Les motions ne sont pas adoptées, mais pour la majorité, la démarche traduit une intention de blocage. À laquelle s’ajoute le dépôt de 3 000 amendements. "Il n'y a pas de volonté de concertation lorsque l'on dépose tant d’amendements", estime Fabienne Colboc, députée Renaissance d’Indre-et-Loire. À titre de comparaison, 41 000 amendements avaient été déclarés lors de la réforme des retraites. "3 000 est un nombre relativement normal, justifie Charles Fournier. Il s'explique aussi parce qu'il y a plus de députés d’opposition que par le passé."

Les élus de l'opposition ont voté jusqu'ici de manière assez similaire, mais leurs raisons diffèrent. Pour Charles Fournier, "il n’y a pas de coalition" : 

Le seul point sur lequel on est d’accord, c’est qu’on n’est pas d’accord.

Charles Fournier, député EELV d'Indre-et-Loire

Selon Les Républicains, le PLF est trop dépensier. "Nous voulons réduire la dépense publique de 29 milliards d’euros", explique le député de l’Indre, Nicolas Forissier. À l’opposé, la Nupes regrette un "investissement trop faible dans la justice sociale et la transition énergétique".

Les nœuds des discussions 

Pour 2023, le gouvernement prévoit la prolongation du bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité et du gaz, estimé à 45 milliards d’euros, et la baisse des impôts de production (CVAE) pour les entreprises. La seconde mesure déplaît fortement au député du Parti communiste du Cher, Nicolas Sansu, car elle impactera les recettes des collectivités territoriales. "On est en train d'assécher les communes", se désole-t-il. Élisabeth Borne a toutefois annoncé l'augmentation de la dotation de fonctionnement de 110 millions d’euros. 

Pour le Rassemblement national, le bouclier tarifaire n’est pas suffisant. Afin de pallier le coût d’énergie pour les PME de sa circonscription, Roger Chudeau, député du Loir-et-Cher, réitère la proposition de Marine Le Pen lors de la campagne présidentielle : une baisse de la TVA sur les produits énergétiques de 20% à 5,5%.

Le parti réclame, tout comme la gauche, la taxation des entreprises telles que TotalEnergies qui réalise des profits exceptionnels dus à la guerre en Ukraine et l’inflation (5,6 milliards d’euros au deuxième trimestre 2022). Ce à quoi le gouvernement a riposté en déposant, vendredi 7 octobre, un amendement instaurant une contribution temporaire de solidarité aux firmes profitant de la situation économique. Les débats sur le sujet n'en sont qu'à leurs débuts et devraient se poursuivre dans l'hémicycle. 

Recours au 49.3 

Au sein des couloirs de l'Assemblée, la rumeur du 49.3 se murmure depuis le début de la semaine. Ce mercredi 12 octobre, le Conseil des ministres a acté la possibilité de recourir au 49.3, "si la situation devait l'exiger". Une mesure qui permettrait à l'exécutif de faire passer le texte sans le vote des députés, tout en ayant la possibilité de le modifier. Quand le 49.3 sera-t-il alors actionné ? 

À cette question, Mathilde Desjonquères, députée du MoDem dans le Loir-et-Cher répond que le débat parlementaire doit aller le plus loin possible. "Il faut que le texte puisse s’enrichir d'amendements de divers groupes, estime-t-elle. Mais s’il y a de l’obstruction, le 49.3 est un outil constitutionnel qui a été pensé pour ces situations. Il est adapté à la majorité relative." C'est d'ailleurs le MoDem, parti pourtant allié de Renaissance, qui a fait passer contre l'avis du gouvernement un amendement pour taxer les superdividendes.

Chez les oppositions, le recours au 49.3 est décrit comme "l’arme des faibles" par Nicolas Sansu, "un aveu d’impuissance" par Roger Chudeau. S’il est actionné, les députés de l’opposition auront alors 24h pour rassembler 58 signatures et déposer une motion de censure. Si cette dernière parvient à obtenir une majorité absolue, fixée à 289 votes, la Première ministre Elisabeth Borne et son gouvernement seront obligés de démissionner et l’Assemblée sera dissoute. "Je ne vois d'intérêt pour personne de dissoudre l'Assemblée nationale à l’heure actuelle", assure Fabienne Colboc. "Mais si tel est le cas, on repartira en campagne." 

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